Les systèmes d'étoiles binaires écartées, dans lesquels les étoiles sont séparées de plus de 1000 fois la distance Terre-Soleil sont difficiles à identifier et à comprendre. En fait, il semblerait bien que de nombreuses binaires de ce type possèdent une troisième compagne. Il s'agirait de trios et non de vraies binaires...
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NASA/JPL–CALTECH/UCLA
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Un bel exemple de ce type d'étoiles est Pi Scorpii (étoile à droite sur l'image ci-contre), un jeune système triple composé d'un système binaire très serré et d'une troisième compagne plus éloignée (non résolues sur l'image).
Une étoile bien plus connue, l'étoile Polaire, est elle aussi une étoile triple...
Des astronomes finlandais et américain proposent que les binaires éloignées sont en fait issues de systèmes triples [1].
Etant donné que certaines binaires éloignées sont séparées par des distances de l'ordre de 100000 unités astronomiques, comment arrive-t-on à savoir si ces étoiles sont bien liées gravitationnellement entre elles, et ne sont pas des "doubles optiques", simples étoiles visuellement proches mais très distantes en réalité ?
Il existe deux méthodes : la première consiste à analyser statistiquement l'excès du nombre de voisines autour d'une étoile candidate, comparé à une distribution aléatoire. La seconde consiste à mesurer le mouvement propre commun de deux étoiles bien séparées mais relativement proches. Une étude[2] effectuée avec la première méthode en 2010 conclut que 8.3% des étoiles de la séquence principale (des étoiles du même type que notre Soleil) situées autour du pôle Nord galactique sont des binaires écartées. Une étude antérieure [3] basée sur la méthode des mouvements propres donnait en 2007 une valeur de 9.5%, ce qui est tout à fait en cohérence.
Mais 9% c'est beaucoup. Pourquoi existe-t-il autant de binaires écartées de ce type ? Nous savons que les étoiles se forment dans de petits systèmes d'étoiles multiples.
Les astronomes finlandais et américain auteurs de l'étude parue dans Nature se sont intéressé à ce qui se passe quand on est en présence d'un système de trois jeunes étoiles. Ils ont effectué plus de 180000 simulations de dynamique à N-corps et ont obtenu des systèmes stables dans 7.6% des cas, une valeur en concordance avec les valeurs observées.
Ces systèmes stables ont une forte tendance à posséder une étoile seule dominante et sont bien séparés. Les systèmes à binaires dominantes perturbent plus facilement la troisième étoile et conduisent à rendre le système instable, jusqu'à le casser.
Sur une période d'évolution de 100 millions d'années, les auteurs montrent que la plupart des systèmes instables se sont détruits (les trois étoiles ne sont plus liées entre elles). Les systèmes stables, eux, le restent, mais il apparaît qu'ils évoluent lentement au cours du temps : une des trois étoiles est progressivement rejetée du système (tout en restant liée aux autres), tandis que les deux autres se rapprochent l'une de l'autre. En l'espace de quelques dizaines de millions d'années, on obtient alors des systèmes triples stables qui ressemblent à s'y méprendre au "binaires" écartées qu'on observe : d'un côté une paire d'étoiles très serrées, et de l'autre une troisième étoile très éloignée.
La simulation des mouvements des étoiles à l'aide des équations de la physique classique permet ainsi de comprendre comment peuvent se former des petits systèmes comme ces binaires écartées, qui sont en fait des trios, et pourquoi on en rencontre autant.
Références :
[1] Formation of the widest binary stars from dynamical unfolding of triple systems
Bo Reipurth & Seppo Mikkola Nature 492, 221–224 (13 December 2012)
[2] M. Longhitano and B. Binggeli Astron. Astrophys. 509, A46; 2010
[3] S. Lépine and B.Bongiorno Astron. J. 133, 889; 2007
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