Une explosion de supernova par effondrement de coeur arrive lorsqu'une étoile massive ne parvient plus à fusionner la matière qui forme son coeur, notamment le fer. Mais la théorie prédit que la fusion du coeur pourrait aussi s'arrêter avant, si le coeur est fortement perturbé par un événement extérieur, comme une collision avec une étoile à neutrons ou un trou noir. Cette situation rare vient d'être probablement identifiée par une série d'indices concordants. L'étude est publiée cette semaine dans Science.
Tout a commencé avec l'observation d'une émission transitoire en ondes radio qui a été trouvée par Dillon Dong (Caltech) et ses collaborateurs dans un relevé du VLA datant de 2017, alors que cette source radio n'existe pas dans les relevés antérieurs entre 2003 et 2015. Cette source est nommée VT J1210+4956 et se trouve dans une galaxie naine d'un peu moins de 10 milliards de masses solaires qui se situe à 475 millions d'années-lumière. L'analyse de cette émission radio soudain visible montre, via ses raies spectroscopiques particulièrement élargies, des caractéristiques de mouvement d'expansion, qui sont cohérentes avec l'interaction d'un éjecta d'étoile avec une dense coquille de gaz l'entourant. Les chercheurs montrent que cette grosse coquille de matière a dû être éjectée il y a plusieurs siècles.
Dong et ses collaborateurs ont alors recherché dans de nombreuses archives de relevés à différentes longueurs d'ondes (en visible, en rayons X et en rayons gamma) si il n'y aurait pas eu un autre phénomène transitoire au même endroit que VT J1210+4956. Et bingo!
Ils ont trouvé qu'il y avait eu un sursaut de rayons X de type GRB exactement à cette position le 14 août 2014, détecté par le MAXI (Monitor of All Sky X-ray Image), qui est un petit détecteur de sursauts X et gamma implanté sur l'ISS. GRB140814A a été détecté à la fois entre 2 et 4 keV et entre 4 keV et 10 keV dans une fenêtre de 15 secondes.
Pour Dong et ses collègues, l'apparition d'un bref sursaut de rayons X en 2014 permet de faire le lien avec le signal radio transitoire détecté 3 ans plus tard. L'éjecta en expansion qui vient de rencontrer la grosse coquille de gaz à l'origine du transitoire radio et le flash de rayons X auraient la même origine : une supernova datant de 2014. Mais la durée et l'énergie de l'explosion ne correspondent pas tout à fait à ce que l'on observe habituellement dans les supernovas de type II. Et comment expliquer la grosse coquille de gaz qui entourait cette supernova et qui aurait été expulsée quelques centaines d'années avant l'explosion ? Les étoiles massives en fin de vie éjectent une partie de leur enveloppe à la fin de leur vie mais la quantité de matière de cette coquille est bien trop importante pour être expliquée par ce processus.
Dong et ses collaborateurs proposent donc une autre solution, seule à même de concilier l'apparition d'une supernova récente et l'éjection de grande quantités de gaz avec les propriétés observées :
Comme très souvent, deux étoiles massives vivaient en couple au départ, mais l'une des deux, un peu plus massive que l'autre, a évolué plus vite et a explosé en supernova, laissant derrière elle un objet compact : une étoile à neutrons ou un trou noir. Et cet objet compact est resté lié gravitationnellement à l'autre étoile massive qui a poursuivi son évolution. Mais au cours du temps, l'étoile compagne à gonflé son enveloppe et l'étoile à neutrons, elle, s'est rapproché, jusqu'à atteindre l'enveloppe de la compagne. L'étoile à neutrons s'est donc finalement retrouvée englobée dans l'enveloppe de l'étoile massive. Mais une telle situation est très instable. Du fait de phénomènes de frictions intenses, l'étoile à neutrons se met à spiraler vers le coeur de l'étoile massive et se faisant, elle accrète du gaz et produit des jets de particules et de rayonnement. Ces mouvements induisent une expulsion rapide de l'enveloppe stellaire.
Et ce qui devait arriver arrive : l'étoile à neutrons entre en contact avec le coeur de l'étoile compagne malheureuse, qui n'avait pas encore fini sa phase de fusion nucléaire et n'était pas encore prête à exploser. Mais la collision avec l'étoile à neutrons est un déclencheur de cataclysme. La deuxième supernova du couple illumine sa galaxie. Trois ans après l'explosion qui a dû avoir lieu en août 2014, les éjectas de l'explosion ont atteint la coquille de gaz éjectée des dizaines ou centaines d'années auparavant, produisant une émission synchrotron sous la forme d'ondes radio brèves.
Le phénomène de collapse de coeur qui est déclenché par une collision avec une étoile à neutrons, ou possiblement un trou noir stellaire, a été théorisé dans plusieurs articles en 2012 et 2017 pour tenter d'expliquer quelques objets étranges qui avaient été observés. Mais avec VT J1210+4956, cette fois-ci la quantité de données multiples permet pour la première fois de faire coller assez clairement les observations avec le modèle théorique. Les supernovas ont bien des origines très diverses.
Source
A transient radio source consistent with a merger-triggered core collapse supernova
Dillon Dong et al.
Science vol. 373, Issue 6559 (3 september 2021)
Illustration
Vue d'artiste de la supernova atypique révélée par l'émission radio transitoire VT J1210+4956 (Chuck Carter)
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