Les premières images infra-rouge exceptionnelles de Io, le satellite très volcanique de Jupiter, qui ont été obtenues par la sonde Juno viennent d'être publiées par une équipe italo-américaine. Une étude à retrouver dans le journal de planétologie Icarus.
Alex Mura (Institut National d'astrophysique Italien) et ses collaborateurs américains et italiens ont traité les données de l'instrument JIRAM (Jovian InfraRed Auroral Mapper) de la sonde Juno lors de plusieurs orbites qui l'ont menée à proximité du satellite Jovien Io. JIRAM est à la fois un imageur et un spectromètre : il fait des images en infra-rouge et mesure la distribution spectrale des photons détectés. Il a été principalement conçu pour étudier l'atmosphère de Jupiter et ses aurores. Mais il peut aussi bien être utilisé pour étudier la surface des gros satellites de la géante gazeuse, et notamment ce satellite unique en son genre qu'est Io.
Io est unique car il possède une surface rocheuse constellée de volcans en activité. Des images en infra-rouge permettent ainsi de voir très nettement les sources de chaleur que sont ces volcans et même de suivre leur activité au cours du temps. C'est ce qu'a permis de faire Juno en faisant plusieurs passages à proximité du satellite.
Les observations décrites par les planétologues ont été utilisées pour caractériser non seulement la position, la morphologie, et la température des sources thermiques volcaniques mais aussi pour identifier la nature de matériaux et de gaz comme le dioxyde de soufre (SO2).
Alex Mura et ses collaborateurs obtiennent des images impressionnantes où l'on voit les nombreux volcans de Io qui ont une activité différentes selon les périodes à 2 mois d'intervalle. Ils détectent même de nouveaux volcans jusqu'alors non répertoriés, dont un situé très près du pôle sud de Io. L'intensité variable de certains points chauds est attribuée par les chercheurs à de nouvelles coulées de lave ou des arrêts de coulées.
Il faut dire que les observations des satellites galiléens deviennent de plus en plus favorables pour Juno car son orbite devient idoine et surtout parce que les autres objectifs prioritaires de la sonde ont été remplis pour la plupart. Lors de l'orbite 25 de début 2020, JIRAM offrira une vue de Io avec une résolution de 50 km, et elle pourrait encore être plus fine si la mission est prolongée au delà de 2021. Io sera survolé dans 50% des prochaines orbites de Juno, soit tous les 4 mois, de quoi observer des évolutions dans le temps et principalement au niveau des pôles du satellite qui sont difficilement observable depuis la Terre.
Les résultats publiés par Mura et ses collaborateurs ne sont ainsi que des résultats préliminaires qui vont s'enrichir dans les mois qui viennent.
Dans ces premières images et spectres, les chercheurs trouvent des étendues de SO2 ainsi que des mélanges H2O/SO2 et H2S/SO2. Ils observent également des raies d'absorption non identifiées à ce jour, comme une raie à 2,65 µm.
Les images spectrométriques infra-rouge de la surface de Io donnent une idée de la température des points chauds associés aux volcans : elle s'élève à plusieurs centaines de kelvins, et dans certains cas dépasse 1000 K. La température de ces points chauds obtenue par Juno est cohérente avec ce qui avait été mesuré par Galileo et son instrument NIMS en 2001, par New Horizons en 2007 lors de son passage en route vers Pluton, ainsi que par des télescopes terrestres à partir de 2002.
En termes de durée, à partir de trois orbites espacées de quelques mois, Mura et ses collègues peuvent dire que la majorité des points chauds ont une durée de vie d'au moins quelques mois. On sait déjà que la plupart des points chauds sont de grande durée de vie, certains étant actifs depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies (pour les points chauds situés aux basses latitudes, vers l'équateur). La grande force de Juno, outre d'observer de près le phénomène, c'est d'explorer les deux pôles de Io, où il pourrait se passer des activités un peu différentes de ce qui se passe à l'équateur.
Avec ces premières données, les planétologues ont du mal à analyser l'atmosphère de dioxyde de soufre de Io. Mais ils ne désespèrent pas de pouvoir faire une analyse du limbe atmosphérique avec JIRAM dans le futur, quand Juno s'approchera beaucoup plus près de Io et permettra une bien meilleure résolution spatiale.
Source
Infrared observations of Io from Juno
A.Mura et al.
Icarus, sous presse (26 december 2019)
https://doi.org/10.1016/j.icarus.2019.113607
Illustrations
1) Io imagé par l'instrument JIRAM de Juno lors des orbites 17 (21 décembre 2018, à gauche) et 18 (12 février 2019, à droite) (Mura et al.)
2) Image infra-rouge de Io lors de l'orbite 10 et schéma du terrain de Io (Mura et al.)
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