Une équipe d’astrophysiciens mexicains, allemands et états-uniens viennent de montrer que les galaxies naines satellites qui entourent les grosses galaxies sont différentes selon là où elles se trouvent par rapport à la galaxie principale : celles qui sont situées à l’aplomb du trou noir supermassif de la grosse galaxie fabriquent plus d’étoiles que celles situées au niveau du disque. Une étude publiée cette semaine dans Nature, intitulée Anisotropic satellite galaxy quenching modulated by black hole activity.
L'évolution des galaxies naines satellites est façonnée par leur interaction constante avec le milieu circumgalactique entourant les galaxies centrales, du gaz qui peut être chaud ou froid. Ce dernier peut à son tour être affecté par la matière et le rayonnement éjectés par le trou noir supermassif central de la grosse galaxie. C’est effectivement ce que semblent observer Ignacio Martín-Navarro (Université de Heidelberg) et ses collaborateurs. Ils ont analysé des données d’archives du SDSS (Sloan Digital Sky Survey) concernant la formation d’étoiles dans 124 163 galaxies satellites situées dans les puits potentiels de 29 631 halos de matière noire de grandes galaxies, avec des masses de halo comprises entre 1012 et 1014 masses solaires.
Les chercheurs ont attribué un angle à chaque galaxie satellite qui représente l’orientation de sa position par rapport au plan de la galaxie centrale : à 0° et 180° elle se trouve dans le plan du disque, à 90°, elle se trouve au-dessus du centre galactique et à 270° en dessous. Les positions 90° et 270° font donc face au trou noir supermassif de la galaxie centrale. Ils regardent ensuite statistiquement la fraction des galaxies satellites qui sont « éteintes » (qui ne forment que très peu d’étoiles) en fonction de leur angle de positionnement.
Martín-Navarro et ses collaborateurs observent une nette évolution de l’activité des galaxies satellites en fonction de l’angle : plus elles sont proches de 90° ou 270°, moins elles sont éteintes (autrement dit : elles sont plus actives dans la formation stellaire).
Cette observation peut sembler contre-intuitive étant donné que l'activité des trous noirs est censée éjecter de la masse et de l'énergie préférentiellement dans cette direction polaire (le petit axe de la galaxie hôte). Mais les astrophysiciens montrent que l’effet de rétroaction des trous noirs supermassifs peut en fait être à l’origine indirectement du surcroit d’activité des galaxies naines qui se trouvent à 90°.
Selon eux, les flux sortants alimentés par les trous noirs supermassifs « nettoient » le milieu circumgalactique. Une plus faible densité de gaz circumgalactique réduit alors la pression dynamique du gaz sur les galaxies naines. Moins de pression dynamique sur le gaz interne des galaxies naines signifie moins de pertes de ce gaz froid et donc plus de formation stellaire possible.
Pour se convaincre que ce scénario tient la route, les chercheurs ont comparé avec ce que donnent des simulations de systèmes galactiques interagissant entre galaxie principale et galaxies naines incluant les effets de rétroactions positives ou négatives du trou noir supermassif. Ils ont utilisé la simulation IllustrisTNG pour faire ces comparaisons. Les résultats des simulations apparaissent très similaires aux observations. Dans les résultats de la simulation, il y a bien une augmentation d’activité des galaxies naines lorsqu’elles se trouvent au-dessus ou au-dessous du plan de la galaxie centrale. Et Martín-Navarro et ses collègues ont également refait la même simulation mais avec une version antérieure de Illustris qui ne prenait pas en compte les effets de rétroaction de l’activité du trou noir central : résultat : l’effet de modulation de l’activité des galaxies naines en fonction de leur angle de position ne se voit plus. Il apparaît donc plus que probable que c’est bien le trou noir supermassif et ses éjections induites de matière et de rayonnement qui influe sur l’activité des galaxies naines qui se retrouvent au voisinage de son axe polaire.
Le scénario du nettoyage de l’environnement circumgalactique au niveau des pôles (à 90° et 270°) apparaît donc être une idée robuste. Mais les chercheurs ne peuvent toutefois pas exclure un scénario différent. Il se pourrait en effet qu’au lieu de supprimer l’extinction de l’activité des galaxies satellites (par un nettoyage du milieu), le trou noir supermassif agisse directement sur elles en renforçant leur activité de formation stellaire, via la matière qu’il éjecte au niveau de ses pôles… Une affaire à suivre.
Source
Anisotropic satellite galaxy quenching modulated by black hole activity
Martín-Navarro et al.
Nature 594, 187–190 (10 june 2021).
Illustration
Evolution de la fraction des galaxies "éteintes" en fonction de l'angle de position par rapport à la galaxie centrale (schéma à droite) (Martín-Navarro et al.)
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