Une équipe d'astrophysiciens a trouvé dans la première image de champ profond du télescope Webb un amas de galaxies en train de se former, un proto-amas. Il se trouve seulement 680 millions d'années après le Big Bang. L'étude est parue dans Astronomy&Astrophysics.
Comprendre la formation et l'évolution de la première population de galaxies est l'un des sujets les plus actifs de l'astrophysique actuelle. On pense que ce sont les fluctuations de densité primordiales visibles dans le CMB qui ont été amplifiées et que ces régions plus denses se sont effondrées pour former les premières galaxies. De plus, les premiers halos de matière noire ont subi un processus de fragmentation, ce qui suggère que les galaxies les plus massives se sont peut-être formées dans des régions surdenses appelées "proto-amas". Des simulations à N-corps et des modèles semi-analytiques par Chiang et al. en 2017 démontrent que les premiers proto-amas pourraient avoir contribué jusqu'à 50 % du taux de formation d'étoiles à z ∼ 10 (480 millions d'années post Big Bang). La détermination de la densité de proto-amas de galaxies pour des redshifts z ≥ 6 est importante pour fournir de nouvelles informations sur le processus de réionisation du milieu intergalactique qui a eu lieu à cette époque cosmique.
Zheng et al. en 2014 avaient identifié un proto-amas probable de plusieurs galaxies à z ∼ 8, dont l'une a été ciblée ultérieurement et s'est avérée présenter des raies d'émission UV et IR lointain la plaçant à z = 8,38 (Laporte et al. 2017). La recherche de galaxies avec une émission Lyman-α (rayonnement UV absorbé par l'hydrogène neutre) à des décalages vers le rouge similaires est une autre voie fructueuse pour identifier les proto-amas précoces. Étant donné que l'hydrogène neutre qui entoure les galaxies à z ≥ 6 rend la détectabilité de cette raie très difficile à haut redshift (De Barros et al. 2017), une détection Ly α d'une galaxie à z ≥ 6 suggère que la galaxie se trouve dans une bulle ionisée assez importante, résultat soit d'un pouvoir ionisant élevé de la galaxie elle-même, soit de la contribution cumulée de plusieurs objets au même redshift. En utilisant le télescope spatial Hubble (HST) et des campagnes de suivi spectroscopiques profondes, plusieurs groupes ont identifié de grandes bulles ionisées jusqu'à z ∼ 8,68 (par exemple, Castellano et al. 2016, 2022 ; Tilvi et al. 2020 ; Leonova et al. 2022 ; Larson et al. 2022) grâce à la détection de la raie Ly-α dans des galaxies brillantes.
Mais la sensibilité du HST n'est pas suffisante pour rechercher des objets beaucoup plus faibles dans l'environnement local de ces galaxies brillantes.
Le lancement du JWST a ouvert une nouvelle fenêtre pour l'étude des proto-amas. Sa sensibilité sans précédent va permettre d'identifier et de confirmer par spectroscopie non seulement les galaxies brillantes, mais aussi les galaxies plus faibles à des décalages vers le rouge similaires. Les premières images et spectres obtenus par Webb montrent que des galaxies s'étaient déjà formées à z ≥ 12 (370 mégannées post Big Bang), ce qui fait dire aux astrophysiciens qu'il pourrait exister des proto-cluster dès z=10 (480 mégannées post BB).
Nicolas Laporte (Université de Cambridge) et ses collaborateurs sont partis à la quête de ces proto-amas très jeunes dès la publication de la première image de champ profond du JWST, le fameux champ de l'amas SMACS0723-7327, mais eux n'ont pas scruté les nombreuses lentilles gravitationnelles présentes dans le champ, mais plutôt les très faibles galaxies en arrière plan.
Ils ont exploité les données des instruments NIRSpec, NIRISS et NIRCam du télescope Webb et ils ont découvert deux galaxies assez brillantes entourées de six autres galaxies beaucoup moins lumineuses, qui ont toutes le même décalage vers le rouge z = 7,66, ce qui les positionne 680 millions d'années après le Big Bang. Ils ont déterminé les propriétés physiques des membres du proto-amas ainsi que les propriétés globales de ce dernier.
En utilisant plusieurs méthodes, les chercheurs estiment la masse du halo de matière noire de ce proto-amas à 360 milliards M⊙, ce qui est en accord avec diverses prédictions sur ce que serait la taille du progéniteur d'un amas de galaxies comme l'amas de Coma. Ils trouvent aussi que les propriétés physiques de tous les membres du proto-amas sont également en excellent accord avec ce qui a été trouvé précédemment à des décalages vers le rouge plus faibles : formation d'étoiles de la séquence principale et taille. Cette nouvelle détection s'ajoute aux seulement quelques proto-amas de galaxies actuellement connus dans le premier milliard d'années de l'univers.
L'échappement des photons Lyman-α à travers le milieu intergalactique autour d'une galaxie dépend exponentiellement de la profondeur optique. Cela signifie que les galaxies les plus petites et les moins lumineuses ne pourraient ioniser leur environnement que très localement, voire pas du tout. Cela conduirait à une forte tendance à détecter seulement les photons Lyman-α des galaxies les plus brillantes et plus massives à l'époque de la réionisation, car seules ces galaxies rayonnent assez fortement pour ioniser l'hydrogène environnant et créer une bulle suffisamment grande pour permettre à ces photons de s'échapper. Laporte et ses collaborateurs expliquent que les petites galaxies situées à proximité de ces galaxies plus massives et plus brillantes se trouvent alors dans une bulle ionisée, et leurs photons UV peuvent donc parcourir de grandes distances et contribuer à la réionisation de l'Univers (des photons qui seraient autrement absorbés dans le voisinage local des galaxies). Pour les chercheurs, les proto-amas peuvent ainsi jouer un rôle important dans le processus de réionisation, qui à commencé avec les premières galaxies et s'est arrêté environ 800 mégannées après le Big Bang.
Source
A lensed protocluster candidate at z = 7.66 identified in JWST observations of the galaxy cluster SMACS0723−7327
N. Laporte et al.
Illustration
Image JWST des galaxies membres du proto-amas identifié (N. Laporte et al.)
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