En ce moment même, jusqu'au 5 décembre, a lieu la conférence Planck2014 à Ferrara en Italie. Les spécialistes du fond diffus cosmologique (CMB) y discutent des dernières données analysées du satellite Planck. Alors qu'on se serait attendu à y voir la tant attendue analyse conjointe Planck-BICEP2 sur les modes B du CMB, ce ne sera hélas pas pour cette fois, mais Planck nous sert d'autres résultats toujours aussi intéressants sur les paramètres du modèle cosmologique standard, et sur des caractéristiques de la matière noire...
Les résultats préliminaires qui avaient été délivrés jusque là par la collaboration Planck reposaient sur les 15 premiers mois de données accumulées par le satellite et ne contenaient que des données de fluctuations de températures du rayonnement fossile. La nouveauté avec ce nouveau jeu de données est qu'il incorpore aujourd'hui des données de polarisation du rayonnement, cette fameuse polarisation, qui a été à l'origine de cette annonce en fanfare du mois de mars dernier par la collaboration BICEP2.
En fait, Planck avait commencé a publier cette année quelques cartes de la polarisation produite par la poussière galactique (mais pas dans la zone scrutée par BICEP2). Aujourd'hui, c'est une carte quasi complète de la polarisation de la poussière galactique qu'a pu montrer l'astrophysicien Nazzareno Mandolesi, de l'Université de Ferrara.
Concernant le modèle cosmologique, on peut dire que Planck vient à nouveau confirmer ce modèle, avec plus de précision. Avec deux fois plus de données, associées à de nouvelles informations fournies par la polarisation, on obtient des résultats encore plus précis pour les valeurs des paramètres cosmologiques qui soutiennent le modèle.
Il ne suffit que de six paramètres dans le modèle cosmologique standard pour ajuster les 19 pics qui apparaissent dans les trois spectres observés par Planck : spectres de puissance angulaire en température (TT), en polarisation scalaire (TE) et spectre mixte température-polarisation (EE) (voir figures ci-dessous).
Spectres de puissance mesurés par Planck (données 2014) (Collaboration Planck) |
Les nouvelles valeurs affinées des principaux paramètres cosmologiques concernant le contenu énergétique de l'Univers sont les suivantes :
- Matière ordinaire : 4,9%
- Matière Noire : 26,6%
- Energie Noire : 68,5%
La matière noire, parlons-en, car Planck, avec ses nouvelles données apporte de nouvelles contraintes sur un certain type de matière noire, savoir les WIMPs qui ont le bon goût de s'annihiler entre elles comme le fait une vulgaire matière avec son antimatière quand elle en trouve...
Ce que vous voyez sur ce graphe ci dessous, ce sont les zones exclues par ces nouvelles données de Planck dans l'espace masse-section efficace des WIMPs (zone bleue).
Credit : ESA- collaboration Planck |
Regardez-bien ce graphique, vous voyez le petit carré gris en haut à droite avec trois points dedans, et qui se retrouve dans le bleu ? Et bien il s'agit de la matière noire telle qu'imaginée par les expériences AMS-02 par sa détection de positrons excédentaires mystérieux, ainsi que par les expériences Fermi et Pamela avec des mesures du même type. Et bien, leur modèle de matière noire se retrouve donc dans le bleu... il est désormais exclu par les nouvelles données de Planck, qui permettent de dire qu'il n'a pas pu y avoir de grosses quantités d'annihilations de matière noire et surtout que ce taux d'annihilation n'a pas pu changer au cours du temps cosmologique.
Cette information n'est pas une défaite, car le signal de positrons excédentaires mesurés finement par AMS-02 est bien réel, et donc aujourd'hui toujours plus mystérieux...
Bien sûr, Planck ne ferme pas du tout la porte à l'existence de matière noire (rappelons qu'il prédit qu'elle existe pour 26,6% de l'Univers), mais ces résultats permettent de faire le tri entre plusieurs modèles de matière noire, et la grosse nouvelle est qu'il ne s'agit visiblement pas de particules qui s'annihilent entre elles...
Et il y a un autre paramètre cosmologique que Planck a permis d'encore mieux cerner qu'auparavant, il s'agit du nombre de familles de neutrinos. Et là je peux dire que ce résultat me désespère quelque peu. Oui, Planck affirme qu'il n'y a que 3 neutrinos, et pas 4 et encore moins 5. En un mot comme en cent, les données de Planck montrent que le neutrino stérile est très très très improbable.
C'est avec une marge d'erreur 30% plus faible que précédemment qu'ils parviennent à cette valeur de 3. Par ailleurs, on peut déduire de cette valeur la masse maximale des trois neutrinos (la somme des trois masses), elle vaut 0,21 eV. L'inexistence d'un quatrième neutrino, stérile et massif, élimine également un candidat plutôt sympathique pour constituer la matière noire...
Pour finir, momentanément, on peut également évoquer un autre point qu'ont permis de préciser ces nouvelles données, il s'agit de l'époque de formation des premières étoiles. Il existait une contradiction entre ce que donnait l'ancêtre de Planck, le satellite WMAP et des observations astrophysiques de quasars notamment, BigBang+400 millions d'années pour le premier, BigBang +700 millions d'années pour les secondes. Planck vient de trancher : les quasars ont raison : c'est plutôt entre 700 millions et 800 millions d'années après la singularité initiale que seraient apparues les premières étoiles.
On n'aura peut-être pas eu notre réponse définitive sur l'existence des ondes gravitationnelles primordiales par l'analyse conjointe Planck-BICEP, mais la moisson de ces nouveaux résultats aura tout de même été fort riche.
L'anayse conjointe Planck-BICEP semble prévue pour être rendue publique en janvier 2015, aux dernières nouvelles. Quant à tous ces résultats 2014 de Planck, il seront publiés dès le 22 décembre dans Astronomy & Astrophysics. Un beau cadeau de Noël avant l'heure.
Sources :
European probe shoots down dark-matter claims
Ron Cowen& Davide Castelvecchi
Nature News, 02 december
Planck éclaire la matière noire : combien, quoi, où ?
Planck Collaboration
Planck révèle l’invisible
Planck Collaboration
Communiqué de presse CNRS :
Planck : nouvelles révélations sur la matière noire et les neutrinos fossiles
Bonjour,
RépondreSupprimerCes résultats ont-ils été comparés aux valeurs attendues par la théorie MOND? (d'ailleurs est-ce possible?)
Will
les théories de gravitation modifiée cherchent à se débarasser de la matière noire en modifiant les équations de la gravitation. Planck montre qu'il doit bien exister une densité d'énergie correspondant à une masse qui ne rayonne pas... MOND n'est pas compatible avec LambdaCDM.
RépondreSupprimerAujourd'hui c'est lambdaCDM qui fonctionne le mieux, avec ces zones d'ombres.