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mercredi 21 novembre 2018

Une étoile sur le point d'exploser produit une magnifique spirale de gaz


Cette image n’est pas une simulation ni un dessin. Il s’agit bien d’une image réelle, obtenue dans l’infra-rouge. Il s’agit d’un système stellaire comme on n’en avait encore jamais vu auparavant. Il y a ici un triplet d’étoiles ayant sculpté d’élégantes volutes de gaz et de poussière, mais dont l’une d'entre elles serait sur le point d’exploser.



Ce système, nommé officiellement 2XMM J160050.7–514245 a été baptisé Apep, du nom d’un dieu Egyptien à tête de serpent spécialisé dans le chaos… Il se situe à seulement 8000 années-lumière, et sa particularité, outre son esthétique photogénique, est qu’il pourrait être un sérieux candidat émetteur de bouffée de rayons gamma, le premier du genre connu dans notre galaxie.
Les deux étoiles principales du triplet sont toutes les deux des étoiles dites de Wolf-Rayet, des étoiles massives, chaudes et lumineuses. Joseph Callinghan (Université de Sydney), et son équipe ont observé Apep avec plusieurs télescopes depuis les ondes radio jusqu’aux infra-rouge avec le Anglo-Australian Telescope (AAT) et le Very Large Telescope (VLT) avec sa caméra VISIR. Ce qu’ils ont réussi à mettre en évidence dans ce système, c’est la présence d’un vent stellaire extrêmement rapide qui s’échappe des deux étoiles principales, à une vitesse de 3400 km/s !  La forme spiralée de la nébuleuse de poussière et de gaz entourant le couple d’étoiles est produite d’après les chercheurs par le mouvement de rotation des étoiles situées au centre, qui a pour effet d’injecter de la poussière dans le vent de gaz en rapide expansion.
Mais le problème, c’est justement la différence de vitesse d’expansion entre les vents stellaires qui est calculée à partir des formes observées et la vitesse de la poussière : un facteur 6 entre les deux… Pour expliquer ces émissions de particules si rapides, ou cette vitesse de poussière si lente, les astrophysiciens estiment qu’au moins l’une des deux étoiles tournerait sur elle-même très rapidement et serait sur le point de rompre. La chose surprenante avec Apep, c’est que généralement, les étoiles les plus massives, vers la fin de leur vie, produisent des vents rapides qui peuvent atteindre plus de 1000 km/s et qui emportent ainsi de grandes quantités de masse et d’énergie rotationnelle, ce qui doit ralentir la rotation de l’étoile bien avant son effondrement final. Mais ce ne serait pas le cas ici où la vitesse de rotation semble atteindre la vitesse critique.Ils parviennent à cette conclusion en observant que la vitesse d’éjection de matière est plus importante et rapide aux pôles qu’à l’équateur.
Les étoiles de Wolf-Rayet sont classiquement des étoiles très massives qui arrivent à la fin de leur vie et sont vouées à se transformer en supernova. Mais la rotation rapide d’une telle étoile devrait ajouter du piment dans l’explosion. Les chercheurs estiment en effet qu’un tel cataclysme conduirait à la production d’une longue bouffée de rayons gamma, un GRB long (long gamma-ray burst) accompagnant la supernova. Ce phénomène, prédit théoriquement, vient du fait qu’au moment de l’effondrement gravitationnel, quand l’étoile en rotation très rapide ne peut plus fusionner son cœur de fer, le collapse aurait lieu d’abord au niveau des pôles avant d’avoir lieu au niveau de l’équateur.
Nous avons déjà connu de mémoire d’hommes des supernovas dans notre Galaxie, a relativement faible distance, mais encore jamais de bouffée de rayons gamma (qu’elles soient longues ou courtes), les seuls spécimens qui sont observés provenant de galaxies lointaines. Les astrophysiciens ne peuvent pas être certains de l’avenir du système Apep. Il est possible que l’étoile ralentisse et finisse par exploser « normalement », sans ajouter un faisceau de rayons gamma. Mais si ce n’est pas le cas en revanche, 8000 années-lumière pourraient ne pas être suffisantes pour n’avoir aucune conséquence sur Terre si le faisceau de la bouffée gamma se trouvait dans notre direction… En attendant, il nous reste encore nos yeux pour admirer cette magnifique nébuleuse de gaz et de poussières d’une élégance rare et dangereuse.

Source
Anisotropic winds in a Wolf–Rayet binary identify a potential gamma-ray burst progenitor
J. R. Callingham, P. G. Tuthill, B. J. S. Pope, P. M. Williams, P. A. Crowther, M. Edwards, B. Norris & L. Kedziora-Chudczer
Nature Astronomy (19 november 2018)


Illustrations 
1) Image de Apep obtenue dans l'infra-rouge à la longueur d'on de de 8 microns avec la caméra VISIR du VLT (P. Tuthill/Université de Sydney/ESO)

2) Simulation de l'évolution de la forme de la nébuleuse de Apep sur une la durée d'une demi-révolution entre les étoiles principales, soit 60 ans (Université de Sydney)

2 commentaires:

  1. Bonjour Eric,
    L'analyse des volutes de gaz peut-elle nous dire si on se trouve bien dans l'axe de rotation?
    A vue de nez, on ne doit pas en être très loin...

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  2. Ce qui est sûr, c'est qu'on peut connaître l'axe de rotation, à partir de la reproduction fidèle de la simulation. Après, est-ce que cet axe correspond à l'axe de visée, je ne saurais le dire, les effets de projection sont parfois trompeurs...

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