Pages

06/01/17

FRB 121102 a été localisée, dans une galaxie naine !


Il y a deux semaines, je vous racontais la découverte de nouvelles bouffées rapides d’ondes radio observées dans la source FRB 121102, la bouffée d’onde radio la plus bizarre des 18 connues à ce jour, les FRB étant elles-mêmes parmi les phénomènes les plus bizarres et les moins bien compris aujourd’hui. De nombreuses équipes s’intéressant naturellement à cette source, l’une d’elle vient enfin de trouver où se situe exactement FRB 121102 : dans une toute petite galaxie distante de plus de 3 milliards d’années-lumière.



La plupart des astrophysiciens, à partir de l’étalement spectral (la dispersion) du rayonnement radio de FRB 121102, pensaient bien qu’elle devait se situer bien au-delà de notre galaxie. C’est désormais démontré par la trouvaille de la galaxie hôte de l’objet produisant cette bouffée rapide d’ondes radio. Connaissant la distance plus précisément, les astrophysiciens peuvent maintenant mieux calculer l’énergie émise par cette source et donc plus facilement contraindre quelle peut être son origine, toujours inconnue.
FRB 121102 est la seule FRB à ce jour à avoir été observée plusieurs fois, de manière répétitive mais de façon très aléatoire. C’est cette multiplicité de bouffées qui a permis sa localisation précise grâce à des observations effectuées avec le Karl Jansky Very Large Array (Nouveau-Mexique). En scrutant la région d’origine des premières bouffées durant 6 mois avec un total de 83 heures d'observations, les chercheurs ont réussi à détecter 9 nouvelles bouffées rapides. Ils ont également détecté par la même occasion une faible émission radio provenant de la même région du ciel.
A partir de la position de ces nouvelles bouffées, l’équipe d’astrophysiciens a pointé le télescope Gemini North (Hawaï) dans cette direction et a enfin trouvé une galaxie très faible qui coïncide parfaitement avec cette position. Des mesures du décalage spectral de la lumière de la galaxie ont fourni immédiatement sa distance qui est de 972 Mpc (3,17 milliards d’années-lumière). Shami Chatterjee (Cornell University), Shriharsh Tendulkar (Université McGuill), Benito Marcotte (VLBI) et leurs collègues montrent ainsi que l’énergie dégagée lors d’une de ces bouffées d’ondes radio en l’espace de 5 ms surpasse l’énergie rayonnée par toutes les étoiles de sa galaxie hôte.
Cette découverte importante est détaillée dans pas moins de trois articles, le premier dans Nature cette semaine et les deux autres dans the Astrophysical Journal Letters. La galaxie hôte de FRB 121102 est une toute petite galaxie dont la masse n’est seulement que de un millième de celle de notre galaxie pour une dimension dix fois inférieure.


Ce qui surprend les chercheurs c’est justement cette pauvreté de la galaxie hôte en étoiles, même si elle montre un taux de formation d'étoiles assez soutenu pour une galaxie de ce type (0,4 masses solaires par an). Comme on estime que la source de ces FRB devrait préférentiellement être des étoiles à neutrons, des pulsars fortement magnétisés, on devrait plutôt les rencontrer dans un environnement riche en étoiles. D’un autre côté, les galaxies naines ont la particularité de contenir du gaz contenant peu d’éléments plus lourds que l’hélium et donc sujettes à produire des étoiles plus massives, et qui dit étoiles massives dit supernovas et donc production de pulsars.

Mais l’hypothèse pulsar n’est pas la seule. Les nouvelles données du VLA, qui montrent la présence d’une source radio continue très proche de la localisation de la FRB suggèrent que cette dernière est voisine d’un trou noir supermassif (à l’origine de la source radio continue).
L'équipe internationale a donc cherché à détailler plus précisément ces différentes sources radio, grâce à d'autres radiotélescopes comme le VLBI, Arecibo et le VLBA. Ils sont parvenus à déterminer que la distance entre le point d'origine de FRB 121102 et la source radio continue n'excédait pas 100 années-lumière !
Il se pourrait alors qu’il s’agisse du même objet et que les bouffées rapides soient liées à de la matière tombant dans le trou noir. 

Les deux hypothèses sont donc toujours possibles. Les galaxies naines sont d'ailleurs connues pour abriter avec une plus grande probabilité des bouffées longues de rayons gamma et des supernovas superlumineuses... Nous sommes peut-être également en présence d'un mix des deux hypothèses, un magnétar produisant des effets à proximité d'un trou noir supermassif, ce qui expliquerait la rareté de ces observations.
Quoi qu'il en soit, maintenant que les astronomes connaissent la galaxie d’origine de ces émissions radio surprenantes, ils vont pouvoir scruter dans toutes les longueurs d’ondes possibles cette galaxie naine à l’allure insignifiante, pour comprendre l’origine exacte du phénomène.
L’élément crucial à mettre en évidence sera l’existence ou non d’une pulsation ayant une fréquence de répétition donnée dans les signaux. Cela indiquerait un phénomène lié à une rotation, donc plutôt un pulsar. La surveillance d’autres FRB en tentant de trouver si leur galaxie hôte, si ils en ont une, est aussi une galaxie naine, permettrait aussi de déterminer si FRB 121102 est un phénomène très particulier ou bien si il est  typique de toutes les FRB.

Sources :
A direct localization of a fast radio burst and its host
S. Chatterjee et al.
Nature 541, 58–61 (05 January 2017)

The Host Galaxy and Redshift of the Repeating Fast Radio Burst FRB 121102. S.P. Tendulkar et al.
ApJL 834, L7 (10 january 2017)

The Repeating Fast Radio Burst FRB 121102 as Seen on Milliarcsecond Angular Scales.
B. Marcote et al.
ApJL 834, L8 (10 january 2017)

Illustrations :

1) Le Karl Jansky Very Large Array (NRAO/AUI/NSF)

2) La galaxie hôte de FRB121102 imagée avec le telescope Gemini North (Gemini/AURA/NIST/NRC)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci !