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dimanche 22 octobre 2017

Observation de nano-éruptions solaires à 10 millions de degrés


Pour étudier les rayons X, il faut nécessairement sortir de l'atmosphère terrestre. Pour un coût bien plus faible que celui d'un télescope en orbite, les astrophysiciens peuvent utiliser des fusées de courte portée emportant des instruments, pour quelques minutes d'observations. Le second vol de l'instrument FOXSI vient ainsi de fournir ses résultats et montre des phénomènes solaires que les astronomes cherchaient à voir depuis des années : des micro-éruptions solaires.




L'imageur FOXSI-2 (Focusing Optics X-ray Solar Imager) a été lancé depuis la base de missiles de White Sands (Nouveau-Mexique) le 11 décembre 2014. Il a volé seulement 15 minutes, pour 6 minutes d'acquisition de données effectives. Cela a suffi pour mettre en évidence ces toutes petites éruptions solaires qui ont la particularité de produire des températures si élevées (jusqu'à 10 millions de degrés) qu'elles émettent des rayons X. Ces éruptions sont trop petites pour être détectées depuis la Terre.
L'équipe américano-japonaise à l'origine de cette étude qui est paru dans Nature Astronomy, dirigée par Shin-nosuke Ishikawa, physicien solaire de la JAXA, a réussi à observer pour la première fois des zones du Soleil paraissant calmes, dans des longueurs d'ondes de rayons X "durs" (des énergies jusqu'à 9 keV).
Ces observations sont cruciales pour comprendre le problème de l'échauffement de la couronne solaire. La couronne solaire se trouve en effet à une température très élevée, plusieurs millions de degrés, sans que l'on comprenne le mécanisme qui est en jeu, alors que la surface du Soleil est 1000 fois moins chaude.

Une des hypothèses possibles est justement la présence d'une source continue de petites éruptions dans l'atmosphère solaire, des éruptions si petites qu'elles ne peuvent pas être directement observées. Mais en grand nombre, elles pourraient expliquer l'échauffement considérable de la couronne.
Ces micro-éruptions auraient pour conséquence l'apparition de poches de plasma surchauffé suffisamment pour émettre des rayons X durs, si difficilement détectables sur Terre ou même en orbite, notamment du fait de la difficile focalisation ce type de rayonnement.

L'imageur FOXSI-2 utilise une technique appelée la "focalisation directe", qui permet de déterminer avec précision le point d'origine sur la surface du Soleil du photon X détecté. En seulement 6 minutes de prises de données, FOXSI-2 a atteint une meilleure sensibilité que le meilleur des satellites qui aurait utilisé une imagerie indirecte.
Pour conclure sur l'évidence de nano-éruptions ayant produit les rayons X observés, les chercheurs ont exploité en addition les données de l'observatoire Hinode, fruit d'une collaboration NASA/JAXA. Cela leur a permis de conclure avec certitude que les régions du Soleil incriminées ne montraient pas de grandes éruptions au moment des observations de FOXSI-2. Il ne pouvait donc s'agir que de micro ou nano-éruptions.

Les astronomes ne savent pas encore dire combien d'énergie thermique ces nano-éruptions de plasma surchauffé injectent effectivement dans la couronne. Pour expliquer entièrement le problème de l'échauffement de la couronne, ces nano-éruptions devraient, d'après les chercheurs, avoir lieu en continu sur toute la surface du Soleil.
Dans le but d'en savoir encore plus, l'équipe américano-japonaise a d'ores et déjà construit une troisième version de l'imageur FOXSI, encore améliorée, qui devrait être lancée sur une mini-fusée à l'été 2018.
Les premiers résultats très encourageants ont même convaincu les responsables du programme  Small Explorers de la NASA pour financer une étude de concept pour un éventuel satellite dans la décennie à venir.

Source
Detection of nanoflare-heated plasma in the solar corona by the FOXSI-2 sounding rocket
Shin-nosuke Ishikawa, Lindsay Glesener, Säm Krucker, Steven Christe, Juan Camilo Buitrago-Casas, Noriyuki Narukage & Juliana Vievering
Nature Astronomy (9 october 2017)

Illustrations
1) Image du Soleil en rayons X, les zones imagées par FOXSI sont entourées en bleu (JAXA/NASA/Hinode/FOXSI)
2) L'équipe de FOXSI devant la fusée Black Brant IX utilisée pour le vol suborbital de l'instrument FOXSI-2 (NASA)

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