Parmi la population de plus 5000 exoplanètes connues à ce jour, il existe un trou incompris dans la distribution du rayon des planètes, entre les superTerres et les sous-Neptunes (vers R ∼ 1,7 R ⊕). Une équipe d'astronomes s'est repenchée sur cette question et a trouvé une solution très intéressante... Ils publient leur étude dans Nature Astronomy.
La "vallée du rayon" qui est observée dans la distribution du rayon des exoplanètes, sépare les super-Terres des sous-Neptunes (R ∼ 1,7 R ⊕). C'est une caractéristique clé que les modèles théoriques doivent expliquer mais n'ont pas encore réussi à faire. Classiquement, ce gap est interprété comme étant le résultat de la perte des enveloppes primordiales d’hydrogène et d’hélium (H/He) autour de noyaux rocheux.
Pour creuser cette problématique, Remo Burn (Max Planck Institut für Astronomie, Heidelberg) et ses collaborateurs ont construit une modélisation avancé de formation et d'évolution qui décrit la croissance et l'évolution des planètes, depuis des corps solides de la taille d'une lune dans un disque protoplanétaire jusqu'aux systèmes planétaires matures. En utilisant de nouvelles équations d'état et des modèles de structure intérieure pour traiter l'eau sous forme de vapeur mélangée à de l'hydrogène et de l'hélium, Burn et ses collaborateurs parviennent à reproduire naturellement la "vallée du rayon" à l'emplacement qui est observé dans la distribution statistiques des exoplanètes.
Les résultats montrent que la vallée du rayon peut être interprétée comme la séparation entre des super-Terres rocheuses formées in situ et des sous-Neptunes plus massives, mais formées ex situ et qui seraient riches en eau. Et ces résultats permettent aussi de retrouver ce que les astronomes appellent la "falaise du rayon" : une chute abrupte qui se produit à des rayons plus grands (R > 3 R ⊕).
L'approche statistique de Burn et son équipe indique que la distribution synthétique des rayons qu'ils reproduisent est quantitativement en accord avec les observations. En couplant un modèle global de formation de planètes avec une migration orbitale et des interactions à N corps avec différentes voies d'évolution, les chercheurs identifient en fait deux scénarios qui conduisent ensemble à une distribution des rayons planétaires cohérente avec l'emplacement observé de la vallée du rayon.
D'un côté, les planètes de type Super-Terres contenant initialement un mélange d'hydrogène et d'hélium doivent perdre leur atmosphère en raison de la photo évaporation, ce qui a pour effet de peupler dans la distribution le pic des super-Terres qui ont un noyau rocheux évaporé.
De l'autre côté, les chercheurs expliquent comment la migration orbitale peut façonner la répartition des planètes principalement riches en eau et à enveloppe de vapeur, qui peuplent le pic des sous-Neptunes. Un aspect clé ici est l’état de l’eau, qui doit être dans une phase de vapeur supercritique mélangée à H/He. Ces sous-Neptunes seraient surreprésentées parce que la migration vers l'extérieur du système stellaire à favorisé le maintien d'une forte enveloppe gazeuse, voire son grossissement.
En résumé, au départ, il n'y aurait pas eu de trou ou de vallée. Les SuperTerres étaient initialement aussi grosses que les sous-Neptunes (toutes peuplant la fameuse vallée), mais les futures sous-Neptunes se sont éloignées de leur étoile et on un peu grossi à cause de l'eau qu'elle contiennent, tandis que les futures super-Terres, elles, ont subi un mécanisme évolutif de perte de masse : une fuite atmosphérique (évaporation), ce qui les a fait quitter la vallée pour se rapprocher de R ∼ 1,2 R ⊕). Sans évaporation, les planètes rocheuses avec de petites atmosphères H/He qui se forment pendant la phase de disque gazeux à l'intérieur de la ligne de glace conduiraient à des planètes de faible masse avec de grands rayons, ce qui entraînerait une distribution de rayons incompatible avec les observations...
L'explication théorique que les chercheurs fournissent aujourd'hui est une solution hybride qui s'applique à la fois à la vallée du rayon et à la falaise du rayon, dans laquelle ce sont la migration orbitale et l'évasion atmosphérique qui jouent des rôles prépondérants. Et la solution de Burn et ses collaborateurs implique une prédiction qui pourrait être observable. En effet, ça ne marche que si il existe des sous-Neptunes riches en eau. Selon eux, si cette prédiction s’avérait incorrecte, cela nécessiterait une révision des aspects fondamentaux de la théorie de la formation planétaire. Ils évoquent par exemple les aspects liés aux structures de disques protoplanétaires qui devraient conduire à une moindre migration orbitale ou à une plus grande efficacité des pertes volatiles lors de l'assemblage des planètes.
Aujourd'hui, on n'a encore très peu (voire pas) de données d'observation de la composition des sous-Neptunes, mais avec l'aide du télescope spatial Webb et de la future mission ARIEL, les astronomes espèrent bien trouver des preuves de l'existence de sous-Neptunes riches en eau.
Source
A radius valley between migrated steam worlds and evaporated rocky cores
Remo Burn, et al.
Nature Astronomy (9 february 2024)
Illustrations
1. Distribution des rayons des exoplanètes (R. Burn, C. Mordasini / MPIA)
2. Remo Burn
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