Pourquoi les jeunes amas globulaires d'étoiles que l'on voit dans le Grand Nuage de Magellan sont très compacts alors que les vieux peuvent avoir aussi bien des coeurs très petits ou bien beaucoup plus grands ? Cette question que se posent les astrophysiciens depuis plusieurs dizaines d'années vient de trouver une réponse grâce à des observations effectuées par des chercheurs italiens avec le télescope spatial Hubble, une découverte publiée hier dans Nature Astronomy.
Francesco Ferraro (Université de Bologne) et ses collègues sont parvenus à démontrer que la diversité en taille qui est observée chez les vieux amas globulaires est déterminée par leur évolution dynamique interne, alors que l'on pensait auparavant, à tort, qu'ils se formaient sous forme très dense et compacte au départ puis subissaient une inéluctable expansion dans le temps. On ne comprenait donc pas pourquoi il pouvait encore exister des vieux amas très denses.
Les amas globulaires, rappelons-le, sont des groupes de centaines de milliers d'étoiles, parfois un million, qui forment des structures sphériques compactes. Les multiples interactions gravitationnelles entre leurs étoiles en font des systèmes évolutifs, pouvant modifier leur structure dans le temps. C'est ce qu'on appelle l'"évolution dynamique".
Le Grand Nuage de Magellan, galaxie satellite de la Voie Lactée située à 160 000 années-lumière, possède de nombreux amas globulaires d'un peu tous les âges, ce qui la différencie de notre galaxie, qui elle, arbore des amas globulaires qui sont tous très veux, plus de 10 milliards d'années. La distribution en taille des amas globulaires du Grand Nuage de Magellan est restée un mystère depuis très longtemps. Pour les étudier, Ferraro et ses collègues se sont focalisés sur une certaine catégorie d'étoiles qu'on appelle des "traînardes bleues", des vieilles étoiles revigorées par une apport de matière qui les fait augmenter sensiblement leur luminosité et augmente leur température de surface, les transformant en géantes bleues. Cela peut arriver lors de collision entre étoiles ou bien par accaparement de matière d'une voisine.
Etant plus massives que les autres étoiles plus sages de l'amas, les traînardes bleues se concentrent progressivement vers le centre de l'amas globulaire, un peu à l'image d'un phénomène de sédimentation. Ces étoiles deviennent alors d'excellentes "particules gravitationnelles" comme les appellent les astrophysiciens, qui leur permettent de sonder l'intensité de l'évolution dynamique interne dans les amas.
Francesco Ferraro et ses collaborateurs ont sélectionné cinq vieux amas globulaires du même âge (leur âge chronologique : 13 milliards d'années), mais ayant des tailles de coeur très différentes, dans l'ordre croissant de densité : NGC 1841, Hodge 11, NGC 2257, NGC 1466, et NGC 2210.
En étudiant comment se répartissent les traînardes bleues, les astronomes italiens parviennent à classer ces amas en termes d'évolution dynamique atteinte et ils arrivent à la conclusion que des amas globulaires ayant le même âge chronologique peuvent avoir un âge dynamique très différent, et c'est uniquement dû au fait qu'ils ont connu une évolution dynamique différente.
Ils montrent que les étoiles massives tendent à se retrouver progressivement vers la région centrale de l'amas, le "coeur" de l'amas globulaire, tandis que les étoiles plus légères peuvent s'en échapper. On assiste alors à ce qui ressemble à une contraction du coeur de l'amas, sur différentes échelles de temps, mais le phénomène va fortement dépendre des conditions initiales et de l'environnement et très peu du temps écoulé.
Une fois compris ce qui se passe avec les vieux amas globulaires et que leur structure est peu dépendante de leur âge réel, Francesco Ferraro et ses collègues tentent de comprendre pourquoi il y a si peu d'amas globulaires jeunes ayant un coeur de grande taille dans le Grand Nuage de Magellan. Ils pensent que ce serait dû au fait que les seuls qui auraient survécus jusqu'à maintenant sont justement ceux qui possèdent un coeur dense, les autres avec un coeur de grande taille auraient été disloqués par les interactions gravitationnelles de la galaxie hôte...
Mais, malgré une meilleure compréhension de l'évolution des amas globulaires dans le Grand Nuage de Magellan, une nouvelle question est posée par les chercheurs : pourquoi les amas globulaires qui se ont formées dans les 3 dernières milliards d'années sont tous des amas de relativement faible masse ? La réponse reste ouverte...
Source
Size diversity of old Large Magellanic Cloud clusters as determined by internal dynamical evolution
Francesco Ferraro et al.
Nature Astronomy (09 September 2019)
Illustration
NGC 1466 imagé par Hubble, un des amas globulaires observés dans cette étude. Il est âgé de 13,1 milliards d'années et possède environ 140 000 étoiles (NASA/ESA)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci !