mardi 25 octobre 2016

Les étoiles qui se déforment tel le battement d'un coeur


Certaines étoiles observées par le télescope chasseur d'exoplanètes Kepler, montrent un comportement unique, elles ont pour cela été baptisées des "étoiles à battement de cœur" (ou étoiles HB, heartbeat stars). Il s'agit d'étoiles binaires dont la luminosité tracée en fonction du temps ressemble étonnamment à un électrocardiogramme.




La première étoile à battement de cœur a été découverte par Kepler en 2011, la binaire nommée KOI-54. Puis 17 étoiles similaires ont été identifiées dans les archives du télescope en 2012, et c'est à partir de là que la terminologie de "battement de cœur" a été utilisée pour les décrire.
Les astrophysiciens s'intéressent à ces systèmes particuliers car il s'agit de couples d'étoiles sur une orbite très allongée, ce qui permet d'étudier les effets gravitationnels agissant d'une étoile sur l'autre. Et le comportement périodique de type pulsation cardiaque observée par Kepler a visiblement pour origine cette dynamique orbitale particulière.
Les étoiles de ce type peuvent s'approcher l'une de l'autre à seulement quelques rayons stellaires, se touchant presque, pour s'éloigner ensuite 10 fois plus loin durant leur course orbitale. Les astrophysiciens sont parvenus à démontrer que lors de leur passage au plus près l'une de l'autre, l'attraction gravitationnelle mutuelle des deux étoiles les déforment pour les rendre légèrement ellipsoïdales, ce qui induit simultanément une variation de luminosité, celle-là même que Kepler a détectée. Il s'agit ni plus ni moins que d'un effet de marée comme celui que nous observons sur les étendues liquides de nos océans, mais agissant sur les enveloppes gazeuses des étoiles elles-mêmes.
Avi Shporer (Jet Propulsion Laboratory, NASA), qui signe une nouvelle étude avec une équipe américaine, a observé attentivement les courbes de lumière d'un lot de 19 étoiles à battement de cœur pour les caractériser. Ils ont effectué un suivi dans le temps de ces étoiles identifiées précédemment par Kepler grâce à un télescope terrestre, le Keck, situé à Hawaï, et son instrument spectrométrique de haute résolution HIRES (High Resolution Echelle Spectrometer). En observant attentivement le léger décalage spectral (effet Doppler), les astrophysiciens mesurent précisément la vitesse dans la direction de visée des étoiles au sein du couple , ce qui permet d'associer l'évolution de leur luminosité à la forme de leur orbite. Ces 19 systèmes binaires montrent des périodes orbitales comprises entre 7 jours et 90 jours pour des excentricités comprises entre 0,2 pour la plus elliptique et 0,9 pour la plus circulaire.

Avi Shporer et ses collègues ont réussi à montrer dans cette étude publiée dans The Astrophysical Journal que la déformation de la forme des étoiles par cet effet de marée s'accompagnait également d'une vibration de leur enveloppe, leur diamètre se mettant à fluctuer rapidement, avec une plus forte amplitude lorsque les deux étoiles du couple se retrouvent au plus près l'une de l'autre. Et cette vibration peut se poursuivre, en s'atténuant, durant toute la période orbitale pour reprendre de la vigueur lors du passage suivant. Avi Shporer évoque l'image d'une clochette qui serait frappée à chaque passage proche des deux étoiles puis continuerait à tinter jusqu'au prochain coup de marteau. Une seule ou les deux étoiles du couple peuvent subir ce phénomène de déformation/vibration.
Les auteurs postulent en outre que certains systèmes binaires de ce type pourraient abriter une troisième, voire une quatrième étoile, non détectées. En effet, les effets de marée intenses observés auraient dû produire une évolution rapide des orbites vers des trajectoires circulaires. La persistance d'orbites très elliptiques peut être expliquée par la présence et l'effet gravitationnel d'une ou plusieurs autres étoiles à proximité.
Reste maintenant à essayer de le démontrer par l'observation, ce que Avi Shporer et son équipe vont maintenant mettre au cœur de leurs recherches, en associant toujours plus étroitement les télescopes spatiaux et ceux perchés sur nos montagnes.

Source :

Radial Velocity Monitoring of Kepler Heartbeat Stars
Avi Shporer et al.
The Astrophysical Journal, Volume 829, Number 1 (20 september 2016)


Illustration :

Vue d'artiste d'un système binaire à battement de cœur, dont les étoiles sont déformées par les forces de marées. La courbe représentée est l'évolution de la vitesse mesurée de l'étoile KIC 9965691 (NASA/JPL/Caltech)

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