En 2019, on a découvert qu'une population de naines blanches maintenait une luminosité constante pendant une durée comparable à l'âge de l'univers, signalant la présence d'une source d'énergie puissante, encore inconnue, qui inhibe leur refroidissement.
On estime que plus de 97 % des étoiles de la Voie lactée deviendront éventuellement des naines blanches.
Après avoir épuisé leur source d'énergie nucléaire, les naines blanches arrêtent de produire de la chaleur et se refroidissent jusqu'à ce que le plasma dense de leur intérieur gèle et que l'étoile se solidifie de l'intérieur vers l'extérieur.
Ce processus de refroidissement peut prendre des milliards d'années. Pour que les naines blanches arrêtent de se refroidir, elles doivent disposer d'un moyen de générer de l'énergie supplémentaire. L'astrophysicien canadien Antoine Bédard (université de Warwick) et ses collaborateurs donnent une explication au phénomène d'inhibition du refroidissement qui est observé.
Selon leur modèle, pour certaines compositions de naines blanches, le processus de solidification devrait déclencher un mécanisme de distillation solide-liquide, en raison de la phase solide appauvrie en impuretés lourdes. La plupart des naines blanches de masse élevée devraient avoir des noyaux O – Ne, qui cristallisent selon le scénario standard. Cependant, certaines fusions stellaires devraient produire des naines blanches de type C–O contenant des quantités considérables d'impuretés lourdes riches en neutrons, comme le 22Ne, une composition qui est propice à la formation de cristaux flottants et transformant la cristallisation classique en un processus de distillation. Pour montrer que la grande quantité d'énergie gravitationnelle libérée par la distillation peut expliquer toutes les caractéristiques des naines blanches qui semblent ne pas se refroidir, les chercheurs ont calculé de nouveaux modèles de refroidissement de naines blanches C–O de masse élevée (entre 1,00 et 1,25 M☉ ) avec une teneur de 22Ne raisonnablement élevé (3% en masse), dans lesquels la distillation est incluse de manière cohérente. Ils ont ensuite simulé des populations de naines blanches de masse élevée comprenant 5 à 9 % de ces objets, le reste étant constitué de naines blanches O – Ne normales sans distillation. Bédard et ses collaborateurs parviennent ainsi à reproduire (pour la première fois) les caractéristiques de la population des naines blanches anormales. Lorsqu'ils n'incluent pas le processus de distillation, la distribution obtenue ne reproduit pas les observations.
Bédard et al. expliquent le processus de distillation : le plasma dense à l’intérieur de la naine blanche ne gèle pas simplement de l’intérieur vers l’extérieur.
Au lieu de cela, les cristaux solides qui sont formés lors de la solidification sont moins denses que la phase liquide et veulent donc flotter. Mais lorsque les cristaux se délacent vers le haut, ils déplacent le liquide plus lourd vers le bas, qui se met alors à former des cristaux solides, qui vont remonter et fondre. Ce transport incessant de matériaux plus lourds vers le centre de l'étoile libère de l'énergie gravitationnelle, et il se trouve que cette énergie est tout à fait suffisante pour interrompre le processus de refroidissement de l'étoile pendant des milliards d'années.
Outre l'accord avec le nombre d'étoiles dans le diagramme de Hertzsprung – Russell, le scénario de distillation est également cohérent avec la contrainte sur le temps de retard de refroidissement observé qui est supérieur à 8 Gigannées. Bédard et al. montrent que le refroidissement, autrement continu, est presque ici complètement stoppé par le processus de distillation, pendant 7 à 13 Gigannées (en fonction de la masse stellaire) par la libération d'énergie qu'il produit. Bédard et al. montrent par ailleurs que plus la masse de la naine blanche est élevée, plus le délai est court, car un objet plus massif commence à cristalliser et à distiller à une luminosité plus élevée et élimine ainsi plus rapidement son énergie supplémentaire.
Ces résultats ont de profondes implications pour l'utilisation de naines blanches dans la datation des populations stellaires. En effet, les naines blanches sont couramment utilisées comme indicateurs d’âge : plus une naine blanche est froide, plus on suppose qu’elle est âgée. Mais en raison du retard de refroidissement qui est constaté chez certaines naines blanches, les étoiles d'une température donnée peuvent être en fait des milliards d'années plus vieilles qu'on ne le pensait auparavant. Une prise en compte appropriée des effets de la distillation devient nécessaire pour déterminer de manière fiable les âges de refroidissement des naines blanches de masse élevée, qui sont considérées comme les indicateurs les plus directs de la formation stellaire passée, compte tenu de la courte durée de vie de leur séquence principale.
Mais les astrophysiciens notent dans leur conclusion qu'il est également prévu que la distillation se produise dans les naines blanches de masse plus faible et de composition standard, ce qui provoquerait des retards de refroidissement d'environ 1 Gigannée, et augmenterait donc les estimations d'âge pour la plupart des restes stellaires anciens...
Cette découverte théorique nécessitera donc que les astrophysiciens revisitent la méthode qu'ils utilisent pour déterminer l'âge des populations stellaires.
Source
Buoyant crystals halt the cooling of white dwarf stars
Antoine Bédard, et al.
Nature (6 march 2024)
Illustrations
1. Vue d'artiste de l'intérieur d'une naine blanche classique (University of Warwick/Mark Garlick))
2. Schéma du principe du processus de distillation dans les naines blanches (Bédard et al.)
3. Antoine Bédard
Bonjour,
RépondreSupprimerBien que les conditions, phases et mécanismes diffèrent, cette distillation des NB n'est pas sans rappeler la "pluie" d'hélium liquide dans l'hydrogène métallique de Saturne et sans doute Jupiter, qu'on pourrait aussi considérer comme une distillation, avec dans les 2 cas transformation d'énergie gravitationnelle en chaleur ralentissant le refroidissement de l'astre sur des échelles de temps longues, des gigans.