La date du 2 décembre n'a certainement pas été choisie au hasard par l'ESA pour le lancement du satellite Lisa Pathfinder : le jour anniversaire du centenaire de la publication de la théorie de la Relativité Générale par Albert Einstein. Lisa Pathfinder va permettre de valider une méthode de mesure en orbite des ondes gravitationnelles, le dernier enfant d'Einstein encore non démontré expérimentalement.
Lisa Pathfinder (ESA) |
Lisa Pathfinder est un satellite scientifique différent des autres. On pourrait d'ailleurs plutôt l’appeler un satellite technologique. Car son objectif n'est pas de produire des résultats scientifiques, il ne découvrira pas d'ondes gravitationnelles, mais il doit permettre de déterminer si la technique de l'interférométrie laser en orbite est faisable.
L'interférométrie laser est une technique qui est déjà développée sur Terre, notamment par les grands instruments de détection d'ondes gravitationnelles que sont LIGO aux Etats-Unis et VIRGO en Europe. Le principe de cette mesure repose sur l'observation d'une variation de distance entre deux grosses masses, qui est produite par le passage d'une onde gravitationnelle. Une telle variation, infime, peut être détectée quand deux faisceaux lasers voyageant à angle droit et qui sont censés parcourir la même distance, montrent une interférence optique une fois remélangés. La méthode interférométrique à le pouvoir de déceler des variations de distance de l'ordre du nanomètre voire de l'angström.
Mais le problème majeur de ces grands instruments depuis leur mise en service au début des années 2000 est justement leur trop grande sensibilité au moindre mouvement parasite généré par autre chose que des ondes gravitationnelles, comme des vibrations du sol induites par une autoroute passant à plusieurs kilomètres ou encore la chute d'arbres dans une forêt voisine...
Pour pallier ces difficultés, l'agence spatiale européenne (ESA) a proposé de voir très grand : construire un interféromètre laser, mais cette fois-ci en orbite, à l'abri de toute perturbation gravitationnelle, avec des distances de faisceaux non plus de l'ordre du kilomètre, mais du million de kilomètres, rendant la sensibilité de l'instrument d'autant plus impressionnante.
Ce projet est appelé eLISA (evolved Laser Interfermometer Space Antenna) et pourrait voir le jour, si tout se passe comme prévu, vers 2034. Il s'agirait de trois satellites formant un triangle équilatéral, reliés entre eux par des faisceaux lasers à très grande distance (1 million de kilomètres).
Vue d'artiste de l'interféromètre eLISA (NASA) |
Mais avant d'en arriver là, les scientifiques ont besoin de valider certains concepts de mesure. Des masses étalons doivent par exemple pouvoir être conservées sur des lignes d'espace-temps (des géodésiques) sans la moindre influence gravitationnelle extérieure. Lisa Pathfinder a été conçu dans cette optique, pour tester à échelle très réduite notamment la possibilité de maintenir des masses en position extrêmement fixe, par rapport au reste du satellite.
Deux masses d'or et de platine de 1,96 kg chacune seront maintenues espacées de seulement 38 cm dans le satellite (au lieu de 1 million de kilomètres) et un interféromètre laser mesurera la distance qui sépare les deux masses.
Lisa Pathfinder sera envoyée pour rejoindre le point de Lagrange L1 (situé à 1,5 millions de kilomètres), point où l'effet gravitationnel de la Terre et du Soleil se compensent exactement. Une fois arrivée à sa position opérationnelle, les masses de métaux précieux seront libérées à l'intérieur du satellite et simplement contrôlées par un système de champ électrostatique. Les mouvement du satellite seront ajustés en temps réel pour suivre précisément le mouvement des masses.
Lisa Pathfinder devra être à même de déterminer tout ce qui pourrait fausser les mesures de distance avec les systèmes optiques et électrostatiques utilisés.
Les résultats de Lisa Pathfinder permettront d'avancer efficacement sur la conception du grand interféromètre eLISA dont le coût est déjà estimé à 1 milliard d'euros. Il s'agit de ne pas faire d'erreur et de tout valider avant sa construction. L'enjeu scientifique est également de taille car seuls des instruments comme eLISA pourraient permettre aux chercheurs de détecter à terme directement des ondes gravitationnelles de toutes sortes, permettant aux astrophysiciens de sonder pour la première fois l'intérieur des étoiles à neutrons, la physique des trous noirs mais aussi les ondes gravitationnelles primordiales produites dans les premiers instants de l'Univers. En somme le début d'une nouvelle astronomie, sans photons.
Le lancement de Lisa Pathfinder prévu le 2 décembre est reporté au moins d'un jour en raison d'un problème technique sur le lanceur Vega...
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