L'équipe internationale dirigée par Li Di (Observatoires astronomiques nationaux de l'Académie chinoise des sciences (NAOC)) a détecté exactement 1652 sursauts en 47 jours à partir du 29 août 2019.
C'est le plus grand ensemble de sursauts de FRB détectés à ce jour, supérieur à la somme de tous les autres sursauts de FRB rapportés dans toutes les autres publications antérieures. Un tel ensemble de bursts permet aux chercheurs chinois, américains et européens de déterminer pour la première fois la distribution de l'énergie de ces sursauts, défrichant un peu plus le mystère régnant sur le moteur central alimentant les FRB.
Rappelons que les FRBs ont été détectés pour la première fois en 2007. Ces émissions d'ondes radio peuvent être aussi courtes qu'un millième de seconde tout en émettant une quantité énorme d'énergie, équivalent à une année d'énergie émise par le Soleil.
Parmi les pistes récentes pour expliquer le phénomène, les magnétars tiennent la corde. Mais il faut pouvoir expliquer pourquoi certains FRB se répètent dans le temps comme FRB 20121102 et d'autres non. Lorsqu'un FRB se répète, il est beaucoup plus facile de le localiser. On sait par exemple que FRB 20121102 provient d'une galaxie naine située à 949 Mpc (3,1 milliards d'années-lumière).
Et FRB 20121102 possède une autre particularité que d'autres FRB n'ont pas : il est associé à une source radio persistante, en plus de la production de ses multiples sursauts qui se répètent de façon discontinue selon les saisons.
Entre le 29 août et le 29 octobre 2019, 1 652 sursauts indépendants ont donc été détectés avec FAST sur un total de 59,5 heures. Bien que la cadence des bursts ait varié au cours de la série, une fréquence maximale de 122 sursauts par heure a été observée pendant l'heure de pointe, ce qui correspond au taux d'événements le plus élevé jamais observé pour un FRB.
Un nombre de sursauts aussi élevé permet d'en faire une étude statistique. Li Di et ses collaborateurs tracent le graphe représentant l'énergie des sursauts en fonction de leur temps d'arrivée, et le taux de sursauts en fonction de leur énergie. Les chercheurs ont ainsi trouvé une certaine énergie maximale caractéristique E0= 4,8 1037 erg, en dessous de laquelle la génération des sursauts semble devenir moins efficace. Et surtout, ce que voient les astrophysiciens, c'est une très nette distribution des sursauts qui apparaît bimodale : il existe deux sous-population de sursauts : à basse et à haute énergie, qui ne suivent pas les mêmes distributions. Le spectre donnant le nombre de sursauts en fonction de leur énergie est une somme de deux "bosses" qui se chevauchent partiellement. Alors que les sursauts de plus basse énergie peuvent être ajustés par une fonction log-normale et donc avoir une origine de nature stochastique, ce n'est pas le cas des sursauts de plus haute énergie, qui peuvent être fittés par une fonction de Cauchy.
Et les chercheurs analysent également le temps d'attente entre deux bursts successifs, toujours en fonction de l'énergie. Là encore, il se passe des choses : lorsqu'on prend tous les sursauts ensemble, il apparaît une distribution à deux composantes : la plus grosse centrée à 70 s et une petite centrée à 3,4 ms, mais lorsque l'on ne sélectionne que les sursauts d'énergie supérieure à 3 1038 erg, la petite bosse reste centrée sur 3,4 ms tandis que le temps d'attente moyen se décale à 220 s pour la plus grande bosse.
Le pic secondaire centré à 3,4 ms, est très probablement dû à la sous-structure des sursauts individuels, selon Li et son équipe, même si certains peuvent tout de même être des sursauts indépendants et rapprochés. Les pics autour de 70 s ou 220 s dans la distribution du temps d'attente restent toutefois proches de la valeur moyenne pour les échantillons respectifs (pleine énergie et haute énergie). Pour Li Di et ses collaborateurs, cela serait cohérent avec une distribution du temps d'attente qui serait issu d'un processus stochastique mais qui souffrirait de l'absence d'échantillonnage pour les échelles de temps supérieures à 1000 s.
Mais ce qui est sûr pour Li Di et ses collaborateurs, c'est que la distribution du temps d'attente et l'absence de périodicité contrastent fortement avec ce que l'on attend des pulsars radio standard, qui impliquent une rotation stable et une émission dans des faisceaux étroits à partir d'une gamme étroite d'altitudes. Si FRB 20121102 implique tout de même un objet en rotation, la périodicité devrait être effacée par exemple si les directions et les altitudes du faisceau sont suffisamment stochastiques (aléatoires), ce qui introduirait alors une dispersion dans les temps d'arrivée et réduirait toute caractéristique dans le spectre ou la distribution du temps d'attente qui signerait une périodicité. Le pic situé à 70 secondes dans le temps d'attente entre sursauts successifs place en tous cas une limite supérieure sur la période sous-jacente d'un objet compact.
Le plus grand échantillon de sursauts radio rapides jette donc une nouvelle lumière sur les modèles théoriques des FRBs. La distribution de l'énergie nécessite un ajustement bimodal, ce qui suggère la possibilité de plusieurs mécanismes d'émission, de sites d'émission ou de formes de faisceau. Certains modèles de magnétar prédisent une limite inférieure de luminosité pour la production de FRB, et la valeur d'énergie caractéristique E0 qui est rapportée dans cette étude peut être interprétée en ajustant les paramètres de ces modèles.
Les chercheurs notent que la distribution des temps d'attente est de forme log-normale, un comportement qui est similaire à celui observé dans d'autres événements de sursauts astrophysiques tels que ce qu'on appelle les répéteurs de rayons gamma mous. Mais le taux de sursauts très élevé est un challenge pour certains modèles qui devraient comporter un mécanisme de masquage de la périodicité rotationnelle par un rayonnement stochastique.
Enfin, l'énergie isotrope totale émise dans les 1 652 sursauts est de 6,4 × 1046 erg sur 47 jours. qui représente déjà environ 37,6 % de l'énergie disponible d'un magnétar, ce qui va en sa défaveur. Inversement, les mécanismes d'émission cohérente qui invoquent la magnétosphère d'étoile à neutrons peuvent rayonner dans la bande radio beaucoup plus efficacement, et sont donc préférés par ces nouvelles données.
Source
A bimodal burst energy distribution of a repeating fast radio burst source
D. Li, et al.
Nature volume 598, (13 october 2021)
Illustrations
1. Distribution des sursauts de FRB 20121102 en fonction de leur date de détection en abscisse et de leur énergie (en ordonnée, en échelle logarithmique) (Li et al.)
2. Histogramme du taux de sursauts en fonction de leur énergie (Li et al.)
3. Histogramme du temps d'attente entre sursauts successifs (Li et al.)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci !