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01/05/19

Encelade et Europe : des panaches d'eau qui montrent des différences


Les satellites Europe et Encelade, en orbite respectivement autour de Jupiter et de Saturne, ont un point commun, outre la nature de leur surface (de la glace d'eau) : ils semblent tous les deux émettre des panaches d'eau liquide au niveau d'un de leurs pôles à travers de larges fissures de leur croûte. Une observation en absorptiométrie UV qui avait été effectuée par la sonde Cassini sur le panache d'Encelade permet aujourd'hui de comparer les deux phénomènes et de montrer de grosses différences.




On se rappelle que les panaches d'Encelade avait été découverts par la sonde Cassini peu de temps après son arrivée aux abords du satellite Saturnien, en imagerie directe. Mais Cassini était également équipée d'un imageur spectrographe UV appelé UVIS (UltraViolet Imaging Spectrograph). Un moyen pour quantifier la masse d'eau expulsée par Encelade est de regarder avec quelle intensité la lumière située en arrière plan du panache serait absorbée dans le domaine des UV. Pour se retrouver dans une telle configuration, rien de plus simple, il suffisait de positionner la sonde de telle manière à ce que le disque de Saturne se trouve exactement derrière Encelade du point de vue de la sonde. En observant ainsi un transit de Encelade devant Saturne et en observant une zone située juste en dessous du pôle sud du satellite, Cassini pouvait mesurer comment étaient absorbés les photons UV de 1,216 nm (la raie de l'hydrogène Lyman alpha). 


Candice Hansen (Planetary Science Institute) et ses collègues n'ont pas choisi cette méthode par hasard. Ils savaient qu'une méthode tout à fait identique avait été utilisée plusieurs années auparavant avec Europe, observé en transit devant Jupiter par le télescope Hubble. Cela avait permis de déterminer la quantité d'eau relâchée dans l'espace par le panache du satellite de Jupiter. Ils pourraient donc comparer les deux mesures facilement pour en extraire d'éventuelles différences sur les panaches des deux satellites et leur origine. Les planétologues publient leurs résultats aujourd'hui dans la revue Icarus.

Les mesures par Hubble de la quantité d'eau éjectée par Europe avaient donné des valeurs comprises entre 1400 tonnes et 6600 tonnes (étude de 2016) puis 5400 tonnes (étude de 2017). Ici, concernant les panaches d'Encelade, la masse d'eau qui est déduite de l'absorption de la raie Lyman alpha par Hansen et ses collègues ne vaut "que" 30 tonnes! Les panaches d'Encelade seraient donc environ 100 fois moins massifs que ceux d'Europe... 
Il existe aussi quelques autres petites différences entre les deux éjections d'eau : les observations de l'instrument UVIS de Cassini indiquent que le taux d'émission d'eau dans ses panaches est quasi constant, avec environ 200 kg/s de molécules d'eau éjectées. A contrario, les panaches de Europe sont eux sporadiques avec une apparition seulement 17% du temps.

Une autre différence concerne la vitesse des panaches : alors que sur Europe (qui est 6 fois plus gros qu'Encelade) la hauteur des geysers est comprise entre 50 km et 200 km, ceux d'Encelade atteignent 80 km. Ils ont donc une étendue comparable, mais la gravité de surface d'Europe (1,31 m/s²) est beaucoup plus (10 fois plus) importante que celle d'Encelade  (0,113 m/s²), ce qui signifie d'après Hansen et ses collègues que les "éruptions" sont beaucoup plus véloces sur Europe qu'elles ne le sont sur Encelade. Cette différence de vitesse d'éjection fait dire aux planétologues que la source qui est à l'origine de ces panaches doit être probablement légèrement différente. Comme l'origine générale de ces panaches d'eau liquide doit rester sensiblement la même, l'énergie induite par des phénomènes de déformation de marée à l'intérieur du noyau rocheux des satellites et de leur croûte de glace, Hansen et ses collègues concluent que la différence observée doit être produite par la façon avec laquelle cette énergie mécanique de déformation de marée gravitationnelle est à la fois stockée, puis relâchée dans les petits corps. Ces différences pourraient provenir selon eux de différences existant dans les structures de subsurface de la glace et à la façon dont la surface de glace réagit au stress mécanique.

Encelade et Europe ont certes des points communs, mais ils montrent aussi des différences sensibles qui peuvent être caractérisées très indirectement...


Source

Ultraviolet observation of Enceladus' plume in transit across Saturn, compared to Europa
C.J. Hansen et al.
accepté pour publication dans Icarus (30 avril 2019)


Illustrations

1) Les panaches d'Encelade imagés par Cassini en mode très rapproché (NASA/JPL-Caltech)

2) Images d'un transit d'Encelade devant Saturne, imagé par Cassini, la bande rouge au sud du satellite correspond à la zone d'observation de l'instrument UVIS (Hansen et al.)

3) Les panaches d'Europe détectés avec Hubble en 2014 et 2016 (NASA, ESA, W. Sparks (STScI), and the USGS Astrogeology Science Center)

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