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29/04/22

WLM : la galaxie naine qui défie les astronomes


Une observation inédite d’une forte interaction d’une galaxie naine isolée avec son environnement vient bouleverser notre compréhension de la formation et de l’évolution des galaxies naines. L’étude est publiée dans Astronomy&Astrophysics. 

Les galaxies naines sont normalement affectées par les mêmes processus d’évolution que connaissent les grandes galaxies comme la Voie Lactée. Elles peuvent être soit liées à une grande galaxie, on parle alors de galaxies satellites, ou bien être complètement isolées. WLM est une galaxie naine archétypale de la famille des naines isolées. Elle tient son nom acronymique de celui de ses découvreurs du début du 20ème siècle Wolf, Lundmark et Melotte. Elle se trouve à 3 millions d’années-lumière (930 kpc) de la Voie Lactée et à 2,7 millions d’années-lumière de M31 (830 kpc), au bord du Groupe Local.  On estime qu’elle s’est formée dans un complet isolement, sans perturbation extérieure par l’une des deux grandes galaxies du groupe Local. Sa vitesse par rapport à la Voie Lactée est de 300 ± 150 km s−1. Sa masse de matière noire est notamment considérée comme stable et bien déterminée, représentant 99% de sa masse totale (90 fois sa masse de matière baryonique (étoiles et de gaz)).
Des études antérieures de son disque gazeux suggéraient que sa cinématique est perturbée. Ses côtés s'approchant et s'éloignant de nous montrent en effet des vitesses de rotation différentes, et il a été observé en 2020 que sa région centrale montre un minimum inattendu dans la dispersion des vitesses stellaires. 
Yanbin Yang (Observatoire de Paris) et ses collaborateurs internationaux ont observé WLM avec le réseau de radiotélescopes MeerKAT et ont découvert l’existence de quatre trainées de gaz qui apparaissent dans la direction opposée à son mouvement propre. Ces traînées d'hydrogène neutre indiquent nettement qu’il existe une interaction entre la galaxie et le milieu intergalactique. L’hydrogène de la galaxie se retrouve comme soufflé par l’effet de la pression dynamique induit par la traversée du milieu intergalactique. Or on ne s’attend pas à voir un tel comportement avec une galaxie naine isolée de ce type. Ces traînées de gaz représentent jusqu’à 10% de la masse d’hydrogène neutre totale de la galaxie (6 millions de masses solaires sur 61 millions). Autre étrangeté : les astrophysiciens observent à l'intérieur de la galaxie, un décalage spatial entre le gaz et les étoiles, toujours dans la même direction du mouvement de la galaxie, indiquant un effet de pression dynamique prononcé. Pour tenter de comprendre l’origine de l’interaction de WLM avec le milieu intergalactique qui l'entoure, Yang et ses collaborateurs ont effectué des simulations et à partir de là, ils concluent que les observations ne peuvent être expliquées que si le milieu intergalactique est beaucoup plus dense que ce que l’on pensait. C’est comme s’il existait une grande quantité de matière là où on ne pensait pas en trouver, loin des grandes galaxies.



Mais il existe aussi une autre solution qui pourrait expliquer la perte de gaz de WLM : si elle avait en fait beaucoup moins de matière noire que ce que l’on pense. Cela pourrait expliquer qu’une faible densité du milieu intergalactique puisse tout de même produire la pression dynamique suffisante pour souffler les grandes quantités de gaz observées. Les chercheurs expliquent qu’il est en effet possible que les estimations précédentes de la masse de WLM soient incorrectes en raison de sa courbe de rotation asymétrique. Mais cette solution alternative se heurte au fait que les seules galaxies naines qui ont été observées être dépourvues de matière noire ont été expliquées par un dépouillement associé à une interaction gravitationnelle avec une grande galaxie. Or, il n'y a pas d'interaction gravitationnelle dans le cas de WLM, sa plus proche voisine étant une galaxie naine plus petite qu'elle située à une distance de 230 kpc.
La signature claire de l’effet de la pression dynamique qui est visible dans WLM implique donc que, malgré son statut archétypal de galaxie naine isolée, WLM subit des processus évolutifs qui sont normalement associés aux galaxies naines satellites. La présence d'un milieu d'une densité suffisante aussi éloigné de la Voie lactée ou de M31, capable de dépouiller le gaz d’une galaxie de la masse de WLM par effet de pression dynamique, est inattendue, selon les auteurs de l'étude. Cette découverte va justifier le besoin d'une observation attentive d'autres galaxies naines dites isolées dans l'Univers proche afin de déterminer si une telle signature est une caractéristique universelle ou non. Elle implique certainement que les processus qui sont normalement associés à la suppression de la formation d'étoiles dans les galaxies satellites opèrent également dans des régions de l'Univers beaucoup plus "vides", et qui ne sont pas peut-être pas aussi vides qu'on le pense. 

Source

Evidence of ram-pressure stripping of WLM, a dwarf galaxy far away from any large host galaxy Yanbin Yang et al.
Astronomy & Astrophysics (27 avril 2022)


Illustrations

1. Image composite de la galaxie naine WLM (Yang et al. / Observatoire de Paris – PSL / CNRS / ESO / NOAO / MeerKAT)

2. Comparaison entre les observations et les simulations pour la densité de gaz et la vitesse (Yang et al.)

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    " les observations ne peuvent être expliquées que si le milieu intergalactique est beaucoup plus dense que ce que l’on pensait. C’est comme s’il existait une grande quantité de matière là où on ne pensait pas en trouver"

    est-ce que cela pourrait impacter les courbes de rotation des galaxies? et invalider l'hypothèse de la matière noire?

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    1. A priori non. Cet effet n'a jamais été observé ailleurs en plus.

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