La composition en isotopes de calcium des corps planétaires du système solaire interne est directement corrélée à leur masse. Cette découverte a des implications importantes dans notre compréhension de la formation de notre système. Un nouveau scénario est proposé avec une formation continue des planètes rocheuses.
La variabilité isotopique parmi les objets du système solaire est souvent utilisée pour tester la relation existant entre des groupes de météorites et les planètes rocheuses (de Mercure à Mars, en comptant la Lune).
Les nombreuses études passées ont montré qu'aucune météorite primitive n'a une composition semblable à celle de la Terre. Le matériau du disque proto-planétaire qui est à l'origine du couple Terre-Lune est ainsi mal expliqué quand on le compare avec d'autres corps. Mais ces études étaient fondées sur l'idée que la variabilité isotopique était majoritairement associée à une hétérogénéité spatiale dans le système solaire, avec des corps se formant à des vitesses différentes.
Dans leur nouvelle étude, publiée cette semaine dans Nature, Martin Schiller, Martin Bizzarro & Vera Assis Fernandes ont regardé si cette variabilité pouvait être corrélée à d'autres paramètres, et partent de l'hypothèse que tous les corps se formeraient avec le même taux d'accrétion, leur masse finale reflétant juste leur durée de formation. Ils ont mesuré le ratio entre deux isotopes du calcium : 48Ca/44Ca sur des échantillons de météorites de type ureilites et angrites, ainsi que venant de Vesta, de Mars en le comparant avec sa valeur dans la croûte terrestre.
Schiller et ses collègues trouvent une réelle corrélation entre le ratio isotopique relatif mesuré et la masse de l'astéroide ou de la planète d'origine de l'échantillon (masses connues pour les planète et inférées à partir de modèles thermiques pour les astéroïdes). Or dans l'hypothèse de Schiller, où la masse du corps est un indicateur de sa durée caractéristique d’accrétion lors de sa formation dans le disque protoplanétaire, plus les corps sont de petite taille, plus ils se sont formés rapidement dans le disque protoplanétaire autour du Soleil. Et comme leur composition est différente de celle des corps plus massifs, qui ont mis plus de temps à se former, cela indique, selon les chercheurs, que c'est la composition du disque protoplanétaire qui a changé au cours du temps. Et cette évolution se serait faite rapidement, à l'échelle de quelques millions ou dizaines de millions d'années.
Schiller et son équipe estiment que de la matière extérieure au système solaire est venue s'ajouter à la matière déjà présente dans la région interne du disque protoplanétaire déjà thermalisée.
La matière initiale dans la partie interne du disque protoplanétaire avait un faible ratio 48Ca/44Ca d'environ -150 ppm (ratio relatif à la valeur terrestre). Des petits corps auraient grossis à partir de cette matière jusqu'à atteindre la taille d'environ 200 km de diamètre. Le disque interne aurait alors été enrichi avec poussières provenant du système solaire externe ayant un ratio 48Ca/44Ca élevé (+200 ppm). La valeur moyenne du ratio dans la zone interne du disque protoplanétaire aurait alors augmenté progressivement. Ainsi, les corps atteignant la taille de Vesta (530 km), auraient atteint un ratio 48Ca/44Ca de -100 ppm et ceux parvenant à la taille de Mars (6800 km) une valeur de -20 ppm.
Les chercheurs confirment par ailleurs la similitude de composition de la Terre et de la Lune (0 ppm), qui est prédite dans leurs modèles à la condition que l'impact qui a donné naissance à la Lune ait impliqué une protoplanète ayant comme la Terre terminé son accrétion vers la fin de l'existence du disque protoplanétaire, c'est à dire de masse semblable, d'environ la moitié de la masse de la Terre actuelle.
Le scénario proposé par Schiller et ses collaborateurs va à l'encontre de nombreuses études antérieures. Il permet d'expliquer certains points mais reste en tension avec d'autres éléments, notamment sur la durée de formation de la Terre, qui serait beaucoup plus rapide lorsqu'elle est tracée par d'autres isotopes, ainsi que sur les transferts de poussières des parties externes du Système Solaire et le rôle joué par les géantes gazeuses. Ces résultats devront être validés, notamment par des simulations numériques des phénomènes d'accrétion de poussières et de cailloux et des phénomènes d'instabilité associés.
Source
Isotopic evolution of the protoplanetary disk and the building blocks of Earth and the Moon
Martin Schiller, Martin Bizzarro & Vera Assis Fernandes
Nature volume 555, pages 507–510 (22 March 2018)
Illustration
Schéma de la formation des astéroides et planètes rocheuses au cours du temps selon le scénario des auteurs de cette étude
Schéma de la formation des astéroides et planètes rocheuses au cours du temps selon le scénario des auteurs de cette étude
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