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samedi 8 octobre 2022

Une étoile binaire avec une période orbitale de seulement 51 minutes


Des astrophysiciens ont découvert une binaire stellaire avec une période orbitale extrêmement courte : elles se tournent l'une autour de l'autre toutes les 51 minutes. Le système fait partie d'une classe rare de binaires connue sous le nom de "variables cataclysmiques", dans laquelle une étoile semblable au soleil tourne en orbite serrée autour d'une naine blanche. Et ici, l'étoile compagne serait de très faible masse mais très dense... L'étude est publiée dans Nature.

Une variable cataclysmique se produit lorsque dans une binaire, une naine blanche et sa compagne se rapprochent, au cours de milliards d'années, et que la naine blanche commence accréter, c'est-à-dire à absorber la matière de son étoile compagne. Ce processus peut donner lieu à d'énormes flashs de lumière variables, lorsque le gaz atteint la surface de la naine blanche. 
Sur plus d'un millier de variables cataclysmiques connues, seule une dizaine a des périodes orbitales inférieures à 75 minutes. Pour obtenir ces courtes périodes, l'étoile "donneuse" doit avoir subi une évolution nucléaire substantielle avant d'interagir avec la naine blanche, et on s'attend à ce que ces objets passent d'une accrétion de l'hydrogène à une accrétion d'hélium.

Le système ZTF J1813+4251, est une variable cataclysmique dont la période orbitale est la plus courte détectée à ce jour. Le couple se trouve à environ 3000 années-lumière. Contrairement à d'autres systèmes de ce type observés dans le passé, les astronomes ont observé cette variable cataclysmique alors que les étoiles s'éclipsaient l'une l'autre à plusieurs reprises, ce qui a permis à l'équipe de mesurer précisément les propriétés de chaque étoile à l'aide du télescope hawaïen Keck et du canarien Gran Telescopio Canarias. Les spectres à résolution de phase, les courbes de lumière multi-bandes et la distribution d'énergie spectrale à large bande permettent d'obtenir des contraintes précises et robustes sur les masses, rayons et températures des deux composantes. 
Grâce à ces mesures, Kevin Burdge (MIT)  et son équipe ont ensuite effectué des simulations des processus en cours entre les deux étoiles et de la façon dont elles devraient évoluer au cours des prochaines centaines de mégannées.  Ils ont découvert dans leurs observations que le premier objet était probablement une naine blanche, d'une rayon égal à un centième de celui du soleil et d'une masse de 0,56 masse solaire, pour une température de 12600 K L'étoile compagne est une étoile beaucoup plus petite que le Soleil en taille et en masse, même si sa température est similaire (6000 K) : son rayon est de l'ordre de 0,1 fois le rayon solaire (c'est à dire la taille de Jupiter) et sa masse est de 0,12 masse solaire.  Comme son volume est 1000 fois plus petit que le Soleil et que sa masse est environ 10 fois plus faible, cela indique que sa densité est 100 fois plus forte que celle du Soleil. Cette étoile est proche de la fin de sa vie...
Ils en concluent que ces étoiles sont actuellement en transition et que l'étoile compagne a "donné" à la naine blanche une grande partie de son atmosphère d'hydrogène. Au fur et à mesure que la naine blanche gravite autour de l'étoile et dévore son hydrogène, l'étoile compagne malheureuse devrait s'éteindre petit à petit, laissant un noyau d'hélium, élément plus dense que l'hydrogène, et suffisamment lourd pour maintenir l'étoile quasi-morte sur une orbite ultra-courte et serrée. Burdge et ses collaborateurs estiment ainsi que ZTF J1813+4251 est probablement une variable cataclysmique, en train de passer d'un corps riche en hydrogène à un corps riche en hélium. Cette découverte confirme les prédictions d'il y a plus de 30 ans, dans lesquelles Rappaport et d'autres chercheurs expliquaient ce processus en prédisant que des périodes orbitales encore plus courtes pouvaient être atteintes lorsque l'accrétion de l'hélium débuterait. A ce jour, ZTF J1813+4251, avec sa période de 51 minutes, constitue la variable cataclysmique à l'orbite la plus courte détectée.

D'après les calculs des chercheurs, dans 70 millions d'années, les étoiles se seront rapprochées encore plus l'une de l'autre, atteignant une orbite ultracourte de 18 minutes seulement, avant de commencer à se dilater et à s'éloigner. C'est ici la première fois qu'un tel système en transition a été observé directement, un système qui est en train de finir l'accrétion d'hydrogène avant de passer à celle de l'hélium, Une seule autre variable cataclysmique possiblement en transition possèderait une période orbitale suffisamment courte aujourd'hui pour pouvoir atteindre une configuration correspondant à la majeure partie de la population de variables cataclysmiques à hélium,  Le seul autre cas potentiel serait le système EI Psc, selon les chercheurs, qui est l'une des rares variables cataclysmiques dont les paramètres sont suffisamment bien estimés pour pouvoir construire un modèle d'évolution. Comme ZTF J1813+4251, Burdge et ses collaborateurs montrent que ce système pourrait aussi évoluer vers une variable cataclysmique à hélium, mais il atteindrait un minimum de période d'environ 30 min, à comparer aux 18 minutes prédites pour ZTF J1813+4251.

ZTF J1813+4251 est en tous cas la seule variable cataclysmique de transition dont les paramètres du système sont caractérisés de manière robuste et qui montre une période orbitale plus courte et une étoile donneuse significativement plus chaude que tout autre candidate variable cataclysmique transitoire actuellement connue sous la période minimale de 75 minutes. Elle démontre que les étoiles donneuses de ces systèmes peuvent atteindre des états beaucoup plus extrêmes que ceux observés dans les systèmes identifiés précédemment. Avec ses composantes bien caractérisées, ZTF J1813+4251 servira de point d'ancrage pour les futurs modèles d'évolution de binaires.


Source

A dense 0.1-solar-mass star in a 51-minute-orbital-period eclipsing binary
Kevin B. Burdge et al.
Nature (5 october 2022)

Illustration

Vue d'artiste d'une variable cataclysmique (M.Weiss/Center for Astrophysics | Harvard & Smithsonian)

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