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lundi 11 avril 2022

Neptune montre une étonnante variabilité de sa température stratosphérique


Une étude publiée aujourd'hui dans The Planetary Science Journal montre que la température de l'atmosphère de Neptune a fluctué de manière inattendue au cours des 20 dernières années. On n'en connaît pas la cause... 

Michael Roman (Université de Leicester) et ses collaborateurs ont observé Neptune dans les longueurs d'onde de l'infrarouge (entre 8 et 20 µm), pour cartographier efficacement la chaleur émise par l'atmosphère de la planète. Ils ont combiné toutes les images infrarouges existantes de Neptune recueillies entre 2003 et 2020 par de multiples observatoires sur près de deux décennies, avec notamment des images du Very Large Telescope, du télescope Gemini Sud (ESO), ainsi que du télescope Subaru, du télescope Keck et du télescope Gemini Nord, tous situés à Hawaï, et également avec des spectres du télescope spatial Spitzer de la NASA. 
La stratosphère semble s'être refroidie entre 2003 et 2009 sur plusieurs longueurs d'onde filtrées, suivie d'un réchauffement spectaculaire du pôle sud entre 2018 et 2020. À l'inverse, les températures de la haute troposphère - inférées de l'imagerie ∼17 à 25 μm - semblent invariables au cours de cette période, à l'exception du pôle sud, qui est apparu plus chaud entre 2003 et 2006. A la surprise des chercheurs, ces données montrent une baisse de la luminosité thermique de Neptune depuis le début de l'imagerie thermique fiable en 2003. Les images sensibles à l'éthane stratosphérique (∼12 μm), au méthane (∼8 μm) et au méthane deutéré CH3D (∼9 μm) présentent une variation temporelle sous-saisonnière significative à l'échelle régionale et globale. La comparaison avec la raie de l'hydrogène à 17,035 μm suggère que ces changements sont principalement liés aux changements de température stratosphérique.
Les données indiquent que les températures moyennes globales dans la stratosphère de Neptune ont chuté d'environ 8 Kelvins entre 2003 et 2018, alors que les chercheurs s'attendaient plutôt à un réchauffement puisque la configuration de Neptune était alors au début de l'été dans l'hémisphère sud imagé (le solstice était en 2005). Chaque saison sur Neptune dure 40 ans (elle fait le tour du Soleil en 165 ans, rappelons le). Et comme les données couvrent moins de la moitié d'une saison, les astronomes ne s'attendaient pas à voir de si brusques changements de température. Mais en plus du refroidissement surprenant observé, Roman et ses collaborateurs découvrent qu'à partir de 2018, le pôle sud de Neptune s'est mis à se réchauffer fortement : entre 2018 et 2020, la stratosphère polaire de Neptune s'est réchauffée de 11 K, passant de 152 ± 2 K à 163 ± 2 K ! Un tel réchauffement polaire n'a jamais été observé sur Neptune auparavant.


La cause de ces changements inattendus de la température stratosphérique de Neptune est actuellement inconnue, selon les chercheurs et ces résultats remettent en question notre compréhension de la variabilité atmosphérique de Neptune. Parmi les quelques pistes avancées pour l'instant, il y a d'éventuels changement saisonniers de la chimie atmosphérique de Neptune pouvant potentiellement modifier l'efficacité du refroidissement de l'atmosphère, ou encore une variabilité aléatoire des régimes climatiques, ou bien un effet du cycle solaire de 11 ans, qui a déjà été suggéré comme pouvant affecter la luminosité visible de Neptune. Dans ce dernier cas, Roman et son équipe montrent que la corrélation serait provisoire entre l'activité solaire, les températures stratosphériques et le nombre de nuages brillants observés sur Neptune. Les changements temporels des radiances relatives semblent en effet être parallèles aux anomalies de l'albédo visible de Neptune et de la couverture nuageuse. Le mécanisme physique qui relie les températures stratosphériques et les nuages et brumes troposphériques sur de nombreuses échelles est inconnu, mais Roman et son équipe spéculent qu'il pourrait être lié à un forçage saisonnier, à un phénomène météorologique ou à des variations de cycle solaire dans le flux Lyα. Les chercheurs rappellent qu'une corrélation intrigante avait été trouvée en 2011 par Karkoschka et al. entre la couverture nuageuse discrète de Neptune et les cycles solaires récents...

Roman et son équipe ont eu la chance de capturer les surprenants changements de température récents de Neptune étant donné l'historique sporadique des observations, et les astronomes ont maintenant l'opportunité d'observer comment la stratosphère changeante évolue dans le temps. Avec le début du nouveau cycle solaire, des observations régulières au cours de la prochaine décennie seront cruciales pour comprendre la nature et les tendances qui façonnent la variabilité de la stratosphère de Neptune. Le télescope Webb devrait faire des merveilles dans cette tache. Du temps d'observation est déjà prévu pour scruter Uranus et Neptune cette année...

Source
Subseasonal Variation in Neptune's Mid-infrared Emission
Michael T. Roman et al.
The Planetary Science Journal, Volume 3, Number 4 (11 april 2022)


Illustrations

1. Aspect de Neptune en visible et en infra-rouge en 2020 (Michael Roman/NASA/ESA/STSci/M.H. Wong/L.A. Sromovsky/P.M. Fry)
2. Evolution de la brillance en infra-rouge de Neptune (Michael Roman/NASA/JPL/Voyager-ISS/Justin Cowart)

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