vendredi 24 mars 2017

Le trou noir supermassif qui pourrait s'échapper de sa galaxie


Ce trou noir supermassif de 1 milliard de masses solaires se trouve au sein du quasar nommé 3C 186, mais ce quasar a une particularité notable : il ne coïncide pas avec le centre de sa galaxie hôte. Et une équipe d'astronomes montre qu'il est en train de se déplacer à grande vitesse...




Alors que d'autres cas semblables de trous noirs supermassifs en mouvement ont été suspectés dans le passé, aucun n'a pu être confirmé à ce jour. Le cas de 3C 186, observé par le télescope Hubble, semble lui montrer des indices plus robustes.
Ce que montrent les images de Hubble, c'est tout d'abord la position excentrée de l'émission intense du quasar par rapport au reste de la galaxie.
Marco Chiaberge (Space Telescope Science Institute) et son équipe ont pu observer 3C 186 non seulement avec Hubble mais aussi avec Chandra en rayons X et avec le Sloan Digital Sky Survey. Les chercheurs ont calculé la distance du trou noir vis à vis du centre de la galaxie en comparant la distribution de lumière observée par rapport à celle d'une galaxie elliptique normale du même type. Ils trouvent une valeur de 35000 années-lumière (plus importante que la distance du Soleil du centre de la Voie Lactée).
A partir de données spectroscopiques obtenues avec Hubble, les astrophysiciens ont pu estimé non seulement la masse du trou noir mais aussi la vitesse du gaz à proximité du monstre. Et le résultat les a surpris : le gaz s'éloigne du centre de la galaxie à la vitesse de 2100 km/s. Mais ce gaz est gravitationnellement lié au trou noir, c'est donc le trou noir qui s'éloigne du centre de la galaxie à plus de 2000 km/s.
Pour donner une idée de cette vitesse faramineuse, elle permettrait de faire le trajet Terre-Lune en 3 minutes... Connaissant la distance du centre et la vitesse, on peut alors calculer depuis combien de temps le trou noir a quitté sa position naturelle : environ 5 millions d'années. Et en se projetant dans le futur, on constate que le trou noir supermassif quittera inéluctablement sa galaxie dans seulement 20 millions d'années, pour parcourir l'Univers tout seul avec un peu de gaz. 

Les images de Hubble montrent un indice intéressant qui a aidé les spécialistes à savoir quelle était la position initiale du trou noir et à comprendre ce qui a pu se passer (là haut) : des "traînées de marées", structures arquées symptomatiques de cas de collisions de galaxies. Cette information est capitale car elle permet de comprendre pourquoi ce trou noir serait en train de s'échapper à grande vitesse de sa galaxie. Résultant d'une fusion de deux galaxies, la galaxie de 3C 186 aurait connu la fusion des deux trous noirs supermassifs des galaxies initiales. Marco Chiaberge et ses collaborateurs montrent comment une telle fusion aurait pu produire la propulsion observée du trou noir résultant.
Avant de fusionner, les deux trous noirs spiralent l'un vers l'autre en émettant quantités d'ondes gravitationnelles. Mais, d'après les astrophysiciens, si les deux trous noirs ont des masses et des axes de rotation assez différents, le couple émet des ondes gravitationnelles de manière asymétrique : elles sont plus fortes dans une direction que dans une autre. Et au moment de la fusion, l'émission d'ondes gravitationnelles s'arrête brutalement, mais les ondes gravitationnelles émises juste avant ont pour effet de faire reculer violemment le trou noir dans la direction opposée à celle des ondes les plus fortes.
Ce type de phénomène est considéré être plutôt rare lors de la fusion de trous noirs supermassifs.
Marco Chiaberge et ses collaborateurs évoquent tout de même une alternative possible à cette explication, mais très peu probable selon eux : le quasar observé pourrait se trouver en arrière plan de la galaxie interprétée comme la galaxie hôte. Mais aucune galaxie ne semble accompagner ce quasar dans ce cas....
Les chercheurs américains pensent déjà effectuer de nouvelles observations avec Hubble, cette fois-ci associées avec des images en ondes submillimétriques du réseau ALMA, afin de mieux calculer la vitesse apparente du quasar et de son trou noir. A suivre de près.


Référence

The puzzling case of the radio-loud QSO 3C 186: a gravitational wave recoiling black hole in a young radio source ?
M. Chiaberge et al.
Astronomy&Astrophysics (30 March 2017)


Illustration

Le quasar excentré 3C 186 observé par Hubble (NASA, ESA, M. Chiaberge (STScI and JHU)) 

2 commentaires :

Youx a dit…

Bonjour Eric,
Lors d'une collision de galaxies, n'est-il pas beaucoup plus probable que leurs deux trous noirs s'éjectent mutuellement de leur position par effet de fronde, que l'éventualité d'une fusion?
Je n'imagine pas très bien de quelle manière ils pourraient perdre leur vitesse relative pour fusionner...
Venant de deux galaxies différentes, les deux T.N. doivent avoir une trajectoire hyperbolique. Pour perdre leur excédent de vitesse par des ondes gravitationnelles, leur approche doit être relativement lente, je suppose, ou très très bien ajustée. Ce qui est tout de même très très peu probable...
???
Avec l'aide de l'attraction de l'un ou l'autre bras d'une des galaxies?
De plus, si deux galaxies entrent en collision, les T.N. supermassifs, si ils fusionnent (ou se tournent autour, prêts à fusionner), ils devraient tout de même se retrouver au centre de la galaxie résultante, je suppose...
Avez-voue des précisions?
Merci!

Dr Eric Simon a dit…

Bonjour Youx

Lorsque deux trous noirs supermassifs se rapprochent, ils vont inéluctablement fusionner. La première phase de fusion de deux galaxies est gouvernée par la friction dynamique, après, lorsqu'ils sont séparés d'environ 1 parsec, les trous noirs forment un système binaire (ils se tournent autour l'un de l'autre). Ensuite l'effondrement de leur orbite va dépendre de l'efficacité des interactions avec le gaz et les étoiles pour évacuer de l'énergie potentielle et du moment cinétique. Lorsqu'ils se sont beaucoup rapprochés, c'est l'émission d'ondes gravitationnelles qui va réduire l'orbite et conduire à la fusion des deux trous noirs. Ensuite le trou noir résultant peut reculer en fonction des paramètres de masse et vitesse de rotation des 2 trous noirs initiaux, à une vitesse plus ou moins grande...