On le sait peu, notre système solaire est entouré par un
dense nuage de gaz et de poussières. On l’appelle le Nuage Interstellaire Local.
Sa densité est de l’ordre de 0.3 atome d’hydrogène par cm3.
Ce nuage ainsi que d’autres nuages proches du milieu
interstellaire font partie d’une structure plus vaste contenant du gaz chaud et
peu dense : la Bulle Locale. Notre système solaire est situé au bord du Nuage
Interstellaire Local et se déplace en direction d’un autre nuage voisin qui s’appelle
le G-Cloud, que nous pourrions
atteindre dans moins de 10000 ans.
De la poussière interstellaire est incrustée dans le gaz du Nuage
Interstellaire Local, de telle façon qu’ils partagent la même vitesse. La
vitesse et la direction de cette poussière est en fait associée à la vitesse à
laquelle se déplace le Soleil (et donc le système solaire) par rapport à ce
nuage gazeux. Cette poussière en mouvement a pu être mesurée par la sonde Ulysses en 1999 à la vitesse de 26 km/s.
La sonde Ulysses (vue d'artiste, NASA) |
Des astrophysiciens avaient prédit dans les 1970 que la
poussière interstellaire étant chargée électriquement devait évoluer
différemment en fonction de l’activité magnétique du Soleil. C’est ce qu’ont
cherché à mesurer diverses sondes après Ulysses,
comme Galileo, Helios et même Cassini en
route pour Saturne…
Différents modèles de poussière interstellaire ont été
proposés depuis de nombreuses années. Celui qui tient la cotte serait une
poussière formée de grains de silicates de 0.3 microns, pas moins. Des grains
plus petits seraient en quelque sorte filtrés par l’héliopause (la frontière du
système solaire). Des astrophysiciens se sont spécialisés dans l’étude de cette
poussière en produisant des simulations numériques des trajectoires de ces
grains, en leur appliquant les trois forces auxquelles ils sont soumis :
la gravitation du soleil, la pression de radiation venant du soleil également
et les forces de Lorentz, dues à la présence du champ magnétique
interstellaire, agissant sur ces grains chargés électriquement…
Bien sûr d’autres forces existent mais se trouvent tout à
fait négligeables vis-à-vis des trois principales (on peut citer le frottement
de Poynting-Robertson, l’effet Yarkowski, le vent solaire ou la force de
Coulomb).
L’effet de la pression de radiation (répulsive) est
antagoniste à celui de la gravitation du soleil (attractive). Les
astrophysiciens ont ainsi pu montrer que lorsque la pression de radiation est
supérieure à un facteur 1.3 à la gravitation (se rapport dépend de la masse des
grains, donc de leur taille), les grains ne peuvent pas s’approcher du Soleil
plus près que 1 unité astronomique (distance Terre-Soleil).
Or il se trouve que le rapport pression de radiation sur
gravitation reste constant quel que soit l’endroit dans le système solaire (les
deux évoluent inversement avec le carré de la distance), il est donc
caractéristique des grains eux-mêmes (leur taille).
Le Nuage Interstellaire Local (NASA). |
Ce qui a pu être observé en outre, c’est l’effet des cycles
solaires sur les mouvements de ces grains de poussière interstellaire :
pendant les 11 ans d’un cycle solaire où le pôle Nord magnétique se trouve dans
l’hémisphère Sud, les grains sont défléchis vers l’équateur solaire, aux
environs du plan de l’écliptique. C’est la période dite de focalisation, au
cours de laquelle le flux de poussière atteint son maximum à l’écliptique. Mais
11 ans avant (ou après), c'est-à-dire après inversion des pôles magnétiques, ce
flux est réduit par environ un facteur 3, comme a pu l’observer la sonde Ulysses. Les grains se retrouvent alors
non plus dans le plan de l’écliptique, mais concentrés aux très hautes et très
basses latitudes, à environ 10 à 20 unités astronomiques au dessus des pôles du
Soleil…
L’étude fine des mouvements de la poussière au sein du
système solaire permet ainsi de déterminer ses caractéristiques comme le
facteur béta (rapport pression sur gravitation) ou encore leur rapport Q/m (rapport
charge sur masse).
Ou comment déterminer la taille d’une poussière en mesurant
sa vitesse grâce au Soleil !...
source :
Astronomy & Astrophysics 538, A102 (2012)
The flow of interstellar dust into the solar system
V. J. Sterken et al.
The flow of interstellar dust into the solar system
V. J. Sterken et al.
Bonjour,
RépondreSupprimerPuisque vous abordez ce sujet j'en profite pour vous poser une question à laquelle je n'ai trouvé, nul part, de réponse.
Lorsque les vents solaires atteignent l'héliopause, et plus précisément la zone de « choc terminal », les particules chargées brusquement freinées et passant en vitesse subsonique devraient rayonner; or on ne trouve nul part mesure de ce rayonnement.
La question me semble pourtant de taille puisqu'en prenant compte le taux de dilution des plasma à cette distance du soleil on peut supposer (mais c'est peut être de là que vient mon erreur, je ne fait que supposer) qu'il ne doit être que de quelque K°. Toutefois si tel était le cas ne pourrait-il pas alors, en se superposant à lui, fausser la mesure du rayonnement fossile ?
D’après ce que sais, le freinage des particules chargées (protons ou électrons ici) , que ce soit dans un champ Coulombien (rayonnement Bremsstrahlung) ou bien par déflection circulaire par un champ magnétique (rayonnement Synchrotron) produit une émission de photons dont l’énergie forme un spectre qui s’étend jusqu’à l’énergie de la particule incidente (quelques dizaines de keV pour les protons du vent solaire).
SupprimerQuand on parle de température d’un plasma, c’est une façon de parler de l’énergie cinétique de ses constituants (électrons et protons). Une énergie cinétique de 1 keV correspond à une température de 11 millions de K (E = kT).
Bref si les particules du vent solaire rayonnent par freinage, ça serait surtout dans le domaine des rayons X (de l’ordre du keV), bien loin des ondes millimétriques du fond cosmologique à 2.7K. Mais je n’ai jamais entendu parler de ça. Faut dire que le Bremsstrahlung a ceci de particulier qu’il faut le champ coulombien d’un noyau pour qu’il se produise, ce n’est pas le cas dans le plasma à l’héliopause.
D’ailleurs, plutôt que d’aller chercher aux confins de l’héliopause, on pourrait s’interroger sur les protons qui sont piégés, ralentis, freinés au niveau de la magnétosphère terrestre dans les ceintures de Van Allen. Le flux y est beaucoup plus important, donc potentiellement intéressant, mais le rayonnement synchrotron provenant des ceintures de Van Allen (dans le domaine radio principalement) semble déjà très très faible, alors que dire au niveau de l’héliopause à plus de 100 UA !...
Du Bremsstrahlung (rayons X) a été observé issu de protons ou électrons, mais c’est uniquement lors de freinage dans la très haute atmosphère.
A noter quand même qu’on arrive à mesurer du rayonnement synchrotron venant de la magnétosphère de Jupiter (toujours dans le domaine radio).
Pour conclure, je pense que le freinage à l’héliopause dont on parle n’est pas un freinage électromagnétique (cas du Brems ou du Synchrotron) mais bien un freinage « mécanique », dû à l’onde de choc (delta de pression de plasma), et donc ne produit aucun rayonnement, si ce n’est un augmentation de l’énergie cinétique des électrons et protons en aval, par collisions élastiques, donc de la température du plasma).