L’étoile Eta Carinae n’est pas une étoile comme les autres. C’est un mystère, un mystère qui fascine les astronomes depuis le 19ème siècle.
Eta Carinae est composée de deux étoiles qui se tournent autour en 5,5 ans. La plus grosse est énorme, elle pèse plus de 90 fois la masse du Soleil, et se trouve être incroyablement instable. Une grosse nébuleuse gazeuse formant deux gros lobes (la nébuleuse de l’Homoncule), elle-même plongée dans une autre masse de gaz (la nébuleuse d’êta Carinae) entoure l’ensemble. Lorsque sa petite compagne se rapproche au plus près d’elle, comme c’est le cas en ce moment, l’interaction entre les deux étoiles produit des changements brutaux dans l’émission à haute énergie du système.
Eta Carinae (NASA/ESA) |
Eta Carinae est située à environ 7500 années-lumière de la Terre dans la constellation australe de la Carène. Elle est 5 millions de fois plus brillante que le soleil. C'est en 1838 que Eta Carinae a vraiment fait parler d'elle quand eut lieu ce qui fut appelé par la suite la "Grande Eruption", une brutale explosion qui fit de Eta Carinae la deuxième étoile la plus brillante du ciel pour une dizaine d'années avant de voir son éclat s'affaiblir lentement. Les astronomes estiment que c'est cette éruption qui aurait expulsé environ dix fois la masse du soleil et qui serait l'origine de l'apparition de la nébuleuse de l'Homoncule bien visible aujourd'hui.
Mais alors que Eta Carinae est sans aucun doute l'étoile massive la plus étudiée, aucun astronome ne parvient encore à expliquer le fonctionnement de ce système binaire hors norme et notamment ce qui s'est exactement passé lors de la grande éruption. Cette éruption et ce qu'elle a laissée derrière elle n'existe pas dans les modèles d'évolution des étoiles massives tels qu'ils sont développés par les astrophysiciens depuis des décennies...
C'est en fait l'unicité de Eta Carinae qui en fait un sujet difficile à comprendre. Car Eta Carinae est un cas unique dans notre galaxie, du moins de ce que nous en connaissons. C'est donc devenu un but essentiel pour les astrophysiciens d'essayer de trouver d'autres specimens semblables à Eta Carinae pour tenter de dresser des points communs et pouvoir comprendre enfin ce que sont ces étoiles étranges. Mais voilà, ces types d'étoiles très massives sont rares, notamment parce qu'elles sont très instables et ont généralement une durée de vie courte, de l'ordre de 10 millions d'années. Observer une éruption du type de la Grande Eruption, qui est déjà rare en soi , sur des étoiles rares n'est pas chose aisée...
Des astrophysiciens se sont tout de même lancés dans cette recherche après avoir mesuré le spectre infra-rouge de Eta Carinae et ont cherché dans les vastes catalogues enregistrés par les télescopes spatiaux Spitzer et Hubble des étoiles montrant des spectres similaires. Rubab Khan, du Goddard Space Flight Center de la NASA et ses collaborateurs viennent ainsi d'annoncer la découverte de 5 étoiles jumelles de Eta Carinae situées dans des galaxies voisines. Ils ont scanné pour leur recherche quatre galaxies proches et bien connues des amateurs : M83, NGC 6946, M101 et M51, qui sont toutes situées entre 15 millions et 26 millions d'années-lumière. Ils ont sélectionné ces galaxies pour leur taux élevé de formation d'étoiles, laissant penser qu'elles pourraient posséder de nombreuses étoiles massives.
La galaxie M83 imagée par Hubble avec la localisation de 2 des 5 étoiles similaires à Eta Carinae (NASA, ESA, the Hubble Heritage Team (STScI/AURA) et R. Khan (GSFC and ORAU)) |
Parmi ces cinq jumelles d'Eta Carinae trouvées, deux se trouvent dans M83 et les trois autres dans chacune des autres galaxies étudiées. Toutes ces étoiles massives apparaissent masquées derrière un épais nuage de gaz et de poussières de 5 à 10 masses solaires ayant une température de plusieurs centaine de degrés, tout à fait similaire à ce que l'on observe dans le système d'Eta Carinae.
Les astrophysiciens devraient enfin pouvoir commencer à répondre aux questions soulevées par Eta Carinae : "Est-ce que toutes les étoiles très massives perdent de grosses quantités de matière lorsqu'elles vieillissent ?", "Comment perdent-elles cette matière ? Par une seule grosse éruption ou bien une série de petites éruptions ?" "Quel est le rôle exact du vent solaire dans ces étoiles ?" Et surtout : "Combien de temps vivent-elles après de telles éruptions géantes, avant de finir en supernovas de type II en laissant derrière elles un trou noir ?".
Toutes ces questions pourront plus facilement trouver des réponses maintenant que Eta Carinae n'est plus seule dans le bestiaire des étoiles hors du commun. Ces nouvelles venues vont pouvoir être observées très attentivement par les télescopes de nouvelle génération, notamment par le successeur de Hubble qui sera idoine pour cela : le télescope James Webb, dont le miroir est en cours d'assemblage et qui devrait entrer en scène en 2018. Et bien évidemment, les astrophysiciens vont poursuivre leur quête pour trouver encore d'autres candidates semblables à Eta Carinae dans d'autres galaxies, histoire de mieux cerner si les conditions physiques de la galaxie hôte peut jouer un rôle sur le devenir de ces drôles d'étoiles.
Cette étude publiée dans The Astrophysical Journal Letters a été présentée lors de la 227ème réunion de l'American Astronomical Society la semaine dernière.
Source :
Discovery of five candidate analogs for η Carinae in nearby galaxies
Rubab Khan et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 815, Number 2 (11 december 2015)
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