Une équipe d'astrophysiciens vient de découvrir l'existence de deux zones de gaz surchauffé s'étendant sur 500 années-lumière de part et d'autre du disque galactique. Elles sont situées exactement à la base de ce qu'on appelle les Bulles de Fermi, ces vastes étendues d'émission gamma qui reflètent probablement une activité passé du trou noir de notre galaxie Sgr A*.
Il aura fallu à la fois le télescope spatial américain Chandra et l'européen XMM-Newton avec pas moins de 750 heures d'observations cumulées pour bien caractériser cette découverte. Aujourd'hui, l'activité de Sgr A* est quasi nulle. Il se manifeste seulement par une émission assez intense d'ondes radio provenant de sa proximité immédiate, associé à une très faible émission de rayons X parfois accompagnée de petits sursauts visibles en infra-rouge.
Mais cela n'a pas dû toujours être le cas, comme l'a révélé le télescope spatial Fermi-LAT en 2010 lorsqu'il permit de découvrir l'existence de très vastes régions quasi sphériques s'étendant sur plus de 20000 années-lumière de part et d'autre du plan galactique. Ces zones ont pu être expliquées par une activité intense du trou noir central qui aurait eu lieu il y a environ 10 millions d'années.
A partir de 2016, Gabriele Ponti (Max-Planck-Institut für Extraterrestrische Physik, Garching) et ses collaborateurs français, russes et américains ont cherché à comprendre l'origine des Bulles de Fermi en cartographiant la base de ces étendues, juste au dessus et en dessous du disque galactique. Ils ont pour cela utilisé Chandra et surtout XMM-Newton pour cartographier l'émission X sur une grande étendue. La carte qu'ils produisent couvre une surface de 1800 par 1500 années-lumière. Elle révèle la présence de deux zones ressemblant à des cheminées de gaz extrêmement chaud (du plasma, dont la température atteint 8 millions de kelvins, assez chaud pour rayonner en rayons X). Il s'agit de structures qui prennent la forme de deux cylindres qui semblent s'échapper du centre de la Galaxie, perpendiculairement au disque galactique. Mais surtout, ces deux "cheminées" se trouvent presque exactement dans l'axe des Bulles de Fermi.
Des précédentes observations toujours en rayons X avaient identifié deux lobes beaucoup plus petits, de l'ordre de 15 années-lumière de hauteur de part et d'autre du disque. Les cheminées viennent relier apparemment ces petits lobes, en dessous, aux bulles de Fermi qui semblent prendre naissance environ 400 années-lumière au dessus du centre galactique.
Selon les chercheurs, qui publient leur découverte dans Nature aujourd'hui, ces cheminées de plasma chaud doivent agir comme des canaux par lesquels transite l'énergie en provenance du centre galactique et qui aurait alimenté les Bulles de Fermi. Il reste néanmoins quelques incertitudes sur l'origine exacte de cette énergie : activité de Sgr A*, explosions de supernovas, vents stellaires intenses ? Il se pourrait ainsi que l'explosion de nombreuses supernovas, dont la quantité doit être importante vers le centre de la Galaxie, ou encore le vent stellaire cumulé de nombreuses étoiles massives elles aussi nombreuses dans la très riche région centrale de la Voie Lactée, puissent alimenter les cheminées de gaz chaud observées par un apport d'énergie constant ou intermittent.
Les astrophysiciens montrent par exemple que ces structures (petits lobes et cheminées) peuvent être le résultat de processus différents qui n'auraient pas de lien direct entre eux. Il pourrait exister par exemple deux populations distinctes d'étoiles massives, ou une distribution non uniforme, qui produirait des flux de matière séparés : un petit très proche de Sgr A* qui formerait les petits lobes et un autre plus ample et plus haut, qui formerait les cheminées. Mais la morphologie des cheminées laisse aussi penser qu'elles auraient pu être creusées par des flux intenses de matière issus de supernovas
Dans ce scénario impliquant des supernovas, le trou noir Sgr A* ne jouerait qu'un rôle secondaire. Mais il aurait aussi pu jouer le premier rôle au vu de la morphologie de la région centrale de la Galaxie. Une accumulation de destructions d'étoiles par le trou noir (des destructions par effet de marée gravitationnelle) aurait pu résulter en de violentes bouffées d'énergie et de matière. Dans ce cas, les cheminées auraient joué le rôle de canaux de transfert entre le trou noir supermassif et les régions à faible pression et faible densité situées au dessus du disque galactique, facilitant l'apparition des Bulles de Fermi.
On le voit, les processus qui ont lieu ou qui ont eu lieu dans la région centrale de la Galaxie sont encore assez mal compris mais des observations toujours plus riches permettent de dévoiler petit à petit ce qui se passe là-haut à 26 000 années-lumière de nous, dans cet environnement turbulent, chaud et très énergétique. Les futures observations du centre galactique, qu'elles soient en rayons X ou en ondes radio permettront de poursuivre ces études vers une meilleure compréhension de l'origine (physique, spatiale et temporelle) des Bulles de Fermi et du fonctionnement de Sgr A*.
Source
An X-ray chimney extending hundreds of parsecs above and below the Galactic Centre
G. Ponti, F. Hofmann, E. Churazov, M. R. Morris, F. Haberl, K. Nandra, R. Terrier, M. Clavel & A. Goldwurm
Nature vol. 567 (21 march 2019)
Illustrations
1) Vue d'artiste des Bulles de Fermi (bleu) et des cheminées les connectant au centre galactique (zoom, en orange) (M. Chernyakova /Nature)
2) Image en rayons X obtenues avec XMM-Newton, les couleurs correspondent à l'énergie des photons X. Les cheminées sont indiquées par les pointillés. (Ponti et al./ Nature)
Bonjour Eric,
RépondreSupprimerExcusez-moi de poser une question aussi nulle, mais qui me tracasse depuis toujours:
Comment un nuage de gaz aussi chaud peut garder sa température dans un espace près du zéro absolu???
Moi, quand je laisse mon café une demi heure dans sa tasse, je le retrouve tiède. Bien sûr, dans l'espace, il n'y a pas de conduction thermique. Mais ce gaz, il ne rayonne pas???
dans le cas des nuages interstellaires, il n'y a ni conduction, ni convection. Il n'y a que le rayonnement qui permet de dissiper la chaleur. Le gaz rayonne bien sûr, c'est d'ailleurs grâce à ça qu'on le voit. L'énergie thermique rayonnée est faible par rapport à la chaleur interne du nuage de plasma, il y a donc une "durée de vie" à haute température importante, par ailleurs, la source d'excitation n'est pas forcément éteinte dans le cas qui nous intéresse ici.
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