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20/02/15

La sonde DAWN en vue de la planète naine Cérès

La planète naine Cérès, qui était autrefois classée parmi les astéroïdes (jusqu’en 2006), va très bientôt avoir pour la toute première fois  la visite d’une sonde, la sonde américaine Dawn. C’est le 6 mars prochain qu’aura lieu le premier rendez-vous tant attendu. Cérès n’est pas un corps comme les autres, il fait partie du petit club des astres du système solaire qui ont pu être (ou sont) habitables, notamment grâce à l’eau liquide qu’il semble renfermer.


Cérès imagé par DAWN le 12 février 2015 à une distance de 80 000 km (deux angles différents) (NASA/JPL).
Des mesures de densité ont déjà été effectuées sur Cérès et ont révélé qu’il était constitué pour 1/3 de glace. Les planétologues pensent que sous une énorme couche de glace se cache un océan liquide. On est quasi sûrs qu’il a dû exister dans la jeunesse de Cérès quand il était plus chaud, et tout le challenge de la sonde Dawn sera de montrer s’il a été entièrement gelé ou bien s’il subsiste sous forme liquide.

Cérès ressemble ainsi un peu à Europe, satellite de Jupiter et à Encelade, satellite de Saturne, qui ont le même type de structure, grosse couche de glace avec potentiellement un océan liquide en dessous. Le gros intérêt de Cérès est qu’il se trouve bien plus près de nous que le monde des planètes gazeuses. Plus Dawn se rapproche de Cérès, meilleures sont les images qu’elle nous envoie. Ces dernières sont devenues meilleures que celles du télescope spatial Hubble à partir du mois de janvier. Le 12 février dernier, Dawn n’était plus qu’à 80 000 km du but et a envoyé des images très détaillées, sur lesquelles apparaissent des taches blanches un peu étranges dans des cratères. Certains planétologues pensent qu’il s’agit de glace de subsurface exposée par un impact d’astéroïde.

Une fois arrivée à proximité de Cérès, Dawn va être mise en orbite autour de la planète naine, à 13 500 km d’altitude, vers la fin du mois d’avril. Puis petit à petit, son altitude va être diminuée pour atteindre seulement 375 km à la fin 2015.  Cette très basse orbite permettra de produire des images avec une résolution impressionnante de seulement 35 m.
Cérès est très différent de Vesta, l’autre planète naine (ex astéroïde géant) que Dawn a déjà étudiée en détails en 2012. Cette différence est probablement due à la vitesse de formation respective des deux corps, qui a dû être de quelques millions d’années différente, suffisante pour qu’il subsiste moins d’éléments radioactifs ayant pour effet de chauffer le milieu. Vesta s’étant formée rapidement dans un milieu encore chaud, toute glace s’est vaporisée, alors que Cérès a pu conserver une bonne quantité de glace dans un milieu déjà plus froid.
Il existe aussi l’hypothèse que Cérès se serait formée beaucoup loin qu’elle n’est aujourd’hui, du fait de sa ressemblance avec Europe, Encelade, ou encore Pluton. Les chercheurs exploitant Dawn vont tenter de tester ces différentes hypothèses, par exemple en analysant la présence de certaines molécules qu’on associe à une formation en zone froide.
L’autre grand chantier de Dawn sera bien sûr de déterminer la structure interne de Cérès, quelles sont les différentes couches, y-a-t-il une couche liquide ? Ces évaluations seront effectuées grâce à des mesures de champ gravitationnel.
Vue d'artiste de la sonde Dawn (JPL/NASA)

Ce qui rend l’aventure de Dawn passionnante, c’est que c’est une sonde déjà rescapée. Elle est munie de roues gyroscopiques, des gros disques qui tournent pour produire un moment cinétique qui permettent de se positionner dans une direction donnée. Et juste avant son lancement en juillet 2007, les ingénieurs apprirent qu’il existait une défaillance sur ces roues gyroscopiques, mais c’était trop tard pour les changer. Le télescope Kepler est muni des mêmes roues gyroscopiques et c’est aussi ce qui l’a amené à de graves défaillances.
La première roue gyroscopique de Dawn tomba en rade en juin 2010, puis une deuxième en août 2012, alors que Dawn quittait Vesta. Les responsables de la mission, pour pouvoir arriver jusqu’à Cérès ont alors décidé d’utiliser un plan B, et de remplacer l’orientation par roues gyroscopiques (il en restait encore deux) par de brefs ajustements de propulseurs.
Dawn a la particularité d’emporter un stock de carburant (de l’hydrazine) mais qui n’est pas dédié à sa propulsion principale. Elle utilise un moteur à propulsion ionique, qui éjecte du xénon ionisé, en produisant une petite accélération, certes faible (il lui faut 9 jours pour passer de 0 à 100 km/h), mais suffisante pour atteindre ses objectifs. L’hydrazine économisée peut ainsi être utilisée pour ajuster l’orientation de la sonde.
Pour économiser du carburant une fois en orbite autour de Cérès, Dawn sera retournée en direction de la Terre moins souvent que prévu initialement, stockant plus de données et en envoyant plus par session de transmissions. Ces changements de protocole font que la mission durera plus longtemps que prévu et devrait prendre fin à l’été 2016.

Il est très probable qu’une fois la mission de Dawn menée avec succès, Cérès devienne la prochaine destination pour un futur atterrisseur à la recherche de traces de vie… Les mois qui viennent nous le diront.


Source:

Dawn probe to look for a habitable ocean on Ceres
Eric Hand
Science Vol. 347 no. 6224 pp. 813-814 (20 February 2015)

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