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mardi 8 décembre 2020

Le résidu de supernova qui ne ressemble à rien


G350.1−0.3 est un résidu de supernova pas comme les autres : extrêmement asymétrique, très véloce, et très jeune. Il vient d'être caractérisé avec le télescope spatial Chandra par une équipe d'astrophysiciens américains qui publient leur étude dans The Astrophysical Journal Letters.

G350.1−0.3 est un résidu de supernova à effondrement de coeur, une supernova a priori de type IIP, mais dont on ne connaît aucun enregistrement historique. Kazimierz Borkowski et ses collègues de l'Université de  Caroline du Nord l'ont observé dans le domaine des rayons X avec Chandra pour observer son expansion à 9 ans d'intervalle (entre 2009 et 2018), via des raies X caractéristiques de différents éléments chimiques. Les chercheurs mesurent des vitesses d'expansion vertigineuses de l'éjecta, qui apparaît par ailleurs très asymétrique, pour ne pas dire qu'il ne ressemble à rien... Cette nébuleuse est en effet loin de ressembler à une jolie bulle sphérique plus ou moins boursoufflée, mais montre au contraire des sortes de jets de matière très directionnels, mais pas dans des directions opposées dos à dos non plus... Bref, sa structure est complexe. Quant à la valeur maximale de la vitesse des éléments qui sont identifiés grâce aux décalages spectraux de leurs rayons X caractéristiques, notamment avec le fer, elle atteint presque 6000 km/s (2% de la vitesse de la lumière !), 5800 km/s pour être exact.
Ce sont d'ailleurs les éjectas de fer qui semblent avoir la plus grande vitesse, comprise entre 4000 et 5800 km/s. La quantité de fer impliquée suggèrent aux chercheurs qu'il n'aurait pas s'agit d'une supernova IIP tout à fait classique. Certaines régions du résidu montrent des abondances élémentaires de type solaire et aucune trace d'onde de choc ne peut être identifiée. 
Grâce à la vitesse d'expansion de la nébuleuse difforme et à son étendue spatiale, les astrophysiciens peuvent donner un âge au résidu et donc une date à la supernova : elle a explosé il y a environ 600 ans. Ce jeune âge en fait le troisième plus jeune résidu connu derrière Cassiopeia A (350 ans) et Kes 75 (500 ans) et devançant la célèbre Nébuleuse du Crabe et ses 966 ans.
La distance exacte de G350.1−0.3 n'est pas encore bien déterminée : une évaluation de 2008 le positionnait à 4,5 kpc tandis qu'une mesure plus récente en 2014 trouvait 9 ± 3 kpc. Les valeurs de vitesse mesurée ici par Borkowski et ses collaborateurs sont obtenues en faisant l'hypothèse d'une distance de 4,5 kpc, plus crédible selon eux (sinon, la vitesse de l'éjecta atteindrait 12000 km/s!).
La même étude japonaise de 2014 avait également relevé une surabondance en nickel par rapport au fer, avec un ratio Ni/Fe 12 fois plus important que la valeur solaire. Et les spectres de Borkowski et al. montrent en plus de fortes surabondances non seulement de fer mais aussi de magnésium, de silicium, de soufre, d'argon et de calcium.
Pour expliquer la forte abondance en fer, la très grande vitesse d'expansion et l'asymétrie prononcée de G350.1−0.3, les chercheurs pensent que l'étoile massive progénitrice a dû éjecter une grande quantité de matière avant son explosion. C'est cette matière répartie de manière non uniforme autour de l'étoile qui aurait par la suite participé la forme très asymétrique du résidu de l'explosion que nous voyons aujourd'hui. Et l'explosion de l'étoile aurait de plus elle aussi été asymétrique...
Il est également possible selon les chercheurs que la forte production de nickel stable qui a été observée soit liée indirectement à l'explosion asymétrique révélée par la grande vitesse des éjectas de fer, ce qui viendrait confirmer certaines simulations.
Les astrophysiciens évaluent également la vitesse résiduelle de l'objet compact central qui a été produit par la supernova lors de cette explosion non symétrique : elle serait de l'ordre de 300 km/s, une valeur relativement classique pour une étoile à neutrons ayant subi un recul lors d'une telle explosion (un kick).

Avec ses caractéristiques très atypiques, le résidu G350.1−0.3 représente certainement le cas le plus extrême de résidu de supernova que nous connaissons aujourd'hui. Comme le disent Kazimierz Borkowski et ses collègues dans leur conclusion, il mérite donc des études très attentives, et cela tombe bien car des analyses spectroscopiques plus détaillées sont facilement accessibles sur cet objet difforme.


Source

Expansion and Age of the Supernova Remnant G350.1−0.3: High-Velocity Iron Ejecta from a Core-Collapse Event
Kazimierz Borkowski et al.
accepté pour publication dans The Astrophysical Journal Letters


Illustration

G350.1−0.3 imagé par Chandra à deux époques 2009 à gauche et 2018 à droite (Kazimierz Borkowski et al.)

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