Des observations effectuées grâce à l'Atacama Large Millimeter Array (ALMA) viennent pour la première fois de permettre de cartographier le gaz moléculaire ainsi que la poussière qui composent des galaxies hôtes de sursauts gamma (GRBs). De manière étonnante, la densité de gaz mesurée est très inférieure à celle attendue, et en revanche, la quantité de poussière, elle, est bien plus grande que prévu...
vue d'artiste d'un GRB "sombre" (ESO) |
C'est cette poussière interstellaire qui est à l'origine de ce qu'on appelle des GRB "sombres", c'est à dire qui ne produisent pas de lumière détectable après leur bouffée de rayons gamma. L'équipe d'astrophysiciens japonais qui publie ces résultats dans Nature cette semaine a en outre produit les premiers résultats de ALMA sur des GRB. Les chercheurs japonais ont étudié deux galaxies qui abritent les bouffées de rayons gamma GRB020819B et GRB051022, respectivement situées à 4,3 milliards et 6,9 milliards d'années-lumière.
Les sursauts gamma sont d'intenses explosions produisant une très grande quantité d'énergie, ils sont le plus souvent observés au sein de galaxies lointaines. Les sursauts dont la durée excède deux secondes sont classés comme des sursauts gamma de longue durée et sont appelés sursauts "longs" (des LGRB). On pense généralement qu'ils sont associés à des explosions de supernovae.
L'explosion est souvent suivie d'une émission lumineuse rémanente, générée par les multiples collisions entre la matière éjectée et le gaz environnant, et qui s'estompe lentement.
Les sursauts "sombres" semblent ne pas produire de lumière après leur émission gamma. Les chercheurs pensaient que les étoiles massives explosant en supernova devaient se situer dans des zones de formation active d'étoiles, et donc dans un environnement riche en gaz moléculaire. L'apport de ALMA utilisé par les astrophysiciens japonais est qu'il permet de détecter des raies d'émission du gaz moléculaire, avec une très bonne résolution spatiale et une excellente sensibilité.
Cela faisait une bonne dizaine d'années que l'équipe japonaise cherchait à mesurer directement le gaz moléculaire entourant des zones de GRB dans différentes galaxies. Ils ont essayé de nombreux grands instruments mais c'est finalement ALMA qui leur a permis de parvenir à leurs fins.
ALMA (partiel) (ESO) |
Il apparaît donc que le gaz moléculaire se concentre préférentiellement au centre des galaxies hôtes de GRB et que les poussières se retrouvent en périphérie, là où justement ont eu lieu ces GRB. Une explication envisagée est que les étoiles massives ayant donné naissance aux GRB ont eu le temps de modifier sensiblement leur environnement initial de formation avant d'exploser.
Un mécanisme avancé est lié à la plus forte sensibilité du gaz moléculaire au rayonnement ultra-violet. Les photons UV détruisent les liaisons entre atomes dans les molécules, faisant ainsi disparaître les nuages de gaz moléculaires en les dissociant, alors que les grains de poussières ne subissent pas le même sort. Une chose est quasi certaine, les GRB "sombres" seraient bien assombris par la poussière interstellaire.
Les chercheurs japonais ne restent pas sur cette belle première engagée avec ALMA, ils prévoient d'ores et déjà d'observer avec le même instrument de nombreuses autres galaxies hôtes de GRB pour déterminer si il s'agit bien d'un phénomène systématique pour tous les GRB.
référence :
Two gamma-ray bursts from dusty regions with little molecular gas
B. Hatsukade et al.,
Nature (12 juin 2014)
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