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lundi 5 novembre 2018

Une étoile supermassive éjectée de son amas par un couple encore plus massif


VFTS682 est l'une des étoiles les plus massives que l'on connaisse, avec ses 137 masses solaires actuelles, ce qui lui fait une masse initiale (à sa formation) supérieure à 150 M⊙⁠. La vitesse de cette étoile qui se trouve étrangement au bord d'un amas, un peu isolée, vient d'être mesurée grâce à Gaia et au télescope Hubble. Ces observations indiquent qu'elle a dû être éjectée de son lieu de naissance par un phénomène amusant...




R136 est le nom d'un petit amas d'étoile situé au sein d'un cocon d'étoiles, la nébuleuse de la Tarentule, que l'on trouve dans la galaxie naine du Grand Nuage de Magellan. VFTS682  se trouve à 29 pc du centre de l'amas (environ 100 années-lumière). Pour comprendre quelle est la raison d'un tel isolement par rapport aux autres étoiles de l'amas, Mathieu Renzo (Université d'Amsterdam) et ses collègues ont entrepris de mesurer le plus précisément possible sa vitesse grâce aux données astrométriques de Gaia.
Les astronomes trouvent une vitesse égale à 38±17 km s−1 avec une direction qui pointe vers la région centrale de l'amas, en s'en éloignant. Ils en concluent que cette étoile supermassive est une étoile fuyante, en train d'être éjectée. Leur conclusion est renforcée par le fait que le centre de l'amas R136 est connu pour abriter d'autres étoiles de masse supérieure à 150 Mayant le même type spectral que VFTS682 et deux spécimens de l'amas (VFTS16 et VFTS72 ) montrent de claires évidences qu'elles ont elles aussi été éjectées de leur lieu de naissance. Or des astrophysiciens théoriciens (Fujii et al.) avaient suggéré en 2011 que tôt dans l'évolution d'un amas, les interactions dynamiques doivent produire un système d'étoiles binaire très massives au centre qui aurait ensuite pour effet de faire le ménage autour d'elles en éjectant les autres étoiles proches pour perdre de l'énergie gravitationnelle.


Les similitudes spectrales observées entre VFTS682 et les autres étoiles du coeur de R136 sont cohérentes avec ce modèle dit de la "binaire grosse brute" (bully binary). Vue avec ce prisme, la cinématique de cette étoile fuyante la plus massive jamais observée, suggère la présence d'un couple ayant une masse totale supérieure à 300 Mtapi au coeur de l'amas R136. Et les chercheurs, dans leur article que publie les Monthly Notices of The Royal Astronomical Society Letters, comparent ensuite l'âge de l'amas et l'âge "cinématique" de VFTS682 pour en déduire une limite supérieure de la durée de formation de la binaire "grosse brute" : seulement 1,3 millions d'années environ.
Renzo et ses collaborateurs précisent que ce type de systèmes binaires supermassives peuvent produire au final des couples de trous noirs de masse conséquente tels ceux observés par LIGO et Virgo par leurs ondes gravitationnelles. VFTS682 elle aussi étant donnée sa masse démesurée finira assez vite en trou noir après effondrement gravitationnel, mais elle sera seule.
Elle est en tous cas potentiellement l'étoile fuyante la plus massive connue à ce jour, et son éjection de l'amas R136 implique probablement qu'elle n'est que le sommet d'un iceberg dans cette région riche en étoiles massives. Des études futures de cette population d'étoiles vont apporter de nouvelles contraintes sur l'évolution de ces étoiles supermassives ainsi que sur la formation et l'évolution de l'amas lui-même.

Source

Space astrometry of the very massive ∼150 M⊙ candidate runaway star VFTS682
M Renzo  et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society: Letters, Volume 482, Issue 1, (1 January 2019)


Illustration 

1) Schéma des mouvements des principale étoiles massives fuyant le centre de l'amas R136 (Renzo et al./MNRAS)

2) L'amas R136 imag par Hubble, l'image fait 100 AL de côté (NASA, ESA, F. Paresce (INAF-IASF, Bologna, Italy), R. O'Connell (University of Virginia, Charlottesville), and the Wide Field Camera 3 Science Oversight Committee)

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