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mercredi 1 juillet 2015

Des photoélectrons pour le vent polaire de Titan

Le monde de Saturne est sans conteste le système le plus complexe du système solaire, ce qui le rend probablement le plus fascinant. Depuis son arrivée en orbite de la planète aux anneaux en 2004, la sonde Cassini a exploré non seulement la planète géante, mais aussi ses anneaux, son gros satellite Titan et d’autres satellites glacés (Encelade, Europe, …).  Et Cassini ne fait pas que des superbes images, elle est également instrumentée pour analyser des fines particules.


Saturne et Titan vus par Cassini (ESA/NASA/JPL)
Des particules neutres dominent en fait la magnétosphère de Saturne et la région proche des satellites de la planète géante. Et la lumière solaire peut ioniser ces particules, produisant alors des ions et des photoélectrons avec une certaine énergie, que la sonde Cassini est capable de détecter et d’identifier. Ces photoélectrons peuvent également être exploités en tant que traceurs de la morphologie du champ magnétique environnant. Comme ces électrons relativement énergétiques se meuvent facilement le long des lignes de champ magnétique, ils peuvent en outre induire un champ électrique local qui facilitera l’échappement de plasma. C’est le phénomène de « vent polaire », qui est notamment observé sur Terre, Mars et Vénus, où une petite fraction des atomes ionisés de la haute atmosphère au niveau des pôles s’échappe dans l’espace le long des lignes de champ magnétique, aidés par le potentiel électrique créé par des électrons.
Une équipe de chercheurs anglais vient de publier une étude consacrée au phénomène du vent polaire, non pas sur Saturne elle-même mais sur son gros satellite Titan, grâce à l’étude des photoélectrons détectés par la sonde Cassini et son spectromètre à plasma et à électrons.
Les particules neutres qui sont la source des photoélectrons détectés aux alentours de Titan proviennent principalement d’une autre lune de Saturne : Encelade, qui se trouve à une distance de 4 rayons de Saturne. Ce sont les geysers de Encelade qui projettent dans le milieu quantité de grains de glace et de gaz. Ces particules se retrouvent ensuite assez rapidement au niveau de l’orbite de Titan, qui lui, orbite à une distance de 20 fois le rayon de Saturne. Titan est connu pour être un satellite muni d’une atmosphère riche en méthane et en azote, où une chimie organique complexe se développe.
La sonde Cassini et ses instruments (CNES)
Les photoélectrons produits par l’ionisation de ces fines particules ont un spectre énergétique qui dépend du spectre de la lumière solaire et de la nature de la molécule ou de l’atome cible (leur potentiel d’ionisation). Les planétologues montrent que leur énergie forme un pic dans la région située entre 19 et 26 eV. L’instrument Cassini Plasma Spectrometer Electron Spectrometer (CAPS-ELS) permet de mesurer un spectre de 63 niveaux d’énergie toutes les 2 s avec une précision de l’ordre de 17%.
Ces électrons de quelques dizaines d’électronvolt vont ensuite interagir avec leur environnement (plasma et champs électromagnétiques). Cassini a pu détecter de tels photoélectrons autour de Titan dans son ionosphère insolée et jusqu’à plus de 6 fois le rayon du satellite.
Andrew Coates et ses collaborateurs parviennent grâce à ces mesures, à fixer une valeur maximale au potentiel électrique ambipolaire  associé au phénomène de vent polaire sur Titan : 2,95 Volts. Cette valeur est légèrement plus basse que celle qui est mesurée pour la Terre et indique que le flux de particules s’échappant de l’atmosphère de Titan par ce mécanisme de vent polaire doit être limité.

La sonde Cassini grâce à ses détecteurs de particules permet de connaître des détails étonnants sur les mécanismes physiques à l’œuvre dans la haute atmosphère de Titan, un moyen supplémentaire pour caractériser ses mondes fascinants, au-delà des données d’imagerie qui sont plus connues car immédiatement accessibles à nos yeux.


Source :
A new upper limit to the field-aligned potential near Titan
A.J Coates et al
Geophys. Res. Lett., 42 (2015)

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