Pour la première fois, une source de rayons X provenant d'une zone de formation stellaire d'une jeune galaxie a été observée grâce à l'effet d'amplification d'une lentille gravitationnelle. Une étude parue dans Nature Astronomy.
L'effet de lentille gravitationnelle a été couramment utilisé depuis une bonne dizaine d'années pour étudier les toutes premières galaxies de l'Univers, dans ces quelques premiers milliards d'années. Mais jusqu'à aujourd'hui, ce qui était observé dans ces phénomènes de lentille, sous la forme de galaxies très déformées, voire dédoublées, et amplifiées, c'étaient des rayonnements UV, visible, infra-rouge et radio. Les études par lentille gravitationnelle de jeunes galaxies en train de former quantité d'étoiles n'avaient encore jamais été menées avec des rayons X. Et bien c'est désormais chose faite grâce à cette étude menée par une collaboration internationale d'astrophysiciens à majorité américains.
Matthew Bayliss (MIT) et ses collaborateurs ont utilisé le télescope spatial Chandra, spécialisé dans la détection des rayons X et l'ont pointé vers un objet astrophysique incongru : un arc, qui correspond à une image dédoublée et très déformée d'une lointaine galaxie. Cette image fantôme est produite par le puits de potentiel gravitationnel d'un amas de galaxies bien plus proche et presque sur la même ligne de visée : l'amas du Phénix (SPT-CLJ2344-4243), situé à 5,7 milliards d'années-lumière.
La petite galaxie se situe à un moment de l'histoire cosmique situé 4,4 milliards d'années après le Big Bang. Elle est en train de produire des étoiles très massives, la première génération d'étoiles, qui brillent donc en partie dans le domaine des rayons X.
La difficulté vient du fait que l'amas de galaxie qui produit la déflection de la lumière en distordant l'espace-temps autour de lui émet lui aussi beaucoup de rayons X. Déceler les rayons X venant de l'arc galactique très fin dans un fond très brillant d'avant plan n'était pas chose aisée. La méthode a consisté à soustraire la composante de rayons X venant de l'amas-lentille. Pour cela, ils ont déduit quelle devrait être l'émission de rayons X de l'amas à partir des émissions dans le visible et dans l'infra-rouge. Ils ont donc collecté des données dans ces longueurs d'ondes avec la télescope spatial Hubble et le télescope chilien Magellan. Une fois l'émission de rayons X modélisée, il l'ont soustraite des images de Chandra (correspondant à 150 heures d'observation continue) où l'on voit en même temps l'amas du Phénix et l'arc de la galaxie lointaine, et c'est alors que sont apparues deux sources dans l'arc, avec en tout seulement 31 photons d'énergie comprise entre 0,5 et 7 keV, qui correspondaient à la même image dédoublée d'une zone de formation intense d'étoiles massives dans la petite galaxie.
Le niveau d'amplification produite par la lentille gravitationnelle de l'amas du Phénix atteint un facteur 60. Chandra n'aurait donc rien vu sans cette lentille, ou bien il lui aurait fallu un temps d'exposition de plus d'un an...
Cette détection en rayons X dans cet arc géant issu d'une lentille forte est une avancée importante pour l'étude de la formation des premières étoiles massives et des premières binaires X (couples trou noir-étoile massive). L'étude de Matthew Bayliss et ses collaborateurs démontre que les télescopes X peuvent être utilisés avec des lentilles gravitationnelles comme pour les autres longueurs d'ondes, et peuvent donc repousser leurs limites pour améliorer significativement notre connaissance et notre compréhension des phénomènes astrophysiques de haute énergie qui se déroulaient dans le premier tiers de l'histoire de l'Univers.
Etant donné que l'arc géant situé à proximité de l'amas du Phénix a été découvert par hasard (il est très faiblement lumineux), cela signifie que des arcs beaucoup plus lumineux devraient être des cibles idéales pour obtenir des données précieuses en rayons X avec une bien meilleure statistique. Quant au futur télescope X Lynx de la NASA, prévu pour succéder à Chandra avec une sensibilité 100 fois plus grande, on imagine maintenant jusqu'où il pourra sonder les tréfonds de l'Univers...
Source
An X-ray detection of star formation in a highly magnified giant arc
Matthew Bayliss et al.
Nature Astronomy, (Oct. 14, 2019)
Illustrations
1) L'amas du Phénix, imagé par Hubble, l'arc géant se trouve à gauche de l'image (HST/McDonald)
2) Détail de la localisation de la source X dédoublée au sein de l'arc (Bayliss et al.)
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