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jeudi 19 avril 2018

Où sont les baryons manquants ?


Une équipe d'astronomes vient de sonder les halos de plusieurs galaxies à la recherche de la matière ordinaire qui manque à l'appel, du gaz plus ou moins chaud. Ils ne le trouve pas, laissant à nouveau des questions sans réponses.




On sait que la matière noire, invisible, représenterait environ 85% de toute la matière de l'Univers, les 15% restant étant constitués de matière baryonique, ordinaire, les quarks et les leptons dont vous êtes faits. Mais il y a un problème de taille : on arrive à observer seulement environ la moitié de cette matière baryonique, l'autre moitié reste terriblement cachée.
Dans certaines galaxies proches, la quantité de matière ordinaire observée est 3 fois plus faible que ce qu'elle devrait être. Dans notre propre Galaxie, la quantité de matière ordinaire connue est environ deux fois trop faible.
Jiangtao Li (Université du Michigan) et ses collègues ont cherché à répondre à cette question qui taraude les astrophysiciens de longue date. Dans l'étude qu'ils publient aujourd'hui dans The Astrophysical Journal Letters, les astrophysiciens ont recherché ces baryons manquants non pas dans le disque lumineux des galaxies, mais dans leur halo, là où pourraient se trouver des quantités de gaz non négligeables et invisibles dans les longueurs d'onde visibles. C'est donc dans le domaine des rayons X que les chercheurs américains ont recherché ce gaz chaud. Un tel halo émettant en rayons X a déjà été observé dans le passé, mais cette émission est si faible que l'émission X peut devenir indistinguable du rayonnement de fond. Au lieu d'observer une petite zone de halo galactique et d'extrapoler le résultat à un halo entier, et pour améliorer le signal par rapport au bruit de fond, Jiangtao Li  et ses collègues ont regardé plusieurs galaxies et ont moyenné le signal de rayons X mesuré dans leur halo. Ils ont utilisé le télescope spatial européen XMM-Newton sur 6 galaxies spirales identiques. Ces galaxies massives isolées sont suffisamment grosses pour échauffer leur gaz jusqu'à plusieurs millions de degrés, de quoi produire des rayons X thermiques.

Par cette méthode de moyenne du signal, les chercheurs parviennent à détecter les rayons X du halo jusqu'à des distances du centre galactique trois fois plus grandes que ce qu'on arrivait à faire jusqu'alors sur une seule galaxie. Jiangtao Li et ses collaborateurs peuvent ainsi extrapoler la quantité de matière baryonique jusqu'à 30 fois le rayon de la Voie Lactée. Et ils trouvent qu'il manque encore près de 75% de la matière baryonique par rapport à la quantité de matière qu'on attendait, déduite de la nucléosynthèse primordiale (la production des premiers noyaux d'atomes dans l'Univers primordial) ...
On ne comprend pas pourquoi on ne la trouve pas. Une théorie évoquée serait que cette matière baryonique serait du gaz dans une phase très difficilement détectable, soit du gaz plus chaud mais très peu dense, ou au contraire, du gaz plus froid et plus dense. Ou alors, les galaxies parviendraient à éjecter énormément de gaz, par l'injection d'énergie soit en provenance de supernovas ou soit venant du trou noir supermassif central.

Les recherches vont se poursuivre, avec des télescopes X comme XMM-Newton ou Chandra et dans quelques années avec le nouvel instrument européen ATHENA, qui prendra la relève de ces prolifiques télescopes spatiaux.


Source

Baryon Budget of the Hot Circumgalactic Medium of Massive Spiral Galaxies
Jiang-Tao Li, Joel N. Bregman, Q. Daniel Wang, Robert A. Crain, and Michael E. Anderson
The Astrophysical Journal Letters, Volume 855, Number 2


Illustration

Image composite en rayons X (mauve) composée de la moyenne de 5 galaxies (ESA/XMM-Newton; J-T. Li (University of Michigan, USA); Sloan Digital Sky Survey (SDSS)

1 commentaire:

  1. L'article de Jiang-Tao montrant que la majorité des baryons manquants ne se trouve pas dans les halos perigalactiques en équilibre hydrostatique semble conforter des précédents travaux les situant dans les filaments intergalactiques ; en 2015 Eckert a rapporté (Nature) une simulation cosmologique donnant un support théorique, puis en 2017, 2 équipes ont mis en évidence de façon indépendante, par l'effet SZ, des filaments intergalactiques de gaz chaud en quantité suffisante pour expliquer les baryons manquants (Tanimura sur SDSS et de Graaf sur CMASS).

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