Le réseau de radiotélescopes ALMA vient encore de nous offrir une jolie image d’un système stellaire en formation. Celui-ci s’avère particulier car il contient 3 étoiles et montre un disque de gaz et de poussières très déformé avec des anneaux de matière désalignés entre eux. Une étude parue dans Science.
Le trio d’étoiles GW Orionis est constitué d’un couple rapproché : les composantes A et B distantes d’une unité astronomique, et d’une troisième étoile (GW Ori C) qui orbite autour de ce couple à une distance de 8 unités astronomiques, le tout localisé à 1300 années-lumière de chez nous. Les astrophysiciens ont observé les orbites des trois étoiles tout au long d'une période orbitale, qui dure 11 ans (la période de l'étoile C autour des deux autres (qui elles se tournent autour en seulement 242 jours). Ces étoiles sont un peu plus massives que le Soleil : 2,5 et 1,4 masses solaires pour les deux premières et à nouveau 1,4 pour la troisième.
Ils ont remarqué que les trois étoiles n'évoluaient pas dans le même plan : les orbites sont désalignées, mais aussi désalignées par rapport au disque circumstellaire qui les entoure toutes les trois.
On sait que les planètes qui se trouvent en orbite de systèmes multiples ont très souvent des orbites désalignées par rapport à l’orbite de leurs étoiles. L’orbite de ces planètes est évidemment issue de celle du disque protoplanétaire initial qui s'est formé autour des étoiles, et qui en est à l'origine. Le fait de voir un tel disque très désaligné peut être une preuve de la formation de ces planètes elles-mêmes très désalignées par rapport aux étoiles d'un système multiple.
Jusqu'à présent on avait déjà vu des disques protoplanétaires autour de couples d'étoiles, mais encore jamais autour d'un trio. Il faut se rappeler que les duos et les trios d'étoiles ne sont pas rares : environ la moitié des étoiles de notre galaxie vivent en fait en couple.
Et les chercheurs ont observé dans le disque entourant GW Orionis trois anneaux ayant différentes orientations et situés à des distances du centre de respectivement 46, 185 et 340 unités astronomiques (on rappellera que Neptune se trouve à 30 unités astronomiques du Soleil...). Alors que les deux disques de poussière externes sont presqu’alignés entre eux, l’anneau interne, lui, est fortement désaligné, à la fois avec les deux autres et avec les trois étoiles.
Par ailleurs, l’anneau le plus externe est très massif, sans doute le plus gros anneau observé dans un système stellaire naissant.
Stephan Kraus (University of Exeter) et son équipe ont ajouté à ALMA un autre grand télescope, le VLT, travaillant aussi dans l'infra-rouge, mais à plus base résolution et avec son instrument SPHERE. Ils ont pu déterminer la présence de gaz chaud sur la face interne de l'anneau très désaligné, ainsi que la lumière réfléchie sur la surface déformée du disque. Sur les images du VLT, on peut voir l'ombre de l'anneau central sur l'anneau le plus éloigné des trois, tandis qu'ALMA permet de voir la forme de l'anneau qui produit cette ombre. C'est la combinaison de ces différentes observations qui offre aux astrophysiciens la possibilité de représenter en 3D la structure complexe de ce système de disques protoplanétaires.
Kraus et ses collaborateurs expliquent le désalignement observé par un effet d'étirement de disque, qui peut être produit par l'attraction gravitationnelle des étoiles dans des plans différents et qui peut aller jusqu'à la brisure complète d'un disque circumstellaire. Les simulations des chercheurs montrent que cet effet aurait pu produire les trois anneaux observés au sein du disque qui serait en train de se déliter.
Le théoricien Giuseppe Lodato (Université de Milan) avait proposé le processus d'étirement de disque (disk tearing) autour de systèmes multiples en 2013, cette observation en serait donc une preuve.
Mais une planète pourrait également déjà avoir été formée et participer à la déformation importante qui et observée sur l'anneau interne. Les chercheurs précisent que cet anneau interne contient suffisamment de matière pour produire 30 planètes de la taille de la Terre. Si cette planète finit par être détectée, si elle existe bien sûr, ce serait le premier cas à être en orbite de trois étoiles à la fois.
Que ce soit l'effet d'étirement de disque ou bien la présence d'une planète non détectée qui soient à l'origine des anneaux déformés formant le disque de GW Orionis, il reste cependant une énigme : celle du troisième anneau très massif, le plus éloigné : les chercheurs n'arrivent pas à expliquer pourquoi le disque se serait brisé en trois morceaux.
Source
A triple star system with a misaligned and warped circumstellar disk shaped by disk tearing
S. Kraus et al.
Science Vol. 369, Issue 6508 (04 Sep 2020)
Illustration
Images de GW Orionis par ALMA (à gauche) et le VLT-SHERE (à droite) (ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), ESO/Exeter/Kraus et al.)
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