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samedi 29 décembre 2018

Un nouveau mécanisme pour expliquer les supernovas Ia faiblement lumineuses


Les supernovas de type Ia ont pour origine l'explosion thermonucléaire de naines blanche Carbone-Oxygène qui ne laissent rien derrière elles hormis un résidu nébuleux de matière enrichie en éléments lourds. Mais il existe une variété de supernovas Ia (estimées entre 5% et 30%) qui montre une luminosité très faible (appelées SN Iax) et dont l'origine est mal comprise. Des astrophysiciens américains, indiens et espagnols proposent une réponse à cette énigme.




Les supernovas Ia de très faible luminosité sont pensées être des détonations ratées de naines blanche Carbone-Oxygène. Par "détonation ratée", on entend un processus d'explosion thermonucléaire très partiel, qui n'aurait pas atteint toute l'étoile naine blanche, une sorte de pétard mouillé. 
Rahul Kashyap (université du Massachussetts) et ses collaborateurs publie cette semaine leur étude dans The Astrophysical Journal. Ils proposent un mécanisme qui permet de reproduire cette détonation ratée dans les étoiles naines blanches Carbone-Oxygène (CO). On le sait, pour qu'une telle naine blanche explose en supernova, elle doit vivre en couple avec une autre étoile et gagner de la masse d'une façon ou d'une autre en arrachant de la matière à sa compagne ou en fusionnant avec elle, pour passer de typiquement 1 masse solaire à la masse limite au-delà de laquelle elle ne peut plus être stable (la limite de Chandrasekhar de 1,44 masses solaires). La compagne peut être une étoile normale ou géante (dans le cas de l'accrétion de matière) , ou bien une autre naine blanche (dans le cas d'une fusion).
Depuis une dizaine d'années, plusieurs scénarios ont été envisagés pour expliquer les SN Iax, on peut mentionner l'accrétion d'hélium par une naine blanche produisant une fusion partielle sans destruction de l'étoile, ou encore l'accrétion de matière par une naine blanche Oxygène-Néon (ONe) jusqu'à une valeur proche de la limite suivie par une déflagration décentrée. Enfin, des astrophysiciens ont trouvé début 2018 en analysant les populations d'étoiles binaires, que les fusions de naines blanches ONe et CO durant une évolution en enveloppe commune devaient avoir un taux d'occurence bien plus faible que les SN Ia normales mais pouvaient quand même jouer un rôle dans les SN particulières.

Kashyap et ses collègues se sont donc placés dans ce cadre d'un couple de naines blanches, qu'on appelle le canal "double-dégénéré". Ils ont effectués des simulations numériques en 3 dimensions d'un couple de naines blanches qui comporte une naine blanche Carbone-Oxygène (CO) de 1,1 masses solaires composée de 40% de C et 60% de O, et une naine blanche Oxygène-Néon (ONe) de 1,2 masses solaires composée de 80% de O et 20% de Ne. L'élément important que montrent les chercheurs est que la matière chaude de la naine blanche CO arrachée par la force de marée dans l'interaction avec sa compagne ONe est susceptible de produire une détonation thermonucléaire, alors que l'inverse n'est pas vrai. Si c'est la matière de la naine blanche ONe qui est accrétée par la naine blanche CO, aucune détonation ne se produit.
Ce que montrent les astrophysiciens, c'est qu'une telle interaction entre les deux naines blanches peut mener à une détonation ratée typique de ce qu'on attendrait dans une supernova Iax. Leurs simulations montrent que cette fusion-destruction résulte en une éjection d'une petite quantité de masse (0,08 masse solaire) et laisse derrière elle une grosse naine blanche ONe de 2,22 masses solaires dont la richesse en oxygène l’empêche d'exploser et qui acquiert une forte impulsion, un "kick" (elle gagne une grande vitesse de recul). Et cette naine blanche ONe se retrouve enrichie par les éléments de la naine CO disloquée et en partie brûlée par fusions thermonucléaires.
Visuellement, le résultat de ce scénario est une augmentation de luminosité transitoire faible et qui décroit très vite, avec une faible quantité produite de 56Ni à même de maintenir la courbe de luminosité, cohérente avec les observations des SN Iax.
Rahul Kashyap et ses collaborateurs estiment qu'une fusion de naines blanches ONe-CO est la solution naturelle qui permet d'expliquer les phénomènes transitoires qui ressemblent à des supernovas Ia, mais qui seraient ratées. Mais il se trouve que les SN Iax les plus faiblement lumineuses observées à ce jour, SN 2008ha et SN2010ae étaient encore plus lumineuses que ce que donnent les simulations de Kashyap et al. Les astronomes en concluent que les naines blanches ONe devraient être plus massives que ce qu'ils ont considéré dans leurs calculs, ce qui permettrait d'augmenter la luminosité finale et la durée de l'événement transitoire.


Source

Double-degenerate Carbon–Oxygen and Oxygen–Neon White Dwarf Mergers: A New Mechanism for Faint and Rapid Type Ia Supernovae
Rahul Kashyap, Tazkera Haque, Pablo Lorén-Aguilar, Enrique García-Berro, and Robert Fisher
The Astrophysical Journal, Volume 869, Number 2 (19 december 2018)


Illustrations

1) Visualisation de la densité de l'éjecta produit après 60 s, une asymétrie est clairement visible (Kashyap et al.)
2) Evolution hydrodynamique du système binaire dans les 60 premières secondes de l'accrétion/fusion (Kashyap et al.)

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