La vitesse de rotation d'un trou noir a pu être mesurée assez précisément grâce à l'observation du rayonnement X des débris d'une étoile déchirée par le trou noir. Une rotation flashée à 70% de la vitesse de la lumière...
ASASSN-14li est le nom d'un événement transitoire qui a été observé le 22 novembre 2014 par le réseau de télescopes All-Sky Automated Survey for Supernovae (ASASSN). Il s'agissait de la destruction d'une étoile qui est passée trop près d'un trou noir, situé au coeur d'une galaxie à 290 millions d'années-lumière.
Les astrophysiciens se sont alors empressés de suivre l'évolution du phénomène avec différents télescopes, et notamment des télescopes spatiaux spécialisés dans les rayons X : Chandra, XMM-Newton et Swift, pour suivre les résidus de l'étoile spiralant vers le trou noir. Ce gaz tombant rapidement vers le trou noir en spiralant et en s'échauffant jusqu'à émettre des rayons X a permis à Dheeraj Pasham (MIT) et ses collaborateurs de mesurer un paramètre du trou noir très difficile à mesurer par d'autres moyens : sa vitesse de rotation.
Les chercheurs ont en effet observé une périodicité de l'émission de rayons X issue des débris stellaires, qui montre une évolution du flux quasi-périodique, avec une période de 131 secondes seulement, soit une fréquence de 7,65 mHz et ils ont très vite pensé qu'il pouvait s'agir de la rotation du gaz à proximité immédiate de l'horizon du trou noir.
Les chercheurs évaluent tout d'abord la taille du trou noir supermassif : sa masse est comprise entre 600 000 et 12 millions de masses solaires, ils la déduisent de relations empiriques comme la masse de du bulbe de sa galaxie hôte et sa luminosité dans diverses longueurs d'ondes, et en appliquant une relation d'échelle.
A partir de cette plage de masse pour le trou noir de ASASSN-14li, les astrophysiciens comparent la fréquence du signal quasi-périodique observé en rayons X de 7,65 mHz avec les fréquences de mouvements possibles d'une masse-test qui serait en orbite d'un trou noir en rotation dans une métrique de Kerr. Ces fréquences sont déterminées par la masse du trou noir, sa rotation et la distance radiale de la zone d'émission de rayonnement.
Connaissant la masse du trou noir et cherchant la valeur de sa rotation, Dheeraj Pasham et ses collègues ont donc commencé par faire varier la distance radiale de leur masse-test pour reproduire la fréquence du signal qui est observée.
D'après la théorie de la Relativité Générale, il existe une distance caractéristique autour d'un trou noir qui est appelée la dernière orbite stable (ISCO en anglais : Innermost Stable Circular Orbit), en dessous de laquelle la moindre perturbation sur la matière accrétée la fait inéluctablement tomber dans le trou. Cette ISCO dépend au premier ordre de la rotation du trou noir et est égale au minimum à 3 fois le rayon de l'horizon.
Pasham et ses collègues montrent dans l'article qu'ils publient dans Science aujourd'hui que même en se plaçant à cette distance la plus proche, les seules solutions qui sont compatibles avec la fréquence de rotation de 7,65 mHz sont celles où la rotation du trou noir est très élevée, avec un paramètre de rotation a* égal à 0,7 dans le cas où le trou noir a une masse de 600 000 masses solaires et supérieur pour une masse plus grande. Le paramètre sans dimension a∗ est égal à Jc/GM² où J le moment angulaire du trou noir, a* est un paramètre qui ne peut pas dépasser la valeur de 0,998. Le paramètre de rotation du trou noir a* est calculé par les chercheurs à partir du moment angulaire déduit de la fréquence de rotation du rayonnement X à une distance radiale donnée, et en fonction de la masse du trou noir : plus la masse augmente, plus le moment angulaire augmente (et il augmente plus vite que le carré de la masse), ce qui a pour effet de faire croître a* jusqu'à la valeur maximale théorique pour les masses de trou noir les plus élevées.
La rotation du trou noir au cœur de l'événement ASASSN-14li a donc été mesurée au minimum à 70% de la vitesse de la lumière grâce à la destruction d'une étoile qui lui est passé un peu trop près. D'autres événements de destructions d'étoiles par des trous noirs devraient être suivis de près de la même façon pour en tirer les paramètres fondamentaux de ces monstres.
Source
A loud quasi-periodic oscillation after a star is disrupted by a massive black hole
Dheeraj R. Pasham et al.
Science (09 Jan 2019)
Illustrations
1) Vue d'artiste de la proximité de l'horizon d'un trou noir accrétant une étoile déchirée (NASA)
2) Image composite de ASASSN-14li (rayons X: NASA/CXC/MIT/D. Pasham et al: Visible : HST/STScI/I. Arcavi)
Bonjour
RépondreSupprimerInteressant, mais une vitesse de rotation est normalement exprimée en [angle].[temps]^-1, et la vitesse de la lumière en [longueur].[temps]^-1, donc est-il logique de dire que « la vitesse de rotation du trou noir est au moins égale à 0,70 fois la vitesse de la lumière » ? Ça n’est pas homogène...
A+
Fred
Bonjour,
RépondreSupprimerJe me suis fait la même reflexion : j'ai supposé qu'il s'agissait de la vitesse équatoriale de l'horizon des événements ?
Le paramètre de spin de quelques trous noirs stellaires (d'une dizaine de Mo) a déjà été estimé par le spectre d'émission de binaires X, avec des valeurs élevées. ( cf Mc Clintock, Narayan, Shafee Estimating the spins of stellar-mass black homes in Black Holes Space Telescope Science Institute, 2007)
les astrophysiciens comparent la fréquence du signal quasi-périodique observé en rayons X de 7,65 mHz
RépondreSupprimerC'est l'ordre de grandeur des fréquences radio, pas celle de rayons X.
@Didier : la fréquence de 7,65 mHz n'est pas celle des rayons X, c'est la fréquence associée au mouvement de la source de rayons X, qui tourne autour du trou noir.
RépondreSupprimer@Didier
RépondreSupprimerOn parle de milli hertz, pas de méga hertz.
Méga s'écrit avec un M majuscule.