Cela           fait un moment que l’on imagine que les         bursts         de           rayons γ         (Gamma           Ray Bursts : GRBs)           ont une origine         provenant           de         la         formation         de         trous           noirs         massifs         en           rotation         rapide.       Cette         hypothèse         est           soutenue         par         des         preuves         d'observation         dérivées         des         signatures         électromagnétiques         de           ces         éclats.       Mais         on           s'attend         également           à ce que les         GRBs           produisent         d'autres         signatures         comme           par exemple des ondes gravitationnelles,         des         rayonnements,         et         des         neutrinos.       Ces           derniers         ont           été         le         centre         de         recherches         intensives,         mais       cependant,         aucune           découverte n’a encore pu encore être rapportée jusqu’à           présent.
Dans         un article paru récemment dans Physical Review Letters (Abbasi         et al.         Phys. Rev. Lett. 106,         141101 (2011).),          la collaboration IceCube, expérience située au Pôle Sud, indique         l’absence de résultats tangibles. Mais la non-détection d’un         signal attendu pourrait être aussi puissante que la découverte         d’un signal… et peut permettre de remettre en cause le modèle         physique qui est utilisé ?
Depuis           de nombreuses années,         les         progrès         dans         l'astronomie         des         neutrinos         ont           été conduits         grâce           à           l’observation de         l'absence         d'une         grande         fraction         du         flux         de         neutrinos           solaires         prévu.       Et           ce mystère n'a pas été résolu         en           apportant         des         modifications         au         modèle         solaire         standard,         mais         par           l’enrichissement de         la         physique         de         particules           via le phénomène d’oscillation des neutrinos.
C’est           la         détection         de         quelques         neutrinos         de           la célèbre supernova         SN         1987A           située dans         le           grand nuage         de         Magellan           qui         a           permis l’essor de         l'astronomie         extragalactique         des         neutrinos.         Désormais,       le         fond         diffus         de         neutrinos         dû         aux         neutrinos         de         toutes           les         supernovae         dans           l’ensemble de         l'univers         est         à           la         portée         des           détecteurs de Super-Kamiokande au         Japon           (Horiuchi,           S.,         Beacom, J. F. & Dwek,           E.            Phys. Rev. D 79,         083013 (2009)).
Comme         dans           le cas des         supernovae,           les         GRBs         impliquent         une         libération         d'énergie         colossale,         et         cette           énergie est emportée pour plus de         99%         par         des         neutrinos.       Cependant,         à           la différence         du         signal         électromagnétique,         il         est         difficile         de           détecter         le         signal         des         neutrinos         en           raison         des         grandes         distances         cosmologiques         et         de           la           très faible         section           efficace         d'interaction         des           neutrinos avec la         matière.
Le         détecteur         d'IceCube         est         le         plus           grand         instrument         avec         lequel         les         astronomes         espèrent         capter         le         signal         évasif         des         neutrinos         de         GRBs         et         d'autres         sources.         Il est constitué par       un         volume         d'environ         1         kilomètre         cube         de         glace           (d’où son nom),         monitoré           par         des         détecteurs         de           lumière         enterrés         profondément         dans         les         couches         de         glace.       Abbasi           et son équipe,         ont           scruté 117         GRBs           et         ont           enregistré           des données         pendant         environ         une         année         d'opération.           Ils n'ont pas pu rapporter         de         détections         coïncidentes         avec           des         GRBs           observés         ou         dans         les         24         heures         suivant         un         GRB.
Ce          résultat (cette absence de résultat) peut paraître étonnant         puisque selon les modèles physiques utilisés, cet instrument         aurait dû détecter des neutrinos associés à ces GRBs. Les         physiciens n’ont plus qu’à imaginer d’autres modèles…
On            peut se demander si la découverte aurait vraiment dû avoir           lieu ou bien n’était-ce qu’une possibilité excitante. On peut           faire le parallèle avec la détection des rayons cosmiques de           haute et très haute énergie. Les rayons cosmiques (protons,           noyaux légers) de haute énergie sont considérés dans les           modèles physiques être accélérés par les ondes de chocs           associées aux explosions de supernovae. Cependant les rayons           cosmiques les plus énergétiques (1020 eV), appelés           rayons cosmique d’ultra haute énergie (UHECRs) ne peuvent pas           être expliqués par cet effet. On a pensé qu’ils pouvaient être           liés aux GRBs justement.         
Une           possibilité est que les rayons cosmiques ayant une énergie           supérieure à 1018 eV aient une origine           extragalactique, avec les GRBs comme accélérateurs puissants (Vietri,            M.                    Astrophys. J. 453,         883–889         (1995),         Waxman, E. Phys.           Rev. Lett.       75,         386–389         (1995)).            Malheureusement, comme ces particules chargées sont sensibles           aux champs magnétiques, on ne peut pas (ou très difficilement)           retrouver leur point d’origine à partir de leur direction           finale, et donc les associer à un GRB donné… mais un lien           indirect pourrait être utilisé : les neutrinos…
Waxman         et         Bahcall           (J.       Phys.           Rev. Lett.         78, 2292–2295 (1997))         ont           montré que des rayonnements cosmiques s’échappant de         sites         d'accélération         de         GRB           (trous noirs en rotation rapide)           pouvaient         produire         des         neutrinos         de         haute         énergie         par         des         interactions         avec         le         fond         intense         de         photons           gamma         dans         lequel         ils         sont           immergés.       
Les         énergies         typiques         des         neutrinos         créés         pendant         la         formation         d’un           trou noir sont         de           l'ordre         de           10         MeV,         tandis           que         celles         résultant         des         interactions         proton-γ         dans           les         GRBs         sont         dans         le         domaine         du         TeV           ou du PeV,           ce         qui         est,         en           principe,           beaucoup         plus           facile         à           détecter.       
Les            interactions proton-gamma induisent la production de mésons pi           neutres et chargés. Alors que les pions neutres se           désintègrent en photons, les pions chargés, eux, se           désintègrent en muons et neutrinos, les muons se désintégrant           à leur tour en électrons et de nouveaux neutrinos.
La         luminosité         prévue         des         neutrinos         d'un         GRB         dépend         du         partage         de           l'énergie         du           burst,         en           considérant communément que les         protons         et         les         photons         se           la partagent équitablement         à           50%,         et         qu’une         fraction         incertaine         de           l’ordre de         10           à 30%         est           associée         au           transfert d'énergie         dans         le         canal         de           production de neutrinos via les pions chargés.
La         possibilité         de         production         des           UHECRs         par           les         GRBs         offre         une         solution         élégante            au problème non résolu de l’origine de ces rayons cosmiques           non explicable par le modèle des ondes de chocs de supernovae,         mais         cette         solution         implique         que         des         quantités         gigantesques           de         neutrinos         sont           produites, et c'était         une         raison         des         grandes           attendues         de           la recherche         d'IceCube.
Les         flux         prévus         de         neutrinos         pour         chaque         GRB         recherché         par         IceCube         ont           été calculés par         Guetta         et           al (Guetta, D.       et al. Astropart. Phys.                20, 429–455 (2004)).       Utilisant         les           hypothèses mentionnées plus haut,         on         peut         rapidement         obtenir         une         évaluation         grossière         du         nombre         de         neutrinos         arrivant         sur           Terre         par         unité           de surface.       Les         flux         intégrés         typiques         de           rayons γ         des         GRBs         sont         de           l'ordre         de         10−5         ergs         par           cm−2,         de           sorte que           le flux de neutrinos ayant des énergies         typiques         de         1015           eV correspond         à         environ         10         neutrinos         par         kilomètre         carré.
IceCube         est         un         télescope à neutrinos         à           l’échelle du TeV,         qui         voit         principalement         des         neutrinos         par         la         lumière         Cerenkov           produite par         les         muons         secondaires         qui         résultent         des         interactions         entre         les         neutrinos         et         les         nucléons         (des         protons         ou         des         neutrons)         dans           la         glace.       Le         long         libre         parcours         moyen         des         muons         dans           la         glace         (plusieurs           kilomètres)         oblige           alors de scruter un large volume.
Cependant,         la         probabilité         de         conversion         d'un         neutrino         en           un         muon         dans         le           volume du         détecteur         est         beaucoup         plus           faible         que         100%,         et         les         scientifiques           doivent         traiter         des         statistiques         de           très petite taille,         en           plus         des         effets         systématiques           et du bruit de fond.       La         coïncidence         temporelle         des           comptages         de         neutrinos         avec         les         photons           gamma         des         GRBs         est           par exemple         très           utilisée         pour         la         réduction         du           bruit de fond.
L’étude           décrite dans l’article d’Abbasi         et             al           se           focalise à la fois sur         des         recherches         modèle-dépendantes,         dans         lesquelles           des modèles de         GRB         spécifiques         ont           été appliqués         pour           identifier         l'émission         prompte         de         neutrinos,         et           aussi sur des         recherches         modèle-indépendantes,         dans         lesquelles         des         fenêtres         plus           larges         de         temps         ont           été employées         (jusqu'à           un         jour)         sans           supposer         de           spécificités a priori pour les         GRB.         Mais       ni           l'une ni l'autre         approche           n’a permis de         trouver         un         signal         de         neutrino.
Dans         une         autre         étude           (Abbasi, R. et         al.          Astrophys. J. 732, 18 (2011)),         la         collaboration         IceCube         a           analysé         un         échantillon         de         36           900         objets         astrophysiques         répartis           sur tout le ciel,         et           là encore,         aucun         signal         statistiquement         significatif         de         neutrino         n'a           émergé.       
La         production         de         neutrinos         de           l’ordre du         TeV         par           les         GRBs         est           reliée         à           l'idée         que           les UHECRs         sont           également produits         dans           ces         GRBs.       L'histoire         de           l’absence des         neutrinos         TeV         provenant           des         GRBs         est         un         excellent         exemple         du         domaine           émergeant de l'astrophysique         multi-particules.       Les         rayons         cosmiques,         des           rayons γ et         des         neutrinos         sont           étroitement reliés         dans         cette         histoire.       L'absence         de         preuves         ne           peut pas         être         une         preuve         de         l'absence         (des         neutrinos         de           l’ordre du TeV         issus           des         GRBs),         mais         le         fait         est           que         nous         sommes           maintenant forcés         de           reconsidérer         les         hypothèses         au           sujet         de           la         physique         de         ces         sources.
Des           données         récentes           (Cenko, S. B.       et al. Astrophys. J.          732, 29 (2011))          sur           une           nouvelle         classe         de           bursts         très         énergétiques         (une           énergie 10         plus           grande         que         la           limite canonique des 1051           ergs)         –         illustrées           par           la source         GRB         090926A,         détectée         par         l'observatoire         spatial         Fermi         -         suggèrent         que         les         modèles         de         GRB         basés         sur         la         formation         de         trous           noirs           en rotation rapide         devraient         être           fortement améliorés.       
Peut-être           que         notre         compréhension         de         cette           nouvelle         classe           de bursts         sera           facilitée         par         de         futures         détections         de         neutrinos.       Les         théoriciens         peuvent         ajuster         les         modèles         existants         ou           en         inventer         des         nouveaux,         mais         si         le         détecteur         en           pleine maturité         IceCube         produit         toujours         seulement         des         limites         supérieures         pour         les         associations         de         GRB-neutrinos           sans réelle détection,         il         sera           vraiment         temps         de           reconsidérer         l'origine         hypothétique         des           UHECRs dans les GRBs.
La       découverte       de       neutrinos       de         l’ordre du       TeV       provenant         des       GRBs       aurait         été       spectaculaire,       mais         la réalité semble bien contraindre ce manège à multi-particules…
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