Lundi prochain 14 mars va s'envoler vers Mars depuis Baïkonour une sonde européenne nommée TGO, à la recherche de traces de vie. Trace Gas Orbiter va partir à la recherche de traces de méthane.
L’atterrisseur Schiaparelli se détachant de TGO (ESA/ATG Medialab) |
Sur Terre, la méthane est produit essentiellement par des bactéries, et pas uniquement dans l'intestin des vaches. La détection de méthane dans la fine atmosphère de Mars serait une preuve indirecte de l'existence passée (ou présente) de micro-organismes. TGO vérifiera non seulement la présence de méthane mais il permettra aussi de déterminer ses sources, ses zones d'absorption et ses variations saisonnières. TGO est munie de spectromètres du dernier cri offrant la meilleure sensibilité pour la détection du méthane, mais aussi d'autres gaz.
TGO arrivera en orbite martienne en octobre, après 7 mois de voyage. Et TGO emporte avec elle une surprise : un petit atterrisseur nommé Schiaparelli (du nom du célèbre astronome italien du XIXème grand observateur de Mars), qui devrait être largué le 19 octobre pour atterrir 6 minutes plus tard dans le Meridiani Planum à l'aide de son parachute et de rétrofusées. Schiaparelli n'est prévu que pour une mission d'ordre météorologique de courte durée (quelques jours) et doit surtout ouvrir la voie au futur rover européen prévu pour 2018. En effet, Schiaparelli va tester plusieurs technologies prévues pour ExoMars, notamment son parachute et un radar altimétrique.
C'est une autre sonde européenne, Mars Express, qui a la première détecté la présence de méthane sur Mars en 2004 avec des concentrations de l'ordre de 10 parties par milliard (ppb). Puis d'autres mesures à partir de télescopes terrestres ont confirmé cette détection peu de temps après. Mais comme la lumière UV détruit facilement les molécules de CH4 en quelques centaines d'années, les chercheurs en ont déduit que la source de méthane devait être récente. De plus, la forme des émanations laissait supposer qu'elles provenaient de bouffées concentrées et relativement insensibles aux vents qui devraient les disperser en quelques jours sur de grandes surfaces.
Mais le méthane peut aussi avoir d'autres origines que des organismes vivants, comme des réactions chimiques entre certaines roches et de l'eau, ou la dégradation de molécules organiques contenues dans des poussières ou des micrométéorites.
Le rover américain Curiosity, arrivé sur Mars en 2012 est lui aussi muni de détecteurs de méthane et en a observé une brutale bouffée (7 ppb) en 2014 qui a duré quelques mois, mais cette mesure reste aujourd'hui controversée, d'autant que ses mesures depuis lors n'ont jamais dépassé 0,5 ppb.
Les planétologues s'accordent globalement sur le fait que le cycle du méthane sur Mars est très mal compris. TGO, qui devrait fonctionner jusqu'en 2022 devrait apporter de précieux éclaircissements.
TGO possède deux spectromètres, l'instrument belge NOMAD et le russe ACS qui peuvent détecter du méthane jusqu'à des concentrations de 0,020 parties par milliard. Cette très haute sensibilité est obtenue grâce à la méthode envisagée d'observation du coucher et du lever de soleil à travers la fine atmosphère de Mars. Les raies d'absorption du méthane peuvent ainsi être clairement observées dans la lumière du Soleil. Et selon la présence de poussières parasites, les mesures de TGO pourraient couvrir toute la profondeur de l'atmosphère martienne jusqu'à la surface, là où les concentrations du précieux gaz devraient être les plus importantes.
Les deux spectromètres de TGO fonctionneront également en regardant directement la surface et la lumière réfléchie du sol, ce qui permettra de produire des cartographies des sources de méthane, si elles existent, mais avec une sensibilité beaucoup moins bonne.
Parmi les autres gaz que TGO traquera, on retrouve les composés soufrés qui sont un signe d'activité volcanique. Si ces composés soufrés sont trouvés accompagnant du méthane, les chercheurs pourraient conclurent plus facilement sur une origine géologique plutôt que biologique du CH4.
Les spectromètres NOMAD et ACS suivront également les mouvements atmosphériques du CO2 et de la vapeur d'eau, avec une mesure de température, fournissant des données cruciales pour modéliser le climat martien.
Outre une bien meilleure connaissance de l'atmosphère de Mars, TGO permettra, avec Schiaparelli, de poser sur le sol de la planète rouge le premier engin non-américain qui devrait fonctionner plus de 20 secondes. Rien que pour cela, cette mission possède un caractère historique.
Source :
Mars orbiter to sniff for methane
Eric Hand
Science Vol 351 Issue 6278 (11 March 2016)
Bonjour et merci pour cet article !
RépondreSupprimerUne remarque :
"C'est une autre sonde européenne, Mars Express, qui a la première détecté la présence de méthane sur Mars en 2004 avec des concentrations de l'ordre de 10 parties par milliard (ppb). Puis d'autres mesures à partir de télescopes terrestres ont confirmé cette détection peu de temps après."
Cette chronologie est inexacte, ou du moins, la réalité est moins claire.
En effet, Krasnopolsky et al. semblent bien être les premiers à avoir identifié le méthane dans leurs mesures depuis le télescope CFHT. Ils ont fait part de leur mesure dans un abstract soumis à la conférence EGU le 11 janvier 2004, soit seulement deux jours après le début des opérations de l'instrument PFS.
Extrait de l'article Krasnopolsky et al., Icarus, 2004:
"We report here our observations which resulted in a detection of methane on Mars. We will discuss sources and sinks of methane on Mars and its relevance to the problem of life. An abstract of this work with its basic results was submitted to and published by the European Geosciences Union (Krasnopolsky et al., 2004), and the submission deadline, 11 January 2004, was on the second day of operation of the Planetary Fourier Spectrometer (PFS) on board the Mars Express orbiter (Formisano et al., 2004). Later, Kerr (2004) reported that the PFS team also announced a detection of methane at a press conference in March 2004. Attempts to detect methane on Mars were made even earlier by Mumma et al. (2003). However, no results of their observations have been published in that abstract."
http://lunar.earth.northwestern.edu/courses/438/krasnopolsky2004.pdf
Bonjour et merci pour cet article
RépondreSupprimerUne remarque
"...avec Schiaparelli, de poser sur le sol de la planète rouge le premier engin non-américain. Rien que pour cela, cette mission possède un caractère historique."
Je crois que cette affirmation est inexacte :
Mars 3 est une sonde spatiale soviétique, lancée le 28 mai 1971 comportant un orbiteur et un atterrisseur pour une mission vers la planète Mars.Mars 3 est le premier engin terrestre à avoir atterri en douceur sur Mars, grâce à son atterrisseur largué le 2 décembre 1971.
sources : http://nssdc.gsfc.nasa.gov/nmc/spacecraftDisplay.do?id=1971-049F
Vous avez raison, mais si on l'a un peu oublié, c'est sans doute parce que Mars 3 n'a pour ainsi dire jamais fonctionné. La transmission a été interrompue seulement 20 secondes après son atterrissage sur Mars...
RépondreSupprimer