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mardi 29 mai 2018

Observation de l'étoile à neutrons la plus massive : 2,3 masses solaires


Une des étoiles à neutrons les plus massives vient d'être observée grâce au rayonnement qu'elle projette à la surface de son étoile compagne. Cette dernière se retrouve avec une hémisphère normale et une hémisphère surchauffée. C'est cette différence de température qui a permis indirectement de déterminer la masse de l'étoile à neutrons. 




Jusqu'à aujourd'hui, l'étoile à neutrons la plus massive dont la masse avait pu être déterminée précisément, faisait 2,01 masses solaires (PSR J0348+0432), mais cette nouvelle étoile à neutrons, dénommée PSR J2215+5135 vient de la détrôner, avec une masse de 2,3 masses solaires. Pour déterminer sa masse, Manuel Linares (Université Polytechnique de Catalogne) et ses collaborateurs ont utilisé une méthode un peu inédite. Ils ont cherché à déterminer le plus précisément possible la période orbitale du couple qui est situé à environ 10000 années-lumière, dans notre galaxie. Connaissant la période orbitale et la masse de l'étoile compagne, on en déduit la masse de l'étoile à neutrons. Mais pour déterminer cette période orbitale (4,14 heures), les astrophysiciens se sont fondé sur un phénomène inédit : le fait que l'étoile à neutrons irradie toujours le même hémisphère de sa compagne. De se fait, ils arrivent à détecter la variation de la température de l'étoile compagne, qui correspond à son mouvement orbital au sein du couple et ce grâce au grand télescope de l'observatoire des Canaries.
Lorsqu'elle est observée sur son côté irradié, la compagne de PSR J2215 ressemble à une étoile de type A5 (8100 K), et lorsqu'elle est observée sur son autre hémisphère, son spectre ressemble à celui d'une étoile de type G5 (5700 K). D'habitude, dans un système binaire, la vitesse radiale de l'étoile compagne est mesurée par le décalage Doppler de raies d'absorption. Mais dans le système de PSR J2215, ces mesures donnaient toujours des valeurs différentes selon les observateurs. On comprend mieux pourquoi maintenant. Le fait de posséder deux hémisphères aux températures très différentes, avec un barycentre de luminosité différent du barycentre de masse rend les mesures à partir des spectres quasi impossibles. En revanche, en utilisant une certaine raie du magnésium, qui est observée sur les deux côtés de l'étoile et qui permet de tracer la température, les astronomes arrivent à déterminer très précisément la vitesse du centre de masse en suivant l'évolution de la température au cours du temps. De là, Manuel Linares et son équipe en déduisent la masse des deux étoiles : le pulsar fait environ 2,3 masses solaires et sa compagne seulement 0,33 masse solaire.  PSR J2215, qui se trouve être un pulsar milliseconde qui tourne sur lui-même 383 fois par seconde serait donc l'étoile à neutron la plus massive détectée, mais il faut encore que sa masse soit confirmée.



Cette masse importante pour une étoile à neutrons introduit de nouvelles contraintes observationnelles sur les modèles d'équation d'état des étoiles à neutrons. La manière avec laquelle les protons et les neutrons interagissent entre eux à très haute densité est encore aujourd'hui une énigme. Et le fait de trouver une étoile à neutrons de 2,3 masses solaires tend à indiquer que les forces de répulsion entre particules doivent être suffisamment fortes, et que par conséquent il est plutôt improbable de trouver des quarks libres ou d'autres hadrons exotiques au coeur des étoiles à neutrons.  

En plus de battre un record parmi les quelques milliers d'étoiles à neutrons connues à ce jour, cette observation inédite propose une toute nouvelle technique pour déduire la masse des étoiles dans un système binaire. Elle pourrait être appliquée à de nombreux autres cas et pourquoi pas permettre de découvrir des étoiles à neutrons encore plus massives...


Source

Peering into the dark side: magnesium lines establish a massive neutron star in PSR J2215+5135
Manuel Linares et al. 
The Astrophysical Journal 859 54 (28 may 2018)


Illustration 

Vue d'artiste du système de PSR J2215+5135 où le pulsar irradie une hémisphère de sa compagne (G. Pérez-Díaz/IAC)

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