Le 2 juillet 2025 a eu lieu un événement extraordinaire : un sursaut gamma a été détecté sur une durée de près de 7h d'affilée ! La plupart des sursauts gamma (GRB) de longue durée ne durent au maximum que quelques minutes. Il est probable que cet événement sans précédent annonce un nouveau type d'explosion stellaire. Selon les astrophysiciens, la meilleure explication de cette explosion est qu'un trou noir a englouti une étoile, mais ils ne s'accordent pas sur la manière dont cela s'est produit et d’autres hypothèses restent valides. Une série d’articles consacrés à GRB 250702 sont parus ou à paraître, dont celui décrivant l’émission de rayons gamma, paru dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Détectés en moyenne une fois par jour, les sursauts gamma peuvent apparaître n'importe où dans le ciel sans avertissement. Il s'agit d'événements très lointains, l'exemple le plus proche connu ayant eu lieu à plus de 100 millions d'années-lumière. GRB 250702 a été détecté par de multiples instruments en orbite : tout d’abord le télescope spatial Fermi puis par le télescope Swift, ainsi que par l'instrument russe Konus de la mission Wind, mais aussi par le spectromètre gamma et neutronique de Psyche — la sonde spatiale de la NASA actuellement en route vers l'astéroïde 16 Psyche — et enfin par l'instrument japonais MAXI (Monitor of All-sky X-ray Image) de la Station spatiale internationale. Le télescope à rayons X à grand champ de la sonde chinoise Einstein Probe a également détecté le sursaut en rayons X et a montré qu'un signal était présent la veille. Le sursaut a duré si longtemps qu'aucun moniteur à haute énergie dans l'espace ne pouvait l'observer dans son intégralité. Ce n'est que grâce à la puissance combinée de plusieurs détecteurs spatiaux que les chercheurs ont pu suivre l’ampleur du phénomène.
La bouffée initiale de rayons gamma du 2 juillet a duré au moins 7 heures, soit près de deux fois plus longtemps que le plus long sursaut gamma jamais observé auparavant, et elle comporte d'autres propriétés inhabituelles. La durée record de l'explosion de GRB 250702B, la place dans une catégorie à part. Sur les quelque 15 000 GRB observés depuis que le phénomène a été reconnu pour la première fois en 1973, seule une demi-douzaine s'en approche. La plupart des sursauts durent de quelques millisecondes à quelques minutes et se forment de deux manières, soit par la fusion de deux étoiles à neutrons, soit par l'effondrement d'une étoile massive une fois que son cœur est à court de combustible. Dans les deux cas il se forme un trou noir. Une partie de la matière tombant vers le trou noir est ensuite canalisée en jets de particules compacts qui s'échappent à une vitesse proche de celle de la lumière, créant des rayons gamma au passage. Mais aucun de ces deux types d’événements ne peut facilement créer des jets capables de se propager pendant plusieurs jours, ce qui explique pourquoi GRB 250702B pose un casse-tête unique.
La première localisation précise a été obtenue le 3 juillet, lorsque le télescope à rayons X Swift a imagé le sursaut dans la constellation du Bouclier, près du plan poussiéreux et encombré de notre galaxie. Compte tenu de cet emplacement et de la détection des rayons X la veille, les astronomes se sont d’abord demandé si cet événement pouvait être un type différent d'explosion provenant d'un endroit situé dans notre propre galaxie. Mais les images provenant de certains des plus grands télescopes de la planète, notamment ceux des observatoires Keck et Gemini à Hawaï et du VLT (Very Large Telescope), ont laissé entrevoir la présence d'une galaxie à cet endroit. Les astronomes se sont donc tournés vers le télescope spatial Hubble de la NASA pour obtenir une image plus nette.
Les données du Hubble ne sont pas très bien résolues et elles pourraient montrer soit deux galaxies en fusion, soit une galaxie avec une grosse bande sombre de poussière divisant le noyau en deux parties. Qu’à cela ne tienne, les astrophysiciens se sont donc empressés de demander du temps d’observation avec le télescope Webb. Et les images obtenues avec l'instrument NIRcam permettent de voir très clairement que le sursaut a brillé à travers une bande de poussière qui s'étend à travers la galaxie.
Et puis fin août, une équipe dirigée par Benjamin Gompertz de l'université de Birmingham a utilisé l'instrument NIRSpec de Webb et le VLT pour déterminer la distance de la galaxie et d'autres propriétés. La galaxie se situe à une distance de 8 milliards d’années.
Une étude approfondie de la lumière X suivant le sursaut principal a utilisé les observations de Swift, ainsi que de Chandra et de NuSTAR (Nuclear Spectroscopic Telescope Array). Les données de Swift et NuSTAR ont révélé des éruptions rapides survenant jusqu'à deux jours après la découverte du sursaut.
Les astrophysiciens estiment que l'accrétion continue de matière par le trou noir a alimenté un flux sortant qui a produit ces éruptions, mais aussi que le processus s'est poursuivi bien plus longtemps que ce qui est possible dans les modèles GRB standard. Les éruptions tardives de rayons X montrent que la source d'énergie de l'explosion a refusé de s'éteindre, ce qui signifie que le trou noir a continué à s'alimenter pendant au moins quelques jours après l'éruption initiale.
En revanche, les données des télescopes Fermi et Swift indiquent un GRB typique, bien que d'une durée très inhabituelle. Les observations spectroscopiques de Webb n'ont pas détecté d'explosion de supernova, qui accompagne généralement un GRB résultant de l'effondrement d'une étoile, bien qu'elle ait pu être masquée par la poussière et la distance. On l’a dit, Einstein Probe a détecté des rayons X un jour avant le sursaut gamma, tandis que NuSTAR a enregistré des sursauts de rayons X jusqu'à deux jours après, ce qui n'est pas du tout typique des GRB.
De plus, une étude détaillée menée par Jonathan Carney (université de Caroline du Nord) et ses collaborateurs, montre que la galaxie hôte est très différente des galaxies généralement petites qui abritent la plupart des GRB résultant d'un effondrement stellaire. Cette galaxie a une masse plus de deux fois supérieure à celle de notre galaxie.
Dans les deux scénarios les plus discutés par les astrophysiciens pour expliquer les caractéristiques de GRB 250702B, un trou noir aurait englouti une étoile en environ un jour.
Le premier scénario fait appel à un trou noir de masse intermédiaire, d'une masse de quelques milliers de masses solaires. Une étoile s'approche trop près, est étirée le long de son orbite par les forces gravitationnelles et est rapidement consommée par le trou noir, un événement de disruption par marée, mais causé par un trou noir de masse intermédiaire. Le second scénario fait quant à lui intervenir un petit trou noir, de masse stellaire, qui aurait été absorbé dans une étoile et l’aurait avalé rapidement.
C’est le second scénario qui est privilégié par Eliza Neights (université George Washington) et ses collaborateurs car, si ce sursaut est similaire aux autres, la masse du trou noir doit nécessairement être plus proche de celle du Soleil. Leur modèle envisage un trou noir d'une masse environ trois masses solaires, avec un horizon des événements de seulement 18 kilomètres de diamètre, en orbite autour d'une étoile compagne avec laquelle il fusionne. L'étoile a une masse similaire à celle du trou noir, mais elle serait beaucoup plus petite que le Soleil. En effet, son atmosphère d'hydrogène aurait été presque entièrement dépouillée, ne laissant que son noyau dense d'hélium, formant un objet qu’on appelle une étoile d'hélium.
Dans les deux cas, la matière de l'étoile s'écoule d'abord vers le trou noir et s'accumule dans un vaste disque, à partir duquel le gaz effectue sa plongée finale dans le trou noir. À un certain moment de ce processus, le système commence à briller intensément en rayons X. Puis, à mesure que le trou noir consume rapidement la matière de l'étoile, des jets de particules et des rayons gamma sont émis vers l'extérieur.Le modèle d'étoile à hélium fait une prédiction unique : une fois que le trou noir est totalement immergé dans le corps principal de l'étoile, la dévorant de l'intérieur, l'énergie qu'il libère fait exploser l'étoile et alimente une supernova.
Malheureusement, cette explosion s'est produite derrière d'énormes quantités de poussière, ce qui signifie que même la puissance du télescope Webb n'a pas suffi pour voir la supernova attendue. Les preuves irréfutables permettant d'expliquer ce qui s'est passé le 2 juillet devront attendre de futurs événements, mais GRB 250702B a déjà fourni de nouvelles informations sur les GRB les plus longs, en grande partie grâce à la surveillance constante de la flotte d'observatoires et d'instruments en orbite.
Source
GRB 250702B: Discovery of a Gamma-Ray Burst from a Black Hole Falling into a Star
Eliza Neights et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (14 novembre 2025)
https://doi.org/10.1093/mnras/staf2019
Illustrations
1. Image de la galaxie hôte de GRB 250702B par le télescope Webb (Neights et al.)
2. Vue d'artiste de GRB 250702B (NOIRLab/NSF/AURA/M. Garlick)
3. Eliza Neights


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