C’est en 1963 que les quasars ont
été formellement identifiés comme étant l’émission associée à des trous noirs
supermassifs accrétant de la matière au cœur de galaxies lointaines. Le terme
quasar, contraction de quasi-stellar object vient du fait que l’observation en
lumière visible de ces objets ressemble à s’y méprendre à une étoile… sauf que
leur distance est extrêmement élevée, plusieurs milliards d’années-lumière,
rendant leur origine stellaire impossible.
Rappelons rapidement que toutes les étoiles que nous pouvons voir dans le ciel font partie de notre galaxie, et sont donc situées à moins de 100000 années-lumière de nous.
Le Quasar 3C 175 montrant un puissant jet de matière signant l'axe de rotation du trou noir supermassif (NRAO/AUI) |
La gigantesque luminosité des
quasars est dûe au disque de matière (du gaz) qui tourne autour du trou noir géant à une
vitesse proche de la vitesse de la lumière. L’échauffement et la friction du
gaz produit cette émission lumineuse dans diverses longueurs d’ondes, elle est
si intense qu’elle dépasse largement la luminosité des milliards d’étoiles qui
constituent la galaxie hôte du monstre, et est visible à plusieurs milliards
d’années-lumière de là.
On peut étudier les propriétés
d’un tel quasar en faisant de la spectroscopie de sa lumière, en analysant la
lumière par décomposition de ses longueurs d’onde. Grâce à cette technique,
deux astrophysiciens chinois viennent tout juste de faire une trouvaille très
intéressante, qui va permettre de mieux comprendre comment fonctionne un quasar.
Il n’ont pas étudié le spectre d’un seul quasar isolé, mais les spectres de plus
de 20000 quasars ! En étudiant cette très grande
population de quasars (j’ignorais d’ailleurs qu’on en connaissait déjà autant),
Shen et Ho arrivent à montrer que tous les quasars peuvent être classés en
fonction de seulement deux petits paramètres physiques. Pour la première fois, ils
montrent que ces objets hors du commun ont des propriétés communes reliées à
des paramètres simples, et qu’il existe une sorte de classe standard
de quasars, de la même façon que les étoiles avaient pu être classées en
fonction de leur couleur et de leur luminosité au début du XXème siècle,
montrant l’existence de familles d’étoiles.
Les raies d’émission visibles
dans le spectre de leur lumière révèlent des informations sur
l’environnement des quasars.
Les rapports d’intensité entre
différentes raies qui correspondent à des niveaux d’ionisation différents du gaz fournissent une information sur l’intensité du rayonnement du disque
à l’origine de cette ionisation. Cette intensité de rayonnement du disque est
elle-même directement une fonction de ce qu’on appelle le ratio d’Eddington. Un trou noir ne peut pas avoir un taux
d’accrétion de gaz infini, il existe une limite, qui correspond au moment où la
force de pression du rayonnement dans le disque d’accrétion (force vers vers l’extérieur) contrebalance
exactement la gravité du gaz tombant vers le trou noir (vers l'intérieur). Le trou noir peut continuer à accréter de la
matière, mais à un taux constant.
Le ratio d’Eddington est le rapport de la
luminosité d’un disque d’accrétion par rapport à celle d’un disque d’accrétion arrivé à la limite, c'est une sorte d’indicateur d’âge du disque d’accrétion. Mesurer des
rapports d’intensité de raies bien choisies dans le spectre permet ainsi de
connaître le rapport d’Eddington du quasar, c’est-à-dire la maturité de son
disque d’accrétion.
L’autre information clé pouvant être obtenue
dans les raies du spectre vient de l’effet Doppler, cet effet qui
décale les longueurs d’ondes vers le bleu ou vers le rouge en fonction de la
vitesse (rapprochement ou éloignement) de la source émettrice.
Graphe de classification des quasars (Shen et Ho, Kavli Institute for astronomy and astrophysics) |
C'est la vitesse du gaz situé dans la ligne de visée entre le trou noir géant et nous que nous voyons, et celle-ci dépend de la force de gravitation présente, et donc de la masse du trou noir. Mais le problème dans cette méthode de mesure c'est que cette évaluation dépend de l'angle existant entre l'axe de rotation du trou noir (c'est à dire le plan du disque d'accrétion, orthogonal), et l'axe de visée, dont dépend directement la vitesse d'éloignement/rapprochement. On peut connaître cet axe de rotation dans certains quasars quand des jets de matière et de rayonnement sont bien visibles, car ils sont toujours situés exactement dans l'axe de rotation du trou noir. Mais tous les quasars ne montrent pas forcément leurs jets... C'est pour pallier à cette difficulté majeure que Shen et Ho ont eu l'idée de tracer la population de milliers de quasars en fonction de deux paramètres : sur l'axe des X, un ratio d'intensité de raies, le traceur du ratio d'Eddington (traceur de la maturité du disque d'accrétion et qui dépend aussi de la masse du trou noir), et sur l'axe des Y, l'élargissement Doppler, traceur à la fois de la masse du trou noir et de l'orientation de son axe de rotation.
Ce graphique en 2 dimensions est très riche d'enseignements : il montre pour la première fois qu'il existe un lien entre le ratio d'Eddington et l'environnement à grande échelle des quasars; les trous noirs les plus massifs (i.e ceux qui ont un taux d'accrétion faible et un ratio d'Eddington petit) existent davantage dans des environnements à grande échelle où les quasars et leur galaxie hôte sont le plus fortement imbriqués.
Par cette nouvelle classification des quasars, Shen et Ho montrent que le comportement des noyaux de galaxie, qui ont une échelle relativement petite, semble lié à ce qui se passe à l'échelle bien plus grande de l'amas de galaxies, ce qui laisse penser à l'existence de relations d'évolution entre ces deux entités, trous noirs supermassifs et amas de galaxies...
Lire aussi : Mars 1963, le Quasar se Révèle
Référence :
The diversity of quasars unified by accretion and orientation
Shen, Y. & Ho, L. C.
Nature 513, 210–213 (2014)
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