Les ceintures de Van Allen ont été découvertes en 1958. Elles sont constituées majoritairement de protons et d’électrons énergétiques capturés par le champ magnétique de la Terre. Depuis 60 ans, l’origine des électrons qui sont situés dans la partie interne des ceintures de Van Allen était incertaine. Aujourd’hui, la preuve de leur origine est apportée grâce à un micro satellite conçu et exploité par des étudiants de l’Université du Colorado…
Les ceintures de Van Allen s’étalent entre 500 km et 40 000 km d’altitude. Dès leur découverte, les physiciens ont compris l’origine des protons qui composent leurs couches internes, les plus proches de la Terre. Il s’agit d’un phénomène lié indirectement aux interactions de rayons cosmiques, le phénomène nommé CRAND (Cosmic Ray Albedo Neutron Decay). Dans ce processus, les particules du rayonnement cosmique (des protons ou des noyaux lourds très énergétiques) qui interagissent avec les atomes de la haute atmosphère, produisent des neutrons, qui diffusent ensuite dans toutes les directions, et notamment vers le haut, vers l’espace. Or les neutrons lorsqu’ils sont seuls, sont des particules instables qui se désintègrent en moyenne au bout d’un peu moins d’un quart d’heure (887 s). Ils se désintègrent en trois particules : un proton, un électron et un antineutrino électronique. Ce sont les protons qui conservent ici l’essentiel de l’énergie incidente des neutrons, une centaine de MeV. Les électrons émis dans cette désintégration ont, eux, une énergie inférieure à 1 MeV.
Le fait que le processus CRAND
ait été mis en doute comme étant la source des électrons de la ceinture interne
de Van Allen vient du fait que l’intensité de ces électrons apparaît très
variable au cours du temps. Or le taux de décroissance des neutrons doit être à
peu près constant. Une équipe d’universitaires américains de l’Université de
Boulder (Colorado), dirigée par le physicien Xinlin Li, a eu l’idée d’étudier
les électrons de la ceinture de Van Allen en faisant fabriquer et exploiter un détecteur
par des étudiants, qui fut envoyé en orbite à bord d’un petit satellite, un Cubesat
appelé CSSWE (Colorado Student Space Weather Experiment) le 13 septembre 2012.
Le détecteur de particules qu’ils
ont réalisé est nommé REPTile (Relativistic Electron and Proton Telescope
integrated little experiment), il était capable de mesurer le flux de
protons ayant une énergie comprise entre 9 MeV et 40 MeV ainsi que le flux
d’électrons entre 0,5 MeV et 3,8 MeV. La mission a pris fin en 2014 après plus
d’un an de prise de données. Les physiciens publient aujourd’hui leurs
résultats dans la prestigieuse revue Nature.
En traçant l’évolution du flux d’électrons en fonction de la distance du centre
de la Terre (l’origine du champ magnétique) et de la longitude, ils parviennent
à identifier deux populations distinctes d’électrons. Une population
d’électrons bien confinés par le champ géomagnétique, mais qui se trouve être
très variable dans le temps, et une seconde population « quasi-confinée »,
qui est, elle, très stable. Entre octobre 2012 et janvier 2013, l’intensité
mesurée des électrons confinés a varié d’un facteur 3 alors que celle des
électrons quasi-confinés est restée stable.
Ces électrons quasi-confinés sont
observés dans les deux hémisphères. Leur intensité augmente uniformément en
fonction de la longitude, et leur flux paraît indépendant de l’altitude et de
l’activité géomagnétique. Cela implique, selon Xinpin Li et ses collègues,
l’existence d’une source constante et uniformément distribuée, capable de
compenser la perte qui est observée au niveau de l’Anomalie de l’Atlantique Sud
(la zone où le champ magnétique terrestre est minimum, produite par les composantes non-dipolaires du champ
géomagnétique). Cette source est selon eux compatible avec le processus CRAND,
et tous les autres scénarios pouvant expliquer les caractéristiques des
électrons observés sont méticuleusement rejetés par Xinpin Li et ses
collaborateurs.
La connaissance précise du flux
de ces électrons attribués à des désintégrations de neutrons (25 électrons
cm−2 s−1 sr−1 MeV−1) permet
ensuite aux physiciens de remonter à un paramètre mal connu expérimentalement
qui est la densité de neutrons présents à cette altitude. Ils trouvent la valeur de 2 × 10−9 neutrons.cm−3, qui est comparable avec
la valeur théorique attendue dans l’environnement proche de la Terre. Des
mesures de neutrons avaient en effet été effectuées à l’intérieur et à
l’extérieur de la station spatiale internationale mais les flux mesurés se
révélaient proportionnels à la distance de l’ISS de l’Anomalie de l’Atlantique
Sud, ce qui faisait dire aux spécialistes que les neutrons mesurés étaient en
grande majorité liés au flux de protons de la ceinture de Van Allen, il devait
donc s’agir de neutrons produits localement par des collisions de protons sur
l’ISS. La mesure indirecte via les électrons du processus CRAND permet de
s’affranchir complètement de ces biais de mesure.
Une incertitude vieille de
60 ans vient donc d’être levée grâce à un détecteur low-cost envoyé dans un
mini-satellite par des étudiants bien dirigés. Un exemple à suivre...
Source
Measurement of electrons from albedo
neutron decay and neutron density in near-Earth space
Xinlin Li, Richard Selesnick, Quintin
Schiller, Kun Zhang, Hong Zhao, Daniel N. Baker & Michael A. Temerin
Nature (13 December 2017)
Illustrations
1) Vue d'artiste de ce à quoi devait ressembler le microsatellite CSSWE en orbite (Rick Kohnert)
2) Schéma des ceintures de Van Allen (NASA)
Merci cool
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