samedi 7 octobre 2017

Dernières nouvelles de l'Event Horizon Telescope


Vous n'êtes pas sans savoir qu'en avril dernier a eu lieu une semaine d'observation totalement inédite : l'observation du trou noir supermassif de notre galaxie Sgr A* ainsi que celle du trou noir supermassif de la galaxie M87, dans le but de produire une image de leur silhouette. Ces observations ont été effectuées par un réseau interférométrique de radiotélescopes à très très longue base, avec des unités réparties sur plusieurs continents : l'Event Horizon Telescope. Son directeur, Shep Doeleman, vient de fournir un état des lieux de l'analyse des données en cours...




La bonne nouvelle, c'est que tous les observatoires impliqués, huit au total (à Hawaii, en Arizona, en France (NOEMA), en Espagne, au Mexique, au Chili, et au pôle Sud), ont tous très bien fonctionné durant la campagne d'acquisition de données et que la grosse majorité des données ont été rassemblées au Haystack Observatory du MIT et au Max Planck Institüt fûr Radioastronomie à Bonn, où les supercalculateurs ont déjà combiné les signaux pour produire des jeux de données "brutes". Les chercheurs sont en train de calibrer ces données afin d'éliminer tous les effets instrumentaux et pour les formater pour fabriquer des images pouvant être analysées scientifiquement. La mauvaise nouvelle, car il y en a une, c'est qu'il manque le jeu de données essentiel qui est celui du South Pole Telescope. Ce n'est en effet seulement qu'à la fin de l'hiver austral que des scientifiques ont pu se rendre à la base Amundsen-Scott où est implanté le radiotélescope antarctique, pour récupérer les disques durs sur lesquels sont enregistrées les très précieuses données. Et Shep Doeleman annonce que ce n'est que vers la mi-novembre que toutes les données seront dans les mains des astrophysiciens du MIT et du Max Planck Institute. Il paraît donc difficile que l'on puisse voir l'image tant attendue avant la fin de l'année... Heureusement, on sait déjà que le South Pole Telescope a fonctionné tout à fait normalement, une petite partie des données ayant été transmise par satellite juste après la semaine d'observation.

Les chercheurs de la collaboration de l'Event Horizon Telescope, en attendant, ont poursuivi leurs développements d'algorithmes d'imagerie. Le 6 septembre dernier s'est terminé le dernier 'Imaging Challenge' de l'EHT, dans lequel les groupes membres de la collaboration devaient appliquer différentes techniques d'imagerie sur des faux jeux de données synthétisés à partir de véritables images test. Les résultats des différentes équipes vont être comparés et discutés la semaine prochaine au MIT. Ce blind test scientifique va permettre aux chercheurs de choisir les meilleures méthodes, et va renforcer la confiance des physiciens dans la puissance qu'offre l'Event Horizon Telescope, d'après son directeur.
Il faut également préciser que les chercheurs et ingénieurs de l'EHT ont fait des avancées techniques importantes. Non seulement les observations d'avril une fois combinées entre elles forment les données interférométriques à longue base obtenues aux plus petites longueurs d'ondes depuis les débuts de l'interférométrie radio, mais ils ont également réussi à élargir la bande passante observée en la multipliant par 10 par rapport à ce qu'on savait faire il y a quelques années. Ils ont par ailleurs développé des techniques d'analyses fondées sur des modélisations très détaillées du phénomène d'accrétion des trous noirs. 

L'image que devrait fournir l'EHT est la silhouette de lumière radio induite par le gaz chaud entourant le trou noir à proximité immédiate de son horizon. La dynamique de la matière entourant les trous noirs devrait aussi pouvoir être détectée par exemple si des blocs de matière chaude orbitent les trous noirs et qu'ils deviennent turbulents sous l'effet du champ gravitationnel hors norme qui y règne.

En février dernier, je vous annonçais que l'on verrait cette image de Sgr A* avant la fin de l'année. J'ai certainement pêché par excès d'optimisme, ignorant qu'il n'y avait pas de vols pour la base Amundsen-Scott de tout l'hiver et que les disques durs devraient rester de longs mois au froid... Au vu des précisions apportées par le responsable scientifique de l'EHT aujourd'hui, on peut penser que nous aurons une belle surprise avant l'été (boréal) 2018...

Retrouvez toutes les informations de l'Event Horizon Telescope sur le site dédié : 


Illustrations

1) Le South Pole Telescope (Daniel Michalik / South Pole Telescope)

2) Les différents radiotélescopes ou réseaux de radiotélescope formant l'Event Horizon Telescope.

2 commentaires :

Youx a dit…

Bonjour Eric,
Peut-on imaginer qu'à l'avenir on ait un réseau interférométrique avec une base aussi grande qui fonctionne dans le visible?

Dr Eric Simon a dit…

Plus la longueur d'onde est petite, plus c'est difficile. Ce n'est pas pour demain, mais on peut raisonnablement penser que ça se fera avant une colonisation de Mars ;-)