Pages

samedi 24 août 2019

Du Fer-60 de supernova trouvé en Antarctique


Des chercheurs allemands ont trouvé un isotope rare du fer, le Fe-60, dans des couches de neige fraîches de l'Antarctique. Cet isotope ne peut avoir été produit que par une (ou plusieurs) supernova récente et indiquant que la Terre est en train de traverser le nuage de poussières de ses résidus. Ils publient leur étude dans Physical Review Letters.




Dominik Koll (Tecknische Universität München, Allemagne) et ses collègues ont collecté 500 kg de neige à la station Kohnen, de la neige qui s'était accumulée depuis moins de 20 ans sur la surface de la calotte Antarctique. De retour au laboratoire, ils l'ont fait fondre puis l'ont filtré pour recueillir les petits grains solides qui y étaient présents. Après incinération et passage au spectromètre de masse, qui permet d'identifier la masse des atomes présents dans la phase gazeuse, les chercheurs trouvent non seulement du 60Fe, mais aussi du 53Mn (manganèse-53). Le 53Mn est créé quand des rayons cosmiques interagissent sur les noyaux de 60Fe dans un nuage de poussières interstellaires. Mais les chercheurs calculent le ratio entre Fe-60 et Mn-53 et obtiennent une valeur très élevée (0,017), beaucoup plus élevée que la valeur de production cosmogénique que l'on peut par exemple mesurer sur des météorites. Cela fait dire aux physiciens que cette poussière interstellaire a été enrichie en Fe-60 par l'explosion d'au moins une supernova récente. La période de décroissance radioactive (demie-vie) du Fe-60 est en effet de 2,62 millions d'années et celle du Mn-53 de 3,74 millions d'années, donc assez proches l'une de l'autre. Une forte différence d'abondance de l'un des deux isotopes implique donc un apport significatif depuis moins de 10 fois sa demie-vie radioactive, sinon, ce surplus ne serait pas visible. La supernova à l'origine de cet enrichissement en Fe-60 a donc du exploser il y a moins de 25 millions d'années selon les chercheurs. 

Koll et ses collaborateurs ont calculé le flux total de Fe-60 arrivant sur Terre que cela devait faire et ils obtiennent une valeur cohérente avec celle qui avait pu être déduite de mesures antérieures sur des dépôts de poussières interstellaires dans le fond des océans ou bien sur le sol de la Lune. Ils ont bien sûr calculé quel niveau de Fe-60 pouvait avoir été produit par l'activité humaine depuis 1945 (bombes ou centrales nucléaires) et montrent que cette contribution est négligeable.

Le fait d'avoir trouvé ces quelques atomes de Fe-60 dans une couche de neige de moins de 20 ans signifie que la Terre traverse actuellement un nuage interstellaire qui comporte de tels résidus de supernova. Celle-ci doit donc nécessairement avoir explosé dans notre voisinage proche.
Or, il se trouve que notre système solaire est entré dans un nuage de gaz il y a environ 40 000 ans (le Local Interstellar Cloud) et devrait en sortir d'ici quelques milliers d'années. Si c'est bien ce nuage qui est en cause, la recherche de Fe-60 (ou d'autres isotopes caractéristiques) dans des carottes de glaces plus vieilles que 40 000 ans devrait être infructueuse. La glace plus vieille que le moment où la Terre est entrée en contact avec le nuage "contaminé" en résidus de supernova devrait être vierge de Fe-60. Cette découverte serait une preuve éclatante de la transition du système solaire vers les nuages de gaz qui l'entourent. Les chercheurs allemands sont déjà sur le coup.

Source

Interstellar 60Fe in Antarctica
D. Koll, G. Korschinek, T. Faestermann, J. M. Gómez-Guzmán, S. Kipfstuhl, S. Merchel, J. M. Welch
Physical Review Letters 123 (12 August 2019)


Illustrations

1) La station Kohnen en Antarctique (S. Kipfstuhl/Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research)

2) Illustration des nuages de gaz dans le voisinage proche du système solaire  (10 parsecs) (NASA/Goddard/Adler/U. Chicago/Wesleyan)

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    La SN à l'origine du fer 60 n'a peut-être pas explosé si près de nous ; à la vitesse propre du soleil, environ 15 km/s, on parcourt plus de 1000 AL en 25 millions d'années ; de plus notre vitesse de traversée du nuage et son étendue suggèrent une vitesse relative plus importante... D'un autre côté 25 millions d'années n'est qu'une limite supérieure.

    RépondreSupprimer

Merci !