Une équipe d’astrophysiciens américains a étudié le devenir des étoiles qui entourent le trou noir supermassif au centre de notre galaxie. Ils montrent l’existence de processus de collisions destructrices entre étoiles, mais aussi des collisions qui peuvent produire des fusions stellaires pouvant mener à des étoiles de plus de 10 masses solaires. Ils trouvent également une explication pour les étranges objets G détectés autour de Sgr A*, des objets stellaires enveloppés de poussière et de gaz, qui pourraient résulter de ces collisions stellaires. Leur étude est publiée dans The Astrophysical Journal.
On sait que les collisions stellaires peuvent modifier le profil de densité stellaire près du trou noir, où elles peuvent réduire la population stellaire. Les collisions ont également été invoquées pour tenter d’expliquer la pénurie difficilement explicable de géantes rouges de 1 à 3 M⊙ dans les 0,1 pc intérieurs du centre galactique. Genzel et al. avaient suggéré en 1996 que les collisions de géantes rouges avec des étoiles de la séquence principale pouvaient détruire les géantes rouges. Mais les études théoriques divergent sur la question de savoir si une telle collision peut débarrasser une géante rouge de son enveloppe, les travaux les plus récents indiquant une perte de masse insuffisante après la collision (Alexander 1999 ; Bailey & Davies 1999 ; Dale et al. 2009). D'autres mécanismes, tels que les collisions avec un trou noir, les rencontres de géantes rouges avec des binaires stellaires, et un jet provenant de Sgr A* pendant sa phase active, ne peuvent expliquer que partiellement l'apparente sous-abondance des géantes rouges dans un rayon de 0,1 pc du trou noir supermassif. La cause de l'absence de géantes rouges reste donc une question ouverte, à laquelle les collisions stellaires sur la séquence principale pourraient répondre. Et Sanaea Rose et son équipe se sont emparés de cette question.
Ils ont utilisé une approche statistique pour caractériser les résultats des collisions stellaires qui ont lieu dans le parsec interne du centre galactique. Les chercheurs ont considéré trois zones radiales :
(1) à environ 0,01 pc de Sgr A*, où la dispersion des vitesses est importante;
(2) de 0,01 à 0,1 pc, où les collisions devraient être courantes ;
(3) au delà de 0,1 pc, où les collisions ne se produisent pas très fréquemment.
Ils observent bien que près du trou noir supermassif, où la dispersion des vitesses est plus grande que la vitesse d'échappement d'une étoile semblable au Soleil, les collisions entre étoiles conduisent à une perte globale de masse. Ils constatent que la population stellaire dans un rayon de 0,01 pc se retrouve divisée par deux en l'espace d'environ un milliard d'années à cause de collisions destructrices. Et il peuvent prédire l’existence d’une population diffuse d'étoiles particulières de faible masse dans le centre galactique. Ce sont des étoiles qui ont été débarrassées de leurs couches externes dans la zone interne de rayon inférieur à 0,01 pc, avant de migrer à de plus grandes distances de Sgr A*.
Rose et ses collaborateurs montrent que entre 0,01 et 0,1 pc du trou noir, les collisions entraînent des fusions entre étoiles. Et leurs résultats indiquent que des collisions répétées entre des étoiles de faible masse peuvent ainsi produire des étoiles massives (de plus de 10 M⊙), et qu'il pourrait y en avoir environ 100 dans cette région. Les chercheurs montrent que toute étoile de 1 M⊙ située dans un rayon de 0,1 pc du trou noir supermassif subit au moins une collision au cours de sa vie. Au delà de 0,1 pc, des fusions stellaires ont encore lieu. Plus généralement, au sein du 1 pc interne, ils estiment que 10 % de la population stellaire subira au moins une collision pendant la séquence principale.
Les détails de chaque collision, en particulier la quantité de masse éjectée lors de la collision, sont plus difficiles à déterminer. En particulier, la masse perdue par les étoiles dépend de leur vitesse relative, de leur rapport de masse, de leur structure et de leurs paramètres d'impact. Rose et ses collaborateurs adoptent différentes prescriptions pour traiter la perte de masse. Leurs modèles tiennent également compte de la relaxation à deux corps, qui modifie les demi-grands axes et les excentricités des orbites stellaires dans le centre galactique au fil du temps.
Concernant la question épineuse des géantes rouges, ce que Rose et ses collaborateurs ont trouvé, c'est qu'à environ 0,01 pc du trou noir supermassif, les collisions stellaires détruisent la plupart des étoiles de faible masse avant qu'elles ne puissent évoluer hors de la séquence principale. Cela mène alors mécaniquement à un manque de géantes rouges dans cette région. et plus loin de Sgr A*, entre ∼0,01 et 0,1 pc, ce sont les fusions qui peuvent entraîner une diminution du nombre de géantes rouges, selon Rose et son équipe.
Enfin, d'après Rose et ses collaborateurs, les collisions entre étoiles de la séquence principale peuvent avoir un lien avec les objets de type G, des objets stellaires enveloppés de gaz et de poussière qui sont observés à proximité de Sgr A*. Selon eux, une fusion entre deux étoiles entrées en collision peut en effet produire un objet gonflé de type G qui s'effondre ensuite sur l'échelle de temps thermique d'une étoile de masse solaire : environ 10 millions d'années. Ils fournissent même une prédiction sur le nombre d'objets de type G qui serait attendus dans le centre galactique à partir de collisions stellaires, étant donné différents profils de densité stellaire. Pour un profil de densité stellaire typique, il devrait y avoir environ 10 objets G observables dans le parsec interne du centre galactique. Aujourd'hui, on a observé 6 objets de type G autour de Sgr A*, nommés de G1 à G6.
Les collisions d'étoiles semblent donc jouer un rôle crucial dans la formation des populations stellaires dans le parsec interne du centre galactique. Ce canal dynamique conduit à un certain nombre d’observables intéressantes, notamment des étoiles massives rajeunies proches de Sgr A*, des objets G et des étoiles géantes rouges manquantes. Les simulations à la base de cette étude se sont concentrées sur la dynamique de cet environnement dense en utilisant une approche statistique. Ces résultats soulignent la nécessité de futurs travaux pour explorer la riche interaction qui existe entre l'hydrodynamique, l'évolution stellaire et les collisions dans ce riche environnement entourant Sgr A*.
Source
Stellar Collisions in the Galactic Center: Massive Stars, Collision Remnants, and Missing Red Giants
Sanaea Rose et al.
The Astrophysical Journal, Volume 955, Number 1 (14 september 2023)
https://doi.org/10.3847/1538-4357/acee75
Illustrations
1. Visualisation des trajectoires des 6 objets G orbitant autour de Sgr A* (Anna Ciurlo, Tuan Do/UCLA Galactic Center Group)
2. Sanaea Rose
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