La collaboration FERMI-LAT vient enfin de publier ses
analyses des données de l’émission gamma diffuse du halo galactique. Cette
analyse, la version « officielle », était attendue depuis un moment,
depuis que certaines équipes « non –officielles » pourrait-on
dire, avaient cru repérer des signes de raies gamma dans les données, pouvant
être un signe de matière noire.
Les physiciens des astroparticules qui animent cette large
collaboration internationale exploitant le Large Array Telescope (LAT) installé sur
l’observatoire spatial Fermi recherchent des photons gamma qui seraient le résidu soit d’annihilation de
WIMPs, soit de leurs désintégrations. Ils regardent également des photons gamma
qui seraient produits par effet Compton inverse des électrons et positrons énergétiques
pouvant être produits également dans les annihilations et les désintégrations
de WIMPs.
Vue d'artiste de Fermi-LAT (NASA/DOE) |
Avant de vous dire quel résultat ils ont trouvé, parlons un
peu de la façon de procéder pour cette recherche très minutieuse. Comme on l’a
dit, des rayons gamma peuvent être produits directement ou indirectement par
des WIMPs. La caractéristique très intéressante des rayons gamma est qu’ils
voyagent sans être affectés par le champ magnétique galactique, a contrario des
rayons cosmiques chargés, ni par le milieu interstellaire, étant suffisamment énergétiques
pour le traverser allègrement. Du coup, les données gamma retiennent une
information sur la morphologie de la
région d’émission.
Le Large Array Telescope à bord de Fermi fournit des
données de flux gamma d’une très grande précision. Environ 90% des photons
gamma détectés par Fermi-LAT sont d’origine diffuse. Ils ont une composante
galactique, qui contient de l’information sur l’origine et la propagation de
rayons cosmiques, ainsi que la distribution de leurs sources. Ces photons diffus possèdent
aussi une composante extragalactique qui elle, fournit une signature des
phénomènes énergétiques à l’échelle cosmologique.
Les deux composantes doivent l'une et l'autre comporter une partie liée à la
matière noire, si elle existe : le signal galactique par les interactions
dans le halo et les sous structures galactiques (annihilations et désintégrations), et le signal extragalactique à
travers les processus d’annihilation intégrés sur tous les redshifts. L’équipe
de Fermi-LAT s’est focalisée sur la première famille : la recherche de
processus d’annihilation et de désintégration dans le halo de la Voie Lactée.
Mais à cause de la présence de sources gamma intenses vers
le centre galactique et la forte émission diffuse aux alentours du plan de la
Galaxie, la région de recherche de prédilection des physiciens et
astrophysiciens de Fermi-LAT est une région située entre 10° et 20° au dessus
et en dessous du plan galactique, là où le rapport Signal/bruit doit être le
meilleur…
Ciel en rayons gamma (10 GeV) vu par Fermi-LAT. |
De plus, cette région du ciel a un autre avantage qui est
que le signal potentiel de matière noire y est moins sensible au profil
(inconnu) du halo sombre. Et cette zone
est encore plus propice pour les modèles de matière noire qui impliquent des
annihilations qui se terminent en paires de leptons, qui ont le bon goût de
produire des gammas par diffusion Compton inverse. Que du bonheur.
Dans cette vaste région d’intérêt, les photons gamma ont
patiemment été comptés, leur distribution à la fois spatiale (leur direction)
et spectrale (leur énergie) enregistrées et comparées avec ce qui serait
attendu avec et sans matière noire.
Bien sûr, c’est un peu plus compliqué que ce que je résume
ici, il faut prendre en compte des tas de paramètres, modéliser le plus
précisément possible le signal diffus réel, issu de sources astrophysiques
connues, etc…
Vous voulez connaître le résultat ? Le voici : Ils
ne trouvent pas de traces d’annihilation ou de désintégration de
WIMPs !...
Ne trouvant pas de signal avec les données qui sont celles
utilisées permet de fournir des contraintes et des limites supplémentaires aux
modèles. Cela ne veut pas dire que les WIMPs n’existent pas, simplement qu’ils
sont sans doute moins nombreux que ce qu’on pouvait penser avant, ou qu’ils
s’annihilent plus difficilement, ou qu’ils se désintègrent différemment…
L’autre nouvelle importante, c’est qu’il n’existe pas de
raie gamma à 130 GeV dans les données de Fermi-LAT, comme le bruit avait pu
courir depuis le début 2012 et qui aurait pu être un signe évident de WIMPs… Cette fois-ci, provenant de l’équipe officielle, l'information de cette absence ferme définitivement une petite polémique qui aura agité la communauté durant
quelques mois…
Référence :
CONSTRAINTS ON THE GALACTIC HALO DARK MATTER FROM
FERMI-LAT DIFFUSE MEASUREMENTS
Ackermann et al. The Astrophysical Journal, 761:91, 2012 December 20
Lire aussi : Rayons Gamma de 130 GeV, un signe de Matière Noire ?
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