On ne le sait pas forcément mais les étoiles à neutrons ne sont pas composées uniquement de neutrons. Ces résidus d'effondrement de cœurs d'étoiles sont certes très majoritairement composées de neutrons, mais elles possèdent généralement une croûte, épaisse de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres (pour un rayon de l'étoile de l'ordre de la dizaine de kilomètres). Et cette croûte est composée des restes d'atomes dont les protons ne se sont pas tous transformés en neutrons en absorbant les électrons écrasés par la pression gigantesque à l’œuvre dans ces objets hors norme.
Vue d'artiste d'une étoile à neutrons |
Ces protons résiduels sont encore liés à des neutrons sous forme de noyaux d'atomes très enrichis en neutrons (des noyaux qui n'existent pas dans la vie de tous les jours par chez nous, et qui d'ailleurs sont hautement radioactifs et se désintègrent en quelques fractions de secondes le plus souvent).
Pour étudier les phénomènes qui ont lieu à la surface des étoiles à neutrons et cette physique nucléaire de l'extrême, des physiciens essayent de reproduire les noyaux exotiques produits de la sorte lors des explosions d'étoiles suivies d'effondrement. Et ils y arrivent.
Très récemment, de nouveaux résultats ont été publiés par des physiciens européens et japonais sur la mesure de la masse d'un noyau très riche en neutrons, le zinc-82, qui comporte 30 protons et 52 neutrons et qui pourrait former une grande part des noyaux exotiques rencontrés sur la croûte des étoiles à neutrons.
Isoltrap (CERN) |
Pour mesurer la masse exacte de ces noyaux, les physiciens utilisent un faisceau de noyaux radioactifs (installation ISOLDE du CERN), associé à un spectromètre de masse de très grande performance (qui utilise des mesures de temps de vol pour évaluer la masse), ISOLTRAP.
L'équipe menée par R. Wolf a ainsi pu, à partir de cette nouvelle valeur de masse du Zn-82, calculer la composition de la croûte des étoiles à neutrons en résolvant les fameuses équations de Tolman-Oppenheimer-Volkoff associées à un modèle robuste d'étoile à neutrons. Ils trouvent ainsi que la composition généralement admise jusque là doit être complètement revue! Il ne peut pas y avoir de Zn-82 en grande quantité, mais a contrario, c'est plutôt du Nickel-78 (28 protons pour 50 neutrons) qu'on devrait y trouver..
Les recherches menées au CERN servent non seulement à découvrir des nouvelles particules fondamentales, mais aussi à étudier l'astrophysique nucléaire, et notamment la nature des étoiles à neutrons, une activité peu connue et qui mérite de l'être.
source :
Plumbing Neutron Stars to New Depths with the Binding Energy of the Exotic Nuclide Zn-82
R. Wolf et al.
Phys. Rev. Lett. 110, 041101 (2013)
R. Wolf et al.
Phys. Rev. Lett. 110, 041101 (2013)