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samedi 19 septembre 2020

Encelade : Observation d'une activité géologique dans l'hémisphère Nord


Une équipe franco-américaine vient de publier une nouvelle cartographie de la surface de Encelade, le petit satellite de Saturne qui possède un océan liquide chaud sous sa croûte de glace. Cette mosaïque d'images qui permet de fournir une image de toute la surface de Encelade montre une forte hétérogénéité des terrains, bien sûr autour des fissures du pôle sud d'où sortent des émanations de l'océan, mais aussi dans l'hémisphère Nord... Une étude publiée dans le journal de planétologie Icarus.


La sonde Cassini possédait un spectromètre très performant appelé VIMS (Visual and Infrared Mapping Spectrometer). Il a été largement exploité entre 2004 et 2017 et notamment durant 23 passages rapprochés au dessus de Encelade. Ce sont toutes ces données qui ont été utilisées par Rozenn Robidel (Laboratoire de Planétologie et Géodynamique, CNRS, Université de Nantes) et ses collaborateurs français et américains pour produire ce que les chercheurs appellent une mosaïque globale hyperspectrale, c'est à dire la reconstruction de toute la surface de Encelade à partir de petits morceaux enregistrés à différentes longueurs d'ondes dans l'infra-rouge, des longueurs d'ondes caractéristiques du spectre de la glace d'eau puis corrélés avec des images dans le visible des régions correspondantes du satellite. La moindre variation de terrain se traduit par une variation spectrale. En observant à 8 longueurs d'ondes différentes, les plus petits changements de composition (épaisseur ou autre) peuvent ainsi être décelés et cartographiés. Robidel et son équipe ont étudié le comportement photométrique de la surface de Encelade aux longueurs d'onde suivantes : 1,35; 1,5; 1,65; 1,8; 2; 2,25 et 3,6 μm.

L'image qu'ils construisent (16 pixels par degré) révèle des zones hétérogènes importantes autour des "Tiger Stripes", les rayures de tigre de l'hémisphère sud, qui ne sont rien d'autre qu'un grand réseau de fissures profondes par lesquelles jaillissent des sortes de geysers d'eau salée, qu'avait amplement étudiés la sonde Cassini à nombreuses reprises. Cette activité géologique est donc très bien tracée par les données infra-rouge multispectrales. Et les chercheurs notent également une zone particulière de l'hémisphère nord, autour de 30°N, 90°W elle aussi sujette à des terrains non homogènes. Ces zones, selon les chercheurs, sont corrélées à des structures tectoniques, ce qui permet de les lier non pas à une source extérieure à Encelade, mais à une source endogène. 

 

La présence d'une zone de "resurfacing" dans l'hémisphère nord de Encelade est la grosse nouveauté apportée par cette étude. C'est une zone "jeune" géologiquement qui a dû être active encore récemment selon Robidel et ses collaborateurs. L'apport de glace "fraîche" aurait pu se faire via des jets de matière ou bien par mouvement plus graduel de glace via des fractures de la croûte depuis l'océan liquide jusqu'à la surface de la croûte, comme ce qui se passe actuellement au pôle sud. Les planétologues français et américains évoquent pour cette origine endogène des points chauds du plancher océanique sous-jacent. 
L'échauffement du plancher océanique de Encelade (par des déformations de marée incessantes) et la présence de cheminées hydrothermales sont les principales causes évoquées pour expliquer la présence des émanations de gains de glace et de vapeur à travers les fissures du pôle sud, révélant également une température agréable de l'océan de Encelade et la présence de composés salins et organiques. De tels point chauds pourraient donc exister un peu partout sur Encelade, les différences d'épaisseur de la croûte de glace faisant ensuite la différence sur ce qui peut être vu de la surface depuis l'orbite...

Source

Photometrically-corrected global infrared mosaics of Enceladus: New implications for its spectral diversity and geological activity
R.Robidel et al.
Icarus Volume 349 (October 2020)


Illustrations

1) Cartographie de la répartition de la glace "fraîche" (en rouge) sur la surface de Encelade  (NASA/JPL-Caltech/University of Arizona/LPG/CNRS/University of Nantes/Space Science Institute)

2) Image interactive de Encelade et ses hétérogénités (NASA/JPL-Caltech/University of Arizona/LPG/CNRS/University of Nantes/Space Science Institute)

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