Des nouvelles analyses des données enregistrées par l'analyseur de poussières de la sonde Cassini lors de ses passages rapprochées des geysers de vapeur et de glace d'Encelade montrent la présence de molécules organiques très intéressantes pour les exobiologistes : des molécules précurseurs d'acides aminés : composés oxygénés, azotés et aromatiques. Une étude parue il y a quelques jours dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Nozair Khawaja (Université libre de Berlin) et ses collaborateurs ont exploité les données de l'instrument CDA (Cosmic Dust Analyzer) de Cassini lorsque cette dernière s'est attardée dans l'anneau E de Saturne qui est peuplé des grains de glace relâchés par les panaches de Encelade. L'analyseur de poussière de Cassini est un spectromètre de masse miniature qui fournit la composition des grains de poussières qui sont collectés.
La même équipe de planétologues avaient déjà identifié l'année dernière des composés organiques complexes et insolubles qu'ils avaient estimé devoir flotter à la surface de l'océan liquide, à la frontière avec la couche de glace d'Encelade.
Les caractéristiques spectrales des grains de glace "salis" par des composés organiques sont clairement attribuables à des composés de faible masse : des molécules comportant de l'azote, de l'oxygène et du carbone sous forme cyclique (aromatique). Par comparaison avec des données de l'autre instrument d'analyse de Cassini, le INMS (Ion and Neutral Mass Spectrometer), les chercheurs identifient ce qu'on appelle des amines de faible masse : du méthyl-amine, du diméthyl-amine et de l'éthylamine, ainsi que des carbonyles (dont l'acide acétique et l'acétaldéhyde sont les plus probables)
La composition des grains de glace en composés organiques varie d'un grain à l'autre mais peut atteindre quelques dizaines de millimoles.
Selon les planétologues ou astrochimistes, ces composés organiques auraient été dissout dans l'océan d'Encelade, se seraient évaporés efficacement une fois à sa surface puis se seraient retrouvés emprisonnés dans des grains de glace par adsorption de la vapeur. Ils auraient également pu, selon Khawaja et ses collaborateurs, entrer dans les grains de glace par la création d'aérosols à l’intérieur des grandes fissures de la couche de glace d'Encelade.
L'océan de subsurface d'Encelade est en contact avec le coeur rocheux du petit satellite, où se développe une activité hydrothermale qui est induite par les effets de marée internes que provoque Saturne. L'eau pourrait y approcher une température de 90°C au niveau du plancher océanique.
Ce qui est sûr, c'est que ces amines, carbonyles et autres composés aromatiques sont des précurseurs idéaux de composés organiques biologiques (des acides aminés, les briques du vivant) tels que ceux produits par synthèse hydrothermale avec un catalyseur minéral (la synthèse biochimique dite de Friedel-Crafs). Et le plancher océanique d'Encelade est le lieu idoine pour ça.
L'océan de subsurface d'Encelade apparaît donc bien comme un véritable bouillon de culture où se retrouvent de nombreux composés organiques, briques des molécules complexes du vivant, ce qui laisse la porte toujours plus grande ouverte à de nombreux fantasmes, y compris lorsque l'on apprend par ailleurs que les panaches d'Encelade se retrouvent rapidement dans la haute atmosphère de Saturne, donc ensemencée par son petit satellite bouillonnant...
Source
Low-mass nitrogen-, oxygen-bearing, and aromatic compounds in Enceladean ice grains
N Khawaja et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 489, Issue 4, (November 2019),
Illustration
Schéma de la diffusion de molécules organiques de l'océan d'Encelade vers l'espace à travers les fissures de la croûte de glace (NASA / JPL-Caltech)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci !