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mercredi 8 février 2017

Les deux nuages de Magellan reliés entre eux par un courant d'étoiles


Les deux nuages de Magellan sont des objets emblématiques de l'hémisphère Sud. Ce sont les deux plus grosses galaxies satellites de notre Voie Lactée. Une nouvelle vision de ces galaxies naines vient d'être révélée par le télescope européen Gaïa : un courant d'étoiles long de 43000 années-lumières paraît les relier l'un à l'autre, ce qui laisse penser que le Grand Nuage a un peu dépecé le Petit Nuage...




Les première données astrométriques de Gaïa ont été fournies à la communauté scientifique, et à tout un chacun, il y a trois mois, sous la forme d'un catalogue d'un milliard d'étoiles (position et luminosité). L'équipe de Vasily Belokurov (Université de Cambridge) s'est emparé de ce trésor pour regarder ce qui se passe aux alentours des deux nuages de Magellan en s’intéressant plus particulièrement à des étoiles variables appelées des RR Lyrae. Ces étoiles sont généralement très vieilles et existent depuis les premiers jours des nuages de Magellan. Elles permettent ainsi d'étudier l'histoire de ces galaxies naines. Il faut dire que même s'ils sont connus depuis la nuit des temps car visibles à l’œil nu, les nuages de Magellan, le grand et le petit (LMC et SMC), qui doivent leur nom au premier explorateur européen s'étant aventuré dans l'hémisphère sud, sont longtemps restés entourés de mystère tant leur étude n'est pas aisée du fait de leur grande étendue dans le ciel. 
Les astronomes cherchent notamment à savoir si la formation du LMC et du SMC suit bien les modèles de formation des galaxies, et cela dépend intimement de leur masse d'une part et de la date de leur rapprochement de la Voie Lactée d'autre part.
Ce que montrent les RR Lyrae mises en évidence autour du LMC, c'est qu'il existe un halo de faible luminosité qui s'étend jusqu'à 20° de son centre. Sa masse devrait ainsi être revue significativement à la hausse pour atteindre environ un dixième de la masse de la Voie Lactée. 
Et pour connaître le moment d'arrivée des galaxies satellites, il faut pouvoir trouver quelle est leur orbite. Mais cette mesure est extrêmement difficile car à leurs distances, les mouvements sont imperceptibles. Mais Vasily Belokurov et son équipe ont trouvé mieux : la présence d'un courant d'étoiles. Des courants d'étoiles se forment quand une galaxie naine ou un amas d'étoiles commence à ressentir les forces de marée gravitationnelle de l'objet autour duquel ils orbitent. 

Les forces de marées étirent la galaxie naine dans deux directions, vers l'attracteur et vers son opposé. Des étoiles peuvent alors se retrouver au point où elles sont plus attirées par la grosse galaxie que par leur petite galaxie d'origine. Petit à petit, étoile après étoile, la petite galaxie s'effiloche en laissant une trace sous la forme d'un courant d'étoiles, et cette traînée d'étoiles permet aux astronomes de déterminer l'orbite de la galaxie satellite.
Mais ce courant d'étoiles observé pour la première fois autour du grand nuage de Magellan (après avoir été prédit théoriquement) a une forme étonnante : il forme une sorte de pont entre le LMC et le SMC. Les chercheurs pensent qu'une partie non négligeable des étoiles composant cette structure n'est pas arrachée par la Voie Lactée, mais sont des étoiles du SMC arrachées par le LMC.  
En faisant tourner des simulations pour reproduire ce qui est observé, les astrophysiciens montrent que les étoiles du Petit Nuage de Magellan ont dû être arrachées par le Grand Nuage de Magellan il y a 200 millions d'années, lorsque les deux galaxies naines ont été le plus rapprochées l'une de l'autre.
Ils parviennent également, à partir de là, à évaluer la densité du gaz de la couronne galactique, ce gaz diffus entourant notre galaxie où baignent les galaxies satellites et si difficilement détectable. Vasily Belokurov et ses collègues montrent que la couronne galactique formerait une fraction importante de la masse baryonique, la partie dite manquante de la masse théoriquement visible, car difficilement détectable. 

Les mesures astrométriques de précision de Gaïa peuvent ainsi mener à mieux circonscrire les modèles de formation galactique en même temps que découvrir l'histoire un peu tumultueuse de notre environnement galactique proche.


Référence

Clouds, Streams and Bridges. Redrawing the blueprint of the Magellanic System with Gaia DR1
Vasily Belokurov et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, vol 466, 4 (mai 2017)


Illustrations

1) Image d'artiste montrant la répartition des RR Lyrae autour du LMC et du SMC (V Belokurov, D Erkal, A Mellinger)

2) le télescope Gaïa lancé en février 2013 (CNES)

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