lundi 30 septembre 2013

Curiosity Révèle la Composition du Sol du Cratère Gale

La revue scientifique Science met cette semaine Curiosity en couverture. Un supplément spécial retrace les premiers résultats des analyses chimiques du sol martien dans le cratère Gale.  C’est le 6 aout 2012, lorsque que le rover est arrivé sur la surface de la planète rouge, que Mars a reçu son laboratoire de géochimie le plus évolué.
Ses 10 instruments ont été déployés et exploités sur différents types de matériaux durant les 100 premiers jours martiens de la mission, incluant des analyses de roches, de sol et d’atmosphère. Curiosity a été envoyé pour étudier prioritairement une zone appelée le cratère Gale, où une grande diversité de matériaux avait été observée depuis les instruments en orbite.
Bien évidemment, un focus avait été fait sur les matériaux montrant des interactions avec un environnement aqueux.  Mais la mission devait également caractériser la diversité géologique du site d’amarsissage à différentes échelles : des ejecta d’impact, des éléments de sols et des accumulations de sédiments fins transportés par les vents.
Deux points d’arrêt notables se sont trouvés sur les 500 premiers mètres parcourus par le rover, le premier est un gros rocher, qui a reçu le nom de Jake_M, et le second est un amoncellement de sable et de poussière, dénommé Rocknest.

Poudre de sol prête à l'analyse par CheMin (NASA/JPL-Caltech)
Stolper et al. précisent que Jake_M a été rencontré à 282 m du site d’arrivée. C’est un gros caillou sombre, d’apparence homogène, et qui représente un type de magma martien jusqu’alors inconnu. A contrario des basaltes tholeiitiques typiques de Mars, qui sont riches en fer et pauvres an aluminium et peu fractionnés, Jake_M est apparu très alcalin et fractionné. En fait Jake_M est très similaire à certaines roches rencontrées sur Terre, quoique assez rarement, les mugearites, que l’on peut trouver dans des îles océaniques et des zones de rift. Les géophysiciens estiment qu’il provient probablement de magmas issus de la fonte partielle à haute pression de basaltes riches en eau.

Durant les 100 premiers jours de la mission, l’instrument ChemCam à produit plus de 10000 spectres grâce à son laser qui lui permet ainsi de caractériser la diversité des matériaux par leur surface. Le ChemCam peut également distinguer les composants du sol en fonction de la taille de grains. Ce que montrent Meslin et al. dans ce supplément de Science, c’est que les gros grains du sol sont plutôt des grains de type « felsique », riches en silicium et en aluminium, très similaires à la composition des fragments de roches plus gros rencontrés par Curiosity sur son chemin. Cela les amène à conclure qu’une grande partie du sol est constituée de tout petits morceaux de roches, des grains de sable issus de la fragmentation. En revanche, les grains plus petits qu’un millimètre, eux, sont différents, de type « mafique », très similaires à ce qui avait été observé il y a quelques années par les missions de rovers précédentes.

Le tas de sable et de poussière Rocknest, lui, a été analysé par l’instrument CheMin par diffraction de rayons X, ainsi que par le APXS (Alpha Particle X-Ray spectrometer). Les résultats diffèrent quelque peu en fonction des techniques d’analyse utilisées, mais il apparaît que  la majorité du dépôt est de composition cristalline d’origine basaltique (entre 55% et 71%) et l’autre part composée de matériaux amorphes, probablement des oxydes de fer.
SAM avant son installation sur le rover (NASA)
Leshin et al. se sont penchés eux aussi sur le matériau de Rocknest par l’utilisation de la pyrolyse grâce au SAM (Sample Analysis on Mars). De nombreux composés volatiles ont pu être observés, provenant probablement de la composante amorphe. Par ordre décroissant d’abondance, ils ont trouvé les molécules suivantes : H2O, SO2, CO2 et O2. Du beau monde… 
Il est très probable, selon les spécialistes que l’eau (H2O) est contenue dans le composé amorphe et que le CO2 a été libéré via la décomposition de carbonates de fer et de magnésium que n’avait pas réussi à voir CheMin de par leur faible abondance (inférieure à 2%).

Une analyse isotopique de l’eau et du CO2 a par ailleurs montré que ces molécules étaient semblables à celles rencontrées dans l’atmosphère martienne.

SAM a également mis en évidence la présence d’autres composés chimiques comme des chlorures oxygénés, tout à fait similaires à d’autres composés du même type trouvés par des missions antérieures très éloignées du cratère Gale, ce qui suggère que leur accumulation reflète un processus global au niveau de la planète…






Références :
The Petrochemistry of Jake_M: A Martian Mugearite
E. M. Stolper et al.
Science (27 September 2013) Vol. 341 no. 6153

Soil Diversity and Hydration as Observed by ChemCam at Gale Crater, Mars
P.-Y. Meslin et al.
Science (27 September 2013)  Vol. 341 no. 6153

X-ray Diffraction Results from Mars Science Laboratory: Mineralogy of Rocknest at Gale Crater
D. L. Bish et al.
Science (27 September 2013)  Vol. 341 no. 6153

Curiosity at Gale Crater, Mars: Characterization and Analysis of the Rocknest Sand Shadow
D. F. Blake et al.
Science (27 September 2013)  Vol. 341 no. 6153

Volatile, Isotope, and Organic Analysis of Martian Fines with the Mars Curiosity Rover
 L. A. Leshin et al.
Science (27 September 2013)  Vol. 341 no. 6153




mercredi 25 septembre 2013

Découverte de la Galaxie la Plus Dense

C'est une toute petite galaxie, une de celles qu'on appelle les galaxies naines ultra-compactes. Et compacte, on peut dire qu'elle l'est, celle-là!
Son petit nom est M60-UCD1. Elle est située tout près de la "grosse" galaxie elliptique M60, à 54 millions d'années-lumière de chez nous.

M60-UCD1 (Chandra X-Ray Observatory, Harvard)
L'image ci-dessus a été obtenue par la composition d'images en rayons X par le télescope spatial Chandra, et en visible, grâce à Hubble. C'est ce dernier qu'il l'a découverte.
Ce qui est extraordinaire dans cette petite galaxie, ce n'est pas sa masse, qui est d'environ 200 millions de masses solaires (ce qui est relativement léger), mais c'est que la moitié de cette masse est située dans une sphère de seulement 80 années-lumières de rayon!
Cela veut dire que la densité d'étoiles y est 15000 fois plus importante que ce que nous connaissons dans le voisinage du Soleil!...

Une autre observation intrigante est une très forte émission de rayons X dans son centre... Trou noir, vous avez dit trou noir ? Supermassif en plus, 10 millions de masses solaires rien que pour lui...

Les astrophysiciens essayent de déterminer l'histoire de ce type de galaxies très particulières. Est-ce qu'elles naissent à partir d'un amas d'étoiles (un amas globulaire qui grossirait, grossirait...) ou bien à l'inverse, étaient-elles des galaxies plus grosses qui auraient perdu des étoiles au fur et à mesure du temps qui passe ? Car du temps, il en est passé. L'âge de M60-UD1 est estimé à 10 milliards d'années...

Ce qui est sûr, c'est qu'on ne trouve pas de trous noirs supermassifs au centre des amas globulaires. Les astrophysiciens s'orientent donc vers la deuxième solution. Cette galaxie hyper dense serait le résidu d'une galaxie plus grosse qui aurait pu subir une violente collision avec une autre galaxie, ce que corroborent également la masse de la galaxie et le fait que l'on y trouve une abondance d'éléments très similaire à ce qu'on trouve dans le soleil.
Si ce scénario est le bon, M60-UD1 aurait du être 50 à 200 fois plus massive qu'elle ne l'est aujourd'hui, ce qui rendrait cohérente la masse de son trou noir supermassif vis à vis de la masse globale. Il est probable que le phénomène de dépouillement d'étoiles qu'a subi M60-UCD1 ait eu lieu il y a bien longtemps, plusieurs milliards d'années.


source : 
The Densest Galaxy
J. Stader et al.
The Astrophysical Journal Letters,  20 september 2013

dimanche 22 septembre 2013

L'Anisotropie du Fond Diffus Cosmologique

Deux anomalies du fond diffus cosmologique observées par le prédécesseur du satellite Planck, WMAP, ont été confirmées au printemps dernier par les données de Planck, excluant de fait un biais de mesure.
L'une d'elle est une asymétrie de la température moyenne dans les hémisphères opposés du ciel (indiqués par la ligne courbe sur la figure ci-dessous, où les anomalies sont renforcées par la coloration rouge-bleu pour les rendre mieux visibles). Les températures sont légèrement plus élevées au sud de l'écliptique qu'au nord. Cela va à l'encontre des prédictions du modèle standard cosmologique qui dit que le fond diffus doit être homogène et isotrope. La seconde anomalie visible dans les données de WMAP et de Planck est un point froid qui s'étend sur une zone du ciel de l'hémisphère sud bien plus importante qu'une simple fluctuation (zone entourée ci-dessous).
Carte du CMB (ESA/Planck Collaboration)
Le rayonnement diffus cosmologique (CMB en anglais), est l'une des meilleures sondes pour explorer les très grandes structures de l'Univers. D'après le modèle de Big Bang actuelle, le fond diffus cosmologique est apparu lorsque la soupe primordiale s'est suffisamment refroidie dans l'expansion pour que les protons et les électrons puissent se combiner pour former des atomes d'hydrogène neutre et ainsi "libérer" les photons. C'était 380000 ans après l'instant initial. Si l'Univers était parfaitement homogène et isotrope, le CMB serait exactement identique partout dans toutes les directions du ciel. Mais il n'y aurait alors jamais eu de galaxies, d'étoiles et encore moins de planètes, et de grands singes bipèdes se posant des questions... 

Ce sont de très petites inhomogénéités dans l'Univers primordial qui ont fini par former toutes ces structures. Et ces inhomogénéités apparaissent dans le rayonnement du fond diffus, sous forme de très petites variations de température. La température moyenne de ce rayonnement vaut 2.735 kelvins, et les plus grosses fluctuations valent environ un dix millième de kelvin.
Modèle de Bianchi de type VIIh
Ces fluctuations devraient être distribuées statistiquement de façon uniforme dans toutes les directions (on parle d'isotropie).
Mais ni WMAP ni Planck n'ont réussi à démontrer la parfaite isotropie des fluctuations du CMB, au contraire. Leurs données sont cohérentes, il existe bel et bien une anisotropie aux grandes échelles angulaires, comme si il existait une direction privilégiée.

Or, il existe des modèles dynamiques qui proposent une structure à la fois homogène, mais anisotrope. Ces modèles qui incluent une expansion anisotrope associée à une rotation globale sont appelés des modèles de Bianchi de type VIIh, d'après le mathématicien du 19ème siècle Luigi Bianchi qui a imaginé ces premiers modèles mathématiques.

Dans un modèle de Bianchi de type VIIh, c'est comme si les photons du CMB se propagent le long de géodésiques qui seraient en rotation autour d'un axe de symétrie et décalés vers le rouge du fait d'une expansion additionnelle. On aurait alors affaire à l'addition d'un cisaillement et d'une vorticité des géodésiques.
Appliqué au CMB, le modèle de Bianchi de type VIIh donne une structure extrêmement proche de la distribution observée par le satellite Planck (voir la comparaison des deux cartes ci-dessus).

Lorsqu'on soustrait la composante anisotrope du Bianchi VIIh dans la carte du CMB de Planck, on retrouve une répartition tout à fait homogène et isotrope...
Tout cela semble vraiment très séduisant, mais il y a un petit problème... Il se trouve que ce type de modèle n'est pas cohérent ni avec la théorie de l'inflation, ni avec les valeurs mesurées de la densité d'énergie de l'Univers, qui sont par ailleurs validées par les données de Planck. Alors que penser ?

Une certitude est qu'il faut très probablement abandonner le dogme de l'isotropie cosmologique. L'autre certitude est qu'il y a encore de nombreux points à creuser pour en connaître la nature et l'origine. Les données du CMB et les anomalies observées doivent en être le point d'entrée. La ressemblance troublante de la carte du modèle de Bianchi de type VIIh avec la carte de Planck n'est sans doute pas à prendre à la légère malgré les tensions qu'elle induit. C'est dans les tensions que peuvent jaillir de nouvelles idées.

samedi 21 septembre 2013

Des Nébuleuses Planétaires Etrangement Alignées

Des astronomes anglais viennent de trouver quelque chose d'étonnant. De nombreuses nébuleuses planétaires situées au cœur de notre galaxie montrent un alignement identique, elles sont alignées le long du plan galactique.
Il s'agit d'un certain type de nébuleuses planétaires, celles qu'on appelle des nébuleuses planétaires bipolaires. Les nébuleuses planétaires peuvent être classifiées selon trois familles : les polaires (les nébuleuses planétaires en forme de boule ou de coquille), les biploaires (qui montrent des formes de double lobe ou d'ailes de papillon) et enfin les non-polaires, qui se trouvent sans forme bien définie.
Une nébuleuse planétaire n'a de planète que le nom qui leur fut donné il y a quelques siècles. Il s'agit en fait d'enveloppes de gaz expulsées par une étoile de faible masse en fin de vie. Les nébuleuses planétaires bipolaires produisent de particulièrement belles formes.

Exemples de nébuleuses planétaires bipolaires : Hen3-1475, Hubble5, M2-9, NGC 5189,  NGC6302 et NGC 6881 (Hubble Space Telescope, NASA/ESA)
Les astronomes anglais de l'université de Manchester qui ont fait cette étude se sont penchés sur plus d'une centaine de nébuleuses planétaires des trois types peuplant la zone centrale de notre galaxie, qu'on appelle le bulbe. 
Toutes ces nébuleuses planétaires sont issues d'étoiles sans aucun lien entre elles, sauf leur appartenance à la même galaxie. Ce qu'ont découvert Bryan Rees et Albert Zijlstra, c'est que la plupart des nébuleuses planétaires bipolaires qu'ils ont observées avec le New Technology Telescope de l'ESO et le Télescope Spatial Hubble, sont orientées dans la même direction... ce qui est tout à fait surprenant sachant qu'elles ont toutes une histoire et des caractéristiques différentes. Leur grand axe est orienté dans le plan galactique.
"Alors qu'observer un tel alignement est déjà très surprenant, le voir dans la région centrale de la galaxie, très peuplée, est encore plus inattendu", précise Albert Zijlstra.
La célèbre nébuleuse bipolaire PN Hb 12, aussi appelée Hubble 12 (NASA/ESA)

On estime généralement que la forme des nébuleuses planétaires est sculptée par la rotation du système d'étoiles en étant à l'origine, souvent un système d'étoiles double. La présence de planètes peut également influencer fortement la forme de la bulle de gaz. La forme très particulière des nébuleuses bipolaires est probablement causée par des jets soufflant de la matière perpendiculairement à l'orbite du système.

Mais pour s'aligner comme l'ont observé les deux astronomes anglais, les étoiles binaires ayant formé ces nébuleuses auraient dû tourner perpendiculairement aux nuages interstellaires à partir desquelles elles se sont formées, ce qui paraît très étrange.
Schéma du processus d'alignement suggéré par B. Rees and A. A. Zijlstra

Tout le bulbe central est en rotation autour du centre galactique. Il semble ainsi que le bulbe ait une influence bien plus importante sur l'ensemble de la galaxie que ce qu'on pouvait penser auparavant, notamment via ses champs magnétiques. Comme les étoiles progénitrices des nébuleuses planétaires sont âgées entre 8 milliards et 13 milliards d'années, les auteurs suggèrent que c'est au moment de la naissance de ces étoiles binaires que le champ magnétique du bulbe, orienté dans le plan galactique, à forcé le plan de rotation des systèmes stellaires en formation à se retrouver dans le plan orthogonal au plan galactique.

L'alignement des résidus nébuleux de toute beauté que nous obervons aujourd'hui serait donc la signature de ces plans de rotation parallèles, eux-même signant la caractéristique du champ magnétique galactique qui existait il y a plusieurs milliards d'années et qui n'existe plus aujourd'hui.


Référence :
Alignment of the Angular Momentum Vectors of Planetary Nebulae in the Galactic Bulge
B. Rees and A. A. Zijlstra
à paraître in Mon. Not. R. Astron. Soc. 

samedi 14 septembre 2013

Découverte de Dizaines de Milliers d'Amas Globulaires au Coeur de Abell 1689

L'amas de galaxies Abell 1689 était déjà connu pour sa masse très imposante qui produit l'une des plus belles images illustrant le phénomène de lentille gravitationnelle, où des galaxies très éloignées situées en arrière plan apparaissent de part et d'autre de l'amas, leur lumière formant des arcs de cercle, déformée par le puits gravitationnel de Abell 1689.
Cet amas de galaxies vaut vraiment le détour, et c'est une équipe mexicaine menée par l'astrophysicienne Karla Alamo-Martinez qui s'est penchée sur le cœur de l'amas, en utilisant l'un des meilleurs outils à disposition, le télescope spatial Hubble.

Ce qu'ils ont découvert est surprenant : plus de 10000 amas globulaires en lumière visible (Hubble les a traqués jusqu'à la magnitude 29, ce qui équivalent à une luminosité 1 milliard de fois plus faible que la plus faible étoile que vous pouvez voir à l’œil nu par un ciel très noir...

Abell 1689 observé par Hubble. Détail à droite, où les amas globulaires sont visibles (NASA/ESA)
Rappelons-le les amas globulaires sont des rassemblements de plusieurs centaines de milliers d'étoiles, parmi les plus vieilles, la plupart formées dans un Univers vieux de 2 à 3 milliards d'années. Ces rassemblements d'étoiles forment des sortes de grosses boules où les étoiles sont si proches qu'elles subissent le plus souvent des interactions gravitationnelles entre elles.

M22, l'un des plus beaux amas globulaires visibles par les amateurs 
Et à partir de ces 10000 amas globulaires observés dans une petite zone de l'amas Abell 1689, les astrophysiciens mexicains et leurs collègues peuvent extrapoler la quantité de tels amas globulaires qui peuplent Abell 1689 dans sa totalité. Ils arrivent au chiffre de 160000 amas globulaires, dans un diamètre de 2,4 millions d'années-lumières ! 

Pour donner une comparaison, il faut savoir que notre galaxie, notre petite galaxie, abrite environ 150 amas globulaires...
Ceux de l'amas de galaxies Abell 1689, sont situés à 2,25 milliards d'années-lumière de nous, ce sont donc également les amas globulaires les plus lointains que l'on connaisse...

Ce que les astronomes ont également réussi à observer grâce aux instruments de Hubble, c'est que la grande majorité de ces amas globulaires étaient formés au centre de l'amas de galaxie, là où la densité de matière noire est maximale, avec une sorte de corrélation entre le nombre d'amas globulaires et leur distance au centre de l'amas de galaxies, et la densité de matière noire...


Source :
The Rich Globular Cluster System of Abell 1689 and the Radial Dependence of the Globular Cluster Formation Efficiency
Karla. A. Alamo-Martínez et al.
ApJ 775 20 2013, à paraître.

jeudi 12 septembre 2013

Des Orages Nucléaires

Le saviez-vous, lors des orages, les éclairs et la foudre qui parsèment le ciel sont la source de réactions nucléaires...
Des indices montrant que des neutrons seraient produits durant les orages étaient connus depuis les années 1980, mais cela n'avait encore jamais pu être réellement démontré expérimentalement. Il avait été constaté que lors de gros orages il apparaissait une augmentation significative du "bruit de fond" neutronique, normalement attribué au rayonnement cosmique.
Ce sont des physiciens russes qui ont enfin pu caractériser un peu mieux ces véritables petits canons à neutrons que sont les éclairs et la foudre et qui publient leur résultat cette semaine dans Physical Review Letters.

Pour cela, l'équipe russe a reproduit en laboratoire des grosses décharges électriques dans de l'air "normal", grâce à un vieil accélérateur d'électrons transformé pour l'occasion, pouvant créer un champ électrique de 1 MV/m pour une intensité de 10 kA.

En positionnant judicieusement différents détecteurs de neutrons (des détecteurs à traces et des scintillateurs plastiques) à différentes distances autour de l'éclair de décharge qui forme un canal de plasma, ils sont parvenus à mesurer un flux de l'ordre de 1 million de neutrons par cm² ayant une source spatialement étendue, et avec des neutrons d'énergie pouvant dépasser 10 MeV.

Ils observent également la création de rayons X en coïncidence avec ces neutrons énergétiques. Même si l'origine exacte de ces neutrons reste mal comprise, il est fort probable qu'ils soient dûs à des réactions photonucléaires, ayant justement pour origine les rayons X, qui sont, eux, produits par les électrons énergétiques du courant ionique de l'éclair.

Schéma imagé du processus de Bremsstrahlung
Reprenons. Le fort champ électrique appliqué produit un passage de charges électriques dans l'air qui se trouve ionisé : des électrons de plusieurs MeV d'énergie cinétique se déversent dans le canal qui forme l'éclair. L'ionisation locale associée à la chaleur générée par les interactions des charges produisent une émission de lumière (c'est l'éclair que nous voyons). 
Parallèlement, la forte chaleur très localisée dilate fortement une toute petite zone sur son passage. Il se créé alors une onde de choc acoustique, c'est le claquage caractéristique que l'on peut entendre, ou le tonnerre si vous préférez  Jusque là, rien de bien nouveau. 

Mais voilà que les électrons interagissent également au niveau du champ coulombien des noyaux d'atomes et peuvent être fortement ralentis. Ils émettent dans ce processus appelé Bremsstrahlung, des rayons X, dont l'énergie va se distribuer jusqu'à l'énergie maximale des électrons incidents.

Et c'est là que vont pouvoir apparaître nos neutrons : les photons X, qui sont émis préférentiellement dans la direction des électrons précurseurs, à leur tour, peuvent générer des réactions nucléaires sur les noyaux d'atomes composant l'air atmosphérique où ils se propagent, pour produire ce qu'on appelle des photoneutrons. Ces réactions sont nommées dans le jargon des physiciens nucléaires des réactions (gamma,n).

Il n'y a donc pas que les rayons cosmiques qui finissent par produire des neutrons en interagissant dans l'atmosphère. A bien plus basse altitude, les gros orages et leurs cumulonimbus monstrueux emmagasinent suffisamment d'énergie électrique pour eux aussi jouer avec le feu neutronique...

Les auteurs de cette étude souhaitent poursuivre leurs investigations pour déterminer où exactement sont produits les neutrons dans la décharge électrique. Ils doivent pour cela mesurer le "temps de vol" et la direction des neutrons, ce qui n'est pas si simple quand il s'agit de nanosecondes.

Référence :
Observation of Neutron Bursts Produced by Laboratory High-Voltage Atmospheric Discharge
A. V. Agafonov, et al.
Phys. Rev. Lett. 111, 115003 (2013)  September 12, 2013


mercredi 11 septembre 2013

Lune, Saturne, et le Temps qui Passe

Ce soir Saturne n'était pas très loin de la Lune, comme Vénus, d'ailleurs. Elles ont en commun leur lumière, qui est la même, celle du Soleil...

Lune et Saturne (canon EOS 1000D 250 mm)
Deux photons ayant quitté la surface du Soleil en même temps viendront mourir dans notre rétine après un passage sur le sol de la Lune pour l'un et dans l'atmosphère saturnienne pour l'autre, mais avec un temps de trajet très différent : 8 minutes et quelques secondes pour l'un, 2h50 pour l'autre... Saturne est ici telle qu'elle était quand il faisait encore jour... Le présent n'existe pas en astronomie.

Canon 1000D sur Barlow x2, Dobson 254 mm
Mais le présent existe-t-il ailleurs, dans ce ballet incessant d'événements futurs qui se jettent dans le passé à corps perdu ?

Canon 1000D sur Barlow x2, Dobson 254 mm


mardi 10 septembre 2013

MUSE, un Nouvel Instrument Ultra-Performant pour le VLT

Ce petit film décrit très bien ce qu'est l'astrophysique du point de vue instrumental. A regarder jusqu'au bout ! Tout y est dit dans le détail, je n'ai rien à ajouter...

samedi 7 septembre 2013

Les Trous Noirs font le Ménage

Il faut encore que je vous parle des trous noirs. Vous vous en souvenez, on sait qu'il existe un lien étroit entre la masse du trou noir central d'une galaxie et la masse totale de la galaxie. Le rapport est à peu près constant pour la grande majorité des galaxies dans lesquelles on a pu détecter la présence de l'astre sombre : 1 pour 1000. La masse du trou vaut 1 millième de celle de la galaxie entière et ce quelle que soit la galaxie.

C'est étonnant et considérable surtout quand on connaît les dimensions respectives de ces deux éléments et quand on sait que la masse des trous noirs en question peut s'étaler entre le million de masses solaires et la dizaine de milliards. Le fait qu'il semble exister un lien entre la masse d'un trou noir central et sa galaxie hôte laisse supposer une relation privilégiée, une coévolution comme l'appelle les astrophysiciens. Certains modèles de formation des galaxies proposent même que le trou noir central produit un mécanisme qui tend à réguler le grossissement de la galaxie.

Image en radio de la galaxie 4c12.50 située à 1,5 milliards d'A.L (Morganti et al., NRAO/AUI/NSF)
On ne peut que se demander comment un objet aussi petit - l'horizon d'un trou noir supermassif ne dépasse guère la taille du système solaire - peut influer sur l'ensemble aussi vaste qu'est une galaxie (plusieurs dizaines de milliers d'années-lumière de diamètre).
Une équipe de chercheurs vient de trouver un début de piste en étudiant le noyau actif d'une galaxie qui abrite (bien sûr) un géant obscur. Il s'agit de 4C12.50, qui est classé dans les noyaux de galaxie infrarouges ultralumineuses (des ULIRGs selon l'acronyme anglais).

Ce que montrent Rafaella Morganti et ses confrères, de l'Université de Groningen aux Pays-Bas, c'est que les jets radio puissants produits par le trou noir n'interagissent pas seulement avec le gaz chaud peu dense du milieu interstellaire, ce qu'on pensait jusqu'alors, mais aussi avec le gaz d'hydrogène moléculaire, froid, beaucoup plus dense, celui qui est l'origine de la formation des étoiles par concentration gravitationnelle.

Implantation du réseau de radiotélescopes VLBA (NASA)
Ils sont parvenus à mesurer la vitesse de déplacement d'une portion de nuage de gaz froid situé à 350 années-lumière du trou, sur lequel arrivait le jet du trou noir par derrière. Ils trouvent une vitesse de 1000 km/s pour un flux de matière de l'ordre de 20 masses solaires/an.
Ces observations ont été effectuées grâce à des réseaux de radiotélescopes en mode interférométrique à très longue distance (VLBA, VLA, Effelsberg, Westerbork et Onsala), qui permettent de visualiser des détails très fins.

Les trous noirs supermassifs grâce à leurs jets radio expulsent ainsi des quantités de matière non négligeables loin des zones de formation d'étoiles dans la galaxie. En d'autres termes, ils font le ménage autour d'eux en empêchant leur galaxie de continuer de grossir en produisant des étoiles, mais en même temps ils éloignent loin d'eux la matière qui leur aurait permis de grossir eux-mêmes d'avantage...


Référence :
Radio Jets Clearing the Way Through a Galaxy: Watching Feedback in Action
Raffaella Morganti et al.
Science 341, 1082 (6 spetember 2013)


mercredi 4 septembre 2013

Le Volcan Mexicain et son Observatoire de Rayons Cosmiques

Le 1er août dernier, l’observatoire gamma High Altitude Water Cherenkov (HAWC) a débuté officiellement ses opérations. Cet observatoire pas comme les autres a pour objectif d’étudier l’origine des rayons cosmiques ultra énergétiques. Cet observatoire – on ne peut pas le désigner par le nom « télescope » - utilise une technique de détection unique. Il s’agit d’une série de grosses cuves remplies d’eau pure. Il est constitué pour ses débuts de 100 cuves de 5 mètres de haut pour un diamètre de 7,3 mètres (soit 180 000 litres), mais devrait en comporter 300 au maximum sous peu.


le site de l'observatoire HAWC (HAWC observatory)
Il est installé au Mexique, sur les pentes d’un volcan, le Sierra Negra, à une altitude de 4100 m, dans l’état du Puebla. Cet observatoire est exploité par des équipes mixtes mexicaines et américaines avec une dominante mexicaine.


Chaque cuve est équipée de quatre photomultiplicateurs qui enregistrent le moindre photon de lumière apparaissant dans le volume d’eau maintenu dans le plus grande obscurité. Cette lumière dite lumière Cherenkov, trahit l’interaction de particules chargées très rapides (plus rapides que ne l’est la lumière dans l’eau, soit 40% de moins que dans le vide).

Les rayons cosmiques très énergétiques, en frappant la haute atmosphère, produisent des particules secondaires elles aussi très énergétiques et donc très rapides. HAWC les attrape au niveau du sol, qui est déjà situé à plus de 4000 m altitude, pour en perdre le moins possible lors de leur descente dans les profondeurs de l’atmosphère.
Gerbe de particules produite par un rayon cosmique énergétique

HAWC peut ainsi être sensible à des particules dont l’énergie se situe entre 100 GeV et 100 TeV. En 2009, HAWC a été identifié comme le projet scientifique mexicain ayant le plus fort impact dans le domaine de l’astrophysique des hautes énergies. Dès 2012, les 30 premières cuves furent installées et permirent de calibrer le système en observant l’ombre de la Lune (qui bloque naturellement les rayons cosmiques qui viennent d’au-delà).

Simulation d'un muon produisant de la lumière Cherenkov 
Les rayons cosmiques et gamma de très haute énergie que HAWC va traquer, grâce à son champ de vision énorme de 15° qui lui permet de voir la moitié du ciel boréal en 24 heures , viennent principalement des phénomènes les plus violents de l’Univers : collisions d’étoiles à neutrons, explosions de supernovae, trous noirs supermassifs, …

Grâce à la combinaison subtile des signaux Cherenkov des différents sous-éléments de l’ensemble, les astroparticulistes parviennent à déterminer à la fois le temps d’arrivée, l’énergie incidente et la direction d’origine du rayon gamma ou du rayon cosmique initial ayant produit la gerbe de particules secondaires.

Jusqu’à présent, les systèmes détectant les gerbes par la lumière Cherenkov étaient constitués de grands miroirs regardant la lumière Cherenkov produite directement dans l’air, comme par exemple le télescope HESS installé en Namibie dont nous avons déjà parlé.

Le gros avantage d’utiliser de l’eau en altitude est de pouvoir obtenir une bien meilleure précision sur la direction d’origine du rayon cosmique, ce qui se révèle fondamental pour tenter de comprendre ce qu’on détecte…





source :