samedi 26 janvier 2013

La Croûte des Etoiles à Neutrons étudiée au CERN

On ne le sait pas forcément mais les étoiles à neutrons ne sont pas composées uniquement de neutrons. Ces résidus d'effondrement de cœurs d'étoiles sont certes très majoritairement composées de neutrons, mais elles possèdent généralement une croûte, épaisse de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres (pour un rayon de l'étoile de l'ordre de la dizaine de kilomètres). Et cette croûte est composée des restes d'atomes dont les protons ne se sont pas tous transformés en neutrons en absorbant les électrons écrasés par la pression gigantesque à l’œuvre dans ces objets hors norme.

Vue d'artiste d'une étoile à neutrons
Ces protons résiduels sont encore liés à des neutrons sous forme de noyaux d'atomes très enrichis en neutrons (des noyaux qui n'existent pas dans la vie de tous les jours par chez nous, et qui d'ailleurs sont hautement radioactifs et se désintègrent en quelques fractions de secondes le plus souvent).

Pour étudier les phénomènes qui ont lieu à la surface des étoiles à neutrons et cette physique nucléaire de l'extrême, des physiciens essayent de reproduire les noyaux exotiques produits de la sorte lors des explosions d'étoiles suivies d'effondrement. Et ils y arrivent.

Très récemment, de nouveaux résultats ont été publiés par des physiciens européens et japonais sur la mesure de la masse d'un noyau très riche en neutrons, le zinc-82, qui comporte 30 protons et 52 neutrons et qui pourrait former une grande part des noyaux exotiques rencontrés sur la croûte des étoiles à neutrons.

Isoltrap (CERN)
Pour mesurer la masse exacte de ces noyaux, les physiciens utilisent un faisceau de noyaux radioactifs (installation ISOLDE du CERN), associé à un spectromètre de masse de très grande performance (qui utilise des mesures de temps de vol pour évaluer la masse), ISOLTRAP.

L'équipe menée par R. Wolf a ainsi pu, à partir de cette nouvelle valeur de masse du Zn-82, calculer la composition de la croûte des étoiles à neutrons en résolvant les fameuses équations de Tolman-Oppenheimer-Volkoff associées à un modèle robuste d'étoile à neutrons. Ils trouvent ainsi que la composition généralement admise jusque là doit être complètement revue! Il ne peut pas y avoir de Zn-82 en grande quantité, mais a contrario, c'est plutôt du Nickel-78 (28 protons pour 50 neutrons) qu'on devrait y trouver..

Les recherches menées au CERN servent non seulement à découvrir des nouvelles particules fondamentales, mais aussi à étudier l'astrophysique nucléaire, et notamment la nature des étoiles à neutrons, une activité peu connue et qui mérite de l'être.



source :
Plumbing Neutron Stars to New Depths with the Binding Energy of the Exotic Nuclide Zn-82
R. Wolf et al.
Phys. Rev. Lett. 110, 041101 (2013)
 

jeudi 24 janvier 2013

Un Proton de Taille Variable ?

C'est un résultat très mystérieux... Le proton, la particule sans doute la plus connue, qui est la brique élémentaire de tous les noyaux d'atomes (avec son cousin le neutron), et qui forme à lui tout seul le noyau du plus léger d'entre eux, l'hydrogène, peut être mesuré par des techniques très élaborées, par exemple en bombardant des atomes d'hydrogène avec des électrons puis en analysant comment se comportent les niveaux d'excitation des électrons à l'aide de lasers. Ces techniques convergent toutes vers une valeur de 0,87 femtomètres pour le proton (1 fm = 10-15 m, ou si vous préférez un millionième de milliardième de mètre).

C'est ce qu'on pensait depuis toujours (depuis que l'on fait ces mesures). Mais une autre technique un peu similaire existe, et emploie des muons au lieu d'électrons : on bombarde des atomes d'hydrogène avec un faisceau de muons. De cette manière, un muon (qui est un cousin plus lourd de l'électron) peut prendre la place de l'électron de l'atome d'hydrogène.

Ensuite, en excitant les niveaux d'énergie de l'atome muonique produit, on arrive indirectement à la valeur du rayon du proton. 

Schéma du proton composé de 3 quarks.
 Et là, stupeur! Les physiciens ne trouvent pas 0,87 fm, mais 0,84 fm ! La première expérience du genre utilisant des muons remonte à 2010.
Mais voilà qu'aujourd'hui, une nouvelle expérience effectuée là encore avec des muons mais utilisant des niveaux d'énergie d'excitation différents pour l'analyse et le calcul du rayon du proton donne à nouveau une valeur plus faible que celle obtenue avec des électrons : toujours 0,84 fm au lieu de 0,87 fm...  
 Aldo Antognini, du Swiss Federal Institute of Technology de Zurich, qui signe cette annonce dans la revue Science, précise que cette mesure est absolument compatible avec la précédente de 2010 effectuée avec des muons mais pas du tout avec toutes les autres effectuées avec des électrons....

Que ce passe-t-il ?
Personne n'est aujourd'hui capable de comprendre l'origine de cet écart. Les deux types d'expériences ne peuvent pas du tout être remises en cause, les barres d'incertitude sont beaucoup plus faibles que la différence observée...

Serait-ce une découverte inattendue d'une nouvelle physique ? Le muon se comporterait-il différemment de l'électron vis à vis du proton ?  L'effet devrait en tous cas être vraiment faible car il aurait été vu ailleurs, notamment au LHC...
Même si il est difficile d'imaginer une telle différence fondamentale entre les électrons et les muons, il est autant difficile de comprendre ce qui aurait pu clocher dans les expériences.

On en est là aujourd'hui : expérimentateurs et théoriciens se grattent la tête ...


source :
Antognini, A. et al.  
Science 339, 417420 (2013).

mercredi 23 janvier 2013

Des ExoTerres en Zone Habitable par Milliards

Une des annonces les plus remarquées lors du 221ème meeting de l'American Astronomical Society (AAS) qui s'est tenu il y a deux semaines en Californie est sans doute celle de Courtney Dressing, qui a exposé une étude statistique sur la base des données du satellite Kepler et a conclu que les exoplanètes de la taille de la Terre (exoTerres) et se trouvant dans la zone habitable (température permettant de l'eau liquide), pullulaient littéralement dans notre galaxie… la plus proche de nous devant se trouver dans un rayon de 20 années-lumière…
L'étude effectuée par Courtney Dressing et David Charbonneau de Harvard, s'est focalisée sur les planètes de la taille de la Terre (entre 0.5 et 2 fois sa taille) orbitant autour d'étoiles naines de type M (ces étoiles représentant pas moins de 75% des étoiles de notre galaxie).
Le satellite Kepler a été conçu pour observer, lui, des étoiles un peu plus grosses que les naines M mais il enregistre tout ce qui se trouve dans son champ de vue et notamment les faibles naines M : sur les 150000 étoiles qu'il regarde, les naines M ne sont que 5000 environ.

Vue d'artiste d'une exoTerre (JPL/CalTech)
Alors que les données de Kepler ne permettent pas de calculer l'occurrence des exoterres en zone habitable sur les étoiles brillantes de type solaire qu'il observe en priorité, en revanche, Dressing et Charbonneau ont trouvé qu'il était possible de le faire sur les étoiles naines M. La raison qui a rendu cela possible est que les naines M étant relativement froides, leur zone habitable est beaucoup plus proche (environ au niveau de l'orbite de Mercure), du coup, les planètes qui se trouvent là font entre 5 et 7 transits durant une année terrestre, ce qui donne beaucoup plus de données pour Kepler. 
D'autre part, ces naines M étant plus petites qu'une étoile comme le soleil, les transits de planètes produisent une baisse de luminosité beaucoup plus grande, facilitant d'autant la détection.
Dressing et Charbonneau ont épluché les données de 3609 naines M parmi les 5000 de Kepler et concluent que chacune d'elle a une probabilité de 87% d'abriter une exoTerre en zone habitable ou plus proche de l'étoile, avec une orbite de 50 jours ou moins.
Ce chiffre considérable est de plus cohérent avec peut-être le second plus remarquable exposé de l'AAS221, celui de John Johnson, de Caltech, qui a calculé le nombre total de planètes (toutes tailles et zones confondues) contenues dans notre Galaxie et qui trouve… 100 milliards ! (vous lisez bien). 
Une autre étude statistique présentée le même jour par l'astronome Francois Fressin, du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics à Cambridge, va également dans le même sens en montrant que le nombre d'exoterres, tous types d'étoiles et toutes zones confondues seraient au nombre de 17 milliards dans notre galaxie…
Les astronomes de Harvard menés par Courtney Dressing ont estimé plus précisément l'occurrence des exoterres en zone habitable autour des naines M : ils trouvent que 6% des naines M du champ de vue de Kepler possèderaient de telles planètes.
Ce chiffre peut sembler faible mais comme je le disais plus haut les naines M sont très nombreuses dans la galaxie, et quand on prend en considération cette grande population, on trouve que la plus proche exoterre habitable doit statistiquement se trouver dans un rayon de 20 années-lumières de nous seulement !...
Des exoterres en zone habitable aussi proches de nous devraient ainsi pouvoir être observées très facilement une fois détectées, peut-être même sans attendre le prochain télescope spatial…

Sources :
Small stars host droves of life-friendly worlds
R. Cowen  Nature News (09 January 2013)


Dressing, C. D. & Charbonneau,
D. Abstr. 216.6 221St Meeting of the American Astronomical Society, Long Beach, California (2013).

dimanche 20 janvier 2013

Fermi, Nouveau Télescope Dédié à la Matière Noire ?

Le télescope gamma Fermi-LAT est actuellement le meilleur instrument que nous avons en orbite pour étudier les phénomènes les plus violents de l'Univers, qui émettent des rayons gamma de haute et très haute énergie (plusieurs dizaines voire centaines de GeV). Il permet notamment d'étudier les pulsars, les noyaux actifs de galaxies, les sursauts gamma attribués à des trous noirs par exemple, et toutes sortes d'objets plus ou moins exotiques produisant des rayonnements très énergétiques.

Il y a un pu plus d'un an, des données brutes de Fermi-LAT avaient été rendues publiques et mises à disposition de la communauté scientifique. Quelques équipes d'astrophysiciens et de physiciens des astroparticules s'en étaient emparé et, à la stupeur générale, certains d'entre eux avaient annoncé avoir trouvé une raie monoénergétique à 130 GeV provenant spécifiquement du centre galactique, dans le fouilli des spectres gamma collectés... (voir Rayons gamma de 130 GeV, un signe de matière noire ?). 

Vue d'artiste de Fermi (SLAC)
Trouver des photons gamma en nombre possédant une énergie très bien définie (tous la même) n'est pas anodin, puisqu'il implique une origine très particulière (sic!) pour ces photons, à savoir un phénomène d'annihilation de particules avec leurs antiparticules. Et sans aller par quatre chemins, une telle énergie d'annihilation, qui plus est en provenance du centre galactique, là où la concentration de matière et de matière noire est la plus importante, fait tout de suite penser à l'annihilation de WIMPs, et donc à la découverte indirecte de la présence de matière noire et la détermination de leur masse... Pas anodin, disais-je.

Sauf que les équipes ayant trouvé ces signes de gammas à 130 GeV ont travaillé sur des données brutes, sans avoir la connaissance de tous les paramètres d'acquisition des données par Fermi-LAT, qui étaient en possession de l'équipe américaine de Fermi seule (elle n'a pas tout fourni, et c'est presque de bonne guerre). L'analyse des données par l'équipe de Fermi était donc très attendue et est finalement arrivée fin 2012, pour conclure qu'ils ne pouvaient pas affirmer voir un excès de signal à 130 GeV... (voir Pas de WIMPs pour Fermi-LAT).

Sources gamma cataloguées par fermi-LAT (Fermi Collaboration/NASA)
Fin de l'histoire ? Il semblerait que non. En effet, les astrophysiciens exploitant le satellite Fermi, dont la mission devrait s'arrêter à l'été 2013, viennent de lancer un appel à la communauté pour trouver de nouvelles stratégies d'exploitation du télescope pour explorer spécifiquement les traces indirecte de matière noire sous forme de rayons gamma... En un mot : changer la mission initiale de Fermi. C'est Julie McEnery, Project Scientist de Fermi à la NASA qui explique qu'une des motivations pour modifier la mission de Fermi est justement ces traces de gamma à 130 GeV du centre galactique...

Lorsque Julie McEnery dit :"Si nous parvenons à montrer l'existence de matière noire au centre de la galaxie, ce sera LE résultat du télescope Fermi", on comprend bien où semble être la priorité du moment, elle en oublierait presque toutes les prouesses déjà effectuées par Fermi-LAT dans les trois dernières années : production d'un catalogue très fourni de sources gamma et de de pulsars, découverte de zones d'émission gamma étonnantes de part et d'autre de notre galaxie (voir Les Bulles de Fermi), évaluation du nombre total d'étoiles dans l'Univers (voir Fermi mesure le nombre total d'étoiles), mesure d'excès d'antimatière (voir Trop de positrons dans le rayonnement cosmique), sans compter la découverte très récente du premier pulsar binaire millisecondes détecté via ses photons gamma (voir Le premier pulsar binaire millisecondes découvert par ses pulses gamma)...

Malgré leur premier résultat négatif sur la raie à 130 GeV, les scientifiques de la collaboration Fermi-LAT restent donc visiblement très ouverts sur ce type de recherche. Il faut dire que Fermi-LAT n'était pas prévu au départ pour rechercher spécifiquement des sources monoénergétiques en direction du centre galactique, là où il y a beaucoup de monde au balcon... 

Il est donc très intéressant de modifier la stratégie scientifique de ce superbe outil à 6 mois de sa fin de mission officielle, sachant qu'il pourrait fonctionner encore dix ans au bas mot...
La Matière Noire serait-elle plus "bankable" que les sursauts gamma ?

lundi 14 janvier 2013

Relativité Universelle de Magain (suite)

Pierre Magain ne lâche pas l'affaire ! (voir mon premier post sur le modèle cosmologique de Magain) Quelques jours avant Noël, il a déposé sur le site de preprints Arxiv, une deuxième version de son papier décrivant son modèle de Relativité Universelle. Il y fournit une introduction (qui n'existait pas dans la première version), plus quelques modifications dans la terminologie, son "proper time" deveint un "cosmic time", plus compréhensible. Il est mentionné également que l'article a été soumis à Physical Review Letters (PRL), qui est l'une des plus prestigieuses revues de physique (avec un facteur d'impact important)... 

Mais surtout, dans cette v2, outre que Magain a ajouté quelques références bibliographiques bien vues (comme la première référence, l'article de 1916 de Einstein sur la Relativité Générale, qui n'apparaissait pas dans la première version), il ajoute tout un paragraphe sur le problème de l'horizon (comment l'Univers peut-il être si homogène et isotrope pour des événements qui ne seraient pas liés causalement au départ, ce qui a été "résolu" par Guth en 1981 en introduisant le concept d'inflation).

Pour Magain, aucune inflation n'est nécessaire, puisque différentes régions d'Univers peuvent très bien n'avoir jamais eu de relations causales : la solution précisée maintenant dans ce nouveau paragraphe est d'une élégance inouïe par sa simplicité : dans l'équation que Magain obtient, le "flux de temps cosmique" dtau est proportionnel au "flux de temps de référence" dt comme l'inverse de la racine de la densité Oméga. Chaque région d'Univers est indépendante d'une autre, elle a donc son propre temps cosmique. 

Les régions qui ont une densité importante ont donc un temps qui s'écoule plus vite (dtau petit), ce qui fait que cette région s'étend plus vite, ce qui entraine du coup que la densité dans cette région décroit plus vite qu'ailleurs. Idem pour une région qui a une densité plus faible qu'ailleurs, son temps cosmique s'écoule plus lentement, l'expansion de cette région se fait alors moins vite et la densité y décroit donc plus lentement. Au final, au fur et à mesure de l'expansion, toutes les régions de l'Univers se retrouvent avec une densité presque identique partout, même si elles n'ont jamais été en contact causal!... 

Plus besoin d'imposer l'existence d'un contact causal dans l'Univers primordial, et donc plus besoin d'inventer une inflation au taux d'expansion démesuré (et à l'origine un peu absconse...)! Si le papier est accepté par le comité de lecture de PRL, ça sera une grande nouvelle! 
Le fait d'avoir choisi de publier dans un journal de physique très sérieux et à large impact plutôt que dans une revue d'astrophysique plus confidentielle est en tous cas de très bon augure. A suivre de près! 

L'article de P. Magain sur le site de préprints Arxiv :  
An expanding universe without dark matter and dark energy  
 http://arxiv.org/abs/1212.1110  

vendredi 11 janvier 2013

La Plus Grande Galaxie Spirale : NGC 6872

Ce n'est pas la plus lointaine, ce n'est pas la plus jeune (ni la plus vieille), ce n'est pas l'hôte du plus méchant trou noir supermassif, ce n'est pas la plus distordue, et pas non plus la plus fournie en matière noire. Je vous présente NGC 6872, qui a été couronnée la Galaxie Spirale la plus Grande que l'on connaisse ! 

Accrochez-vous à vos fauteuils, cette Spirale barrée (c'est son phénotype), mesure d'un bout de bras à l'autre, pas moins de 522 000 années-lumière !! C'est grand, très grand... juste cinq fois plus grand que notre Voie Lactée à nous, qui fait déjà partie des grandes galaxies spirales...

NGC 6872
Pour la petite histoire, on connaissait la très grande taille de NGC 6872, mais de nouvelles données dans l'Ultra-violet ont été obtenues par GALEX (Galaxy Evolution Explorer) au VLT, et ont permis de la rallonger un peu... ce qui donne ce nouveau record...
 

jeudi 10 janvier 2013

Véga Ceinturée d'Astéroïdes (et de Planètes ?)

Vous connaissez certainement Véga, cette étoile bleue très brillante que l'on peut admirer presqu'au zénith en été. Tellement brillante que seule Sirius la dépasse en magnitude dans notre Hémisphère (Nord) (hello australian friends!).
Véga fait aussi partie du célèbre grand triangle d'été avec ses comparses Altaïr et Deneb.

Si je vous parle de Véga, c'est parce qu'une équipe d'astronomes vient de mettre en évidence que cette grosse étoile, située à environ 25 A.L. de nous, serait entourée d'une grosse ceinture d'astéroïdes. En fait, pas une seule ceinture d'astéroïdes, mais deux : une grosse assez éloignée de l'étoile, et une seconde, dix fois plus rapprochée de l'étoile.

Schéma de la ceinture d'astéroïdes de Véga (NASA/ESA/CalTech)

Cette structure ressemble trait pour trait à ce qui existe autour d'une autre étoile proche (Formalhaut)... mais aussi à ce qui existe chez nous, avec la ceinture de Kuiper au fin fond du système solaire et la "ceinture d'astéroides", qui est située entre Mars et Jupiter.

La question est évidemment de savoir qu'est ce qui maintient ce vide entre la première ceinture et la seconde ceinture d’astéroïdes ? Et la réponse va presque de soi : des planètes...
Chez nous par exemple, c'est exactement ce qui se passe. Notre système est un bon exemple de comparaison après tout : la ceinture située entre Mars et Jupiter est maintenue gravitationnellement par les planètes telluriques (Mars, Terre, Vénus), tandis que la ceinture de Kuiper est quant à elle sculptée par les planètes gazeuses du fond... 

Pourquoi en serait-il autrement pour d'autres systèmes ? Kate Su, qui a présenté ses résultats lors du meeting de l'American Astronomical Association cette semaine, en est intimement convaincue.
Ces résultats ont été acceptés et seront publiés d'ici peu dans l'Astrophysical Journal.

Véga et Formalhaut sont assez similaires : toutes deux assez proches (environ 25 années-lumière), étoiles relativement jeune (environ 500 millions d'années), elles sont toutes les deux bleues.
Formalhaut possède déjà une candidate planète, mais dont la véritable nature est encore un peu controversée (voir Formalhaut b, l'exoplanète qui n'existait pas ?).
L'équipe de Kate Su a utilisé les télescopes Spitzer et Hershel pour scruter Véga et Formalhaut dans l'infra-rouge et ont pu cartographier ces ceintures de gros cailloux qui réemettent la chaleur absorbée de leur étoile.
Et comparé à nos astéroïdes à nous, ceux de Véga sont bien plus nombreux. Ceci est du au fait d'une part que Sol est bien plus âgé que Véga (4 milliards d'années de plus, ça compte, pour faire le ménage gravitationnel), et d'autre part, Véga s'est formée à partir d'un nuage de gaz et poussières beaucoup plus massif que celui de notre petit Sol...

Ce qui est étonnant ou amusant c'est qu'on retrouve, que ce soit avec Véga, avec Formalhaut, ou bien avec le Soleil, exactement la même structure de distance entre les deux ceintures d'astéroïdes : un rapport 1:10 : la deuxième ceinture est toujours 10 fois plus éloignée que la première. Su en conclue qu'il semble évident que de multiples planètes s'y trouvent, et qu'il ne faudra plus très longtemps avant de les détecter pour de vrai... Tous les espoirs sont permis avec le futur James Webb Space Telescope...

mardi 8 janvier 2013

Les Mondes de Kepler, des Milliers d'Exoplanètes

Dans cette animation étonnante se cachent toutes les exoplanètes candidates trouvées par le satellite Kepler en fonction du temps d'observation du satellite. 
Pour les besoins de l'animation, les planètes ont été représentées gravitant autour d'une unique étoile. Leur température est codée par la couleur, du plus froid (bleu) au plus chaud (rouge). Elles sont au nombre de 2299 au moment où j'écris ces lignes. Ne sont pas représentées des exoplanètes circumbinaires, ni des planètes qui n'auraient produit qu'un seul transit.

Parmi toutes ces planètes, certaines d'entre elles seront déclassées en faux-positifs, mais leur nombre total ne cessera de croitre... infiniment...


lundi 7 janvier 2013

Meeting AAS221, suivi Twitter...

Du 6 au 10 janvier se déroule le 221ème grand rassemblement de l'AAS (American Astronomical Society) à Long Beach en Californie. Y seront abordés tous les domaines de l'astrophysique, avec une forte proportion sur les exoplanètes. Suivez en direct ce qui se raconte là-bas, mais aussi ailleurs... grâce à Twitter :
 

Fil Fermé... Rendez-vous au prochain meeting...

Le Ciel d'Hiver : Les Gémeaux

Les GEMEAUX

Tout juste au Nord de la constellation d'Orion, se trouvent deux frères qui se donnent la main... les Gémeaux (Gemini) de la mythologie, Castor et Pollux, fils de Léda et Zeus. Castor et Pollux sont en fait les étoiles principales de cette constellation des Gémeaux.


 Approchons nous de cette constellation pour y découvrir les objets à voir ou à revoir....


 La tête de notre premier jumeau s'appelle Pollux, alors qu'elle est la plus brillante de la constellation, elle est classée comme étant béta Gem, une étrangeté historique. La tête de son frère n'est autre que Castor. Et c'est en fait cette seconde étoile qui possède un intérêt certain, bien plus que Pollux.
En effet, Castor, que vous devrez absolument aller voir de près n'est pas une simple étoile, mais un système multiple!
Castor possède deux composantes principales, blanches et brillantes, séparées par 6'' d'arc, mais chacune de ces composantes se trouve être elle-même un système binaire ! Et une troisième composante, elle-même également binaire gravite à 72'' de là. Castor est ainsi une étoile sextuple !! Une belle curiosité cise à 50 ans de nous pour la lumière.

Promenons nous plus avant parmi ces Gémeaux, nous nous dirigeons depuis Castor vers la main partagée par les deux frangins en descendant, et on s'arrête après avoir fait 3/4 du chemin. Ici se trouve un duo là encore, mais qui forme un unique objet en réalité. Il s'agit de NGC 2371 et 2372, qui sont deux lobes d'une même nébuleuse planétaire. Ces deux lobes sont symétriques et sont presque séparés, ce qui leur a valu un numéro chacun dans le New General Catalogue...


Poursuivons en nous rendant sur la main droite de Pollux. Cette étoile s'appelle Kappa Gem, elle vaut le coup d'oeil par sa nature double, étoiles séparées par 7.2'', une composante est jaune (magnitude 3.7) et l'autre blanche (magnitude 8.2).

Nous descendons maintenant légèrement en direction du genou de Pollux, pour trouver un peu au milieu de nulle part NGC 2420, un amas ouvert sympathique composé d'étoiles faibles, qui a l'avantage de très bien se détacher de son environnement.

Mais tout cela n'était qu'un échauffement, vous vous en doutez.... Nous allons passer au sérieux! Quand on est dans les Gémeaux, il faut aller voir l'une des plus célèbres nébuleuses planétaires du ciel, pas moins!
Il s'agit de la Nébuleuse du Clown (NGC 2392), qui a la particularité de montrer son étoile centrale (bien brillante avec une magnitude de 10.5). Cette nébuleuse planétaire est magnifique. On peut y déceler des détails dans son disque avec un télescope de plus de 200 mm.

Allez ensuite vous reposer les yeux non loin de là en vous rendant sur le ventre de Pollux et l'étoile Wasat.
Cette étoile double est amusante de par la différence d'éclat entre ses deux composantes (3.5 et 8.2) séparées par 5.4'', la plus faible des deux étant nettement jaune, presque orange.


 Avant de finir en beauté comme à notre habitude, je vous envoie voir un petit amas assez difficile à voir. C'est NGC 2158, composé d'étoiles faibles et qui se situe du côté Castor, plus exactement à côté de son pied gauche. Voir cet amas est un très bon indicateur de la qualité de votre ciel...

Alors nous arrivons à la fin de notre voyage dans les Gémeaux, et je vous invite au clou du spectacle : tout juste à côté de NGC 2158, vous trouverez sans mal M35,qui est probablement l'un des plus beaux amas ouverts de notre ciel. On peut y voir une sorte de chaîne d'étoiles qui traverse son centre. De nombreuses étoiles doubles y sont cachées, saurez-vous les trouver ?

M35 et NGC 2158


jeudi 3 janvier 2013

Andromède : Des Galaxies Naines en Orbite !

Waouh, la Galaxie d’Andromède fait la couv’  du premier numéro de l’année de Nature ! Et pourquoi donc ? Des astronomes viennent de découvrir que les galaxies naines qui tournent autour d’Andromède ne le font pas au hasard : elles tournent autour en formant un grand disque très fin, et tournent dans le même sens… 

Cette découverte fascinante apporte de nouvelles contraintes sur les théories de formation des galaxies.
Andromède (qu’on appelle aussi M31) est la galaxie la plus proche de la nôtre, située à environ 2,5 millions d’années-lumière, elle est très semblable à notre voie lactée, on dit souvent que ces deux galaxies sont des jumelles. Et toutes les deux possèdent des petites galaxies naines qui sont liées gravitationnellement avec leur galaxie géante.
Galaxie d'Andromède (M31) accompagnée de quelques naines satellites

C’est grâce à cette proximité que les galaxies naines entourant Andromède ont pu être étudiées en détail, notamment leur vitesse et leurs distances. L’équipe menée par Rodrigo Ibata, de l’observatoire de Strasbourg, a utilisé les données du télescope CFHT (Canada-France-Hawai Telescope) pour étudier ces galaxies naines. Ils ont trouvé que, sur les 27 galaxies naines satellites de Andromède recensées ayant une distance jusqu’à 1,3 millions d’années-lumière de la galaxie géante, la moitié d’entre elles  se situent dans un plan épais de seulement 45000 années-lumière et partagent une structure de vitesse cohérente : celles situées au Nord de M31 s’éloignent de nous et celles situées au Sud se rapprochent.

Aucun astrophysicien n’aurait osé prédire un tel comportement. Et il y a mieux encore : notre propre galaxie (jumelle d’Andromède) se trouve dans le même plan que ces 13 galaxies satellites d’Andromède !
Cette découverte de l’existence d’un tel plan de rotation est un résultat spectaculaire. Bien que le disque galactique de M31 est incliné d’environ 50° par rapport au plan de rotation de ces satellites découvert, la rotation à l’intérieur de la galaxie se fait dans le même sens que celle des galaxies naines.
Toutes les galaxies naines satellites étudiées par les auteurs de cette étude sont des galaxies déficitaires en gaz, ce qui veut dire selon le modèle de formation standard qu’elles résident à proximité de M31 depuis un bon moment et auraient des orbites complexes. Il est intéressant de noter que trois autre galaxies naines qui se trouvent à des distances plus grandes (entre 250 et 500 kpc* de M31), sont, elles, riches en gaz, fabriquent beaucoup d’étoiles, et se trouvent elles aussi dans le même plan de rotation…

On y trouve donc à la fois de « vieilles » galaxies et des plus jeunes qui sont peut-être arrivées là depuis peu…
Les galaxies naines satellites de M31, telles quelles seraient vue depuis son centre ("MW" = voie lactée).
Mais il y a encore plus étrange ! Les autres galaxies satellite de M31, celles qui ne font pas partie du groupe formant un plan, peuvent être divisées en deux sous-groupes de taille équivalente, et l’un de ces sous-groupe (celui comportant la célèbre M33) forme un autre plan de rotation ! Ce second plan de rotation est décalé et incliné de 13° par rapport au premier plan de rotation.
Ibata et ses collègue font remarquer que des satellites de notre galaxie, la Voie Lactée, semblent également former un plan. Il en est semble-t-il de même avec les galaxies satellites de la géante Centaurus A, sans connaitre leur sens de rotation.
Il existe donc aujourd’hui de très sérieux indices montrant que la norme pour la distribution des galaxies satellites soit une distribution structurée. Cette nouvelle information vient s’ajouter à un problème épineux concernant les galaxies naines : on n’en voit trop peu par rapport à ce que prédisent les modèles et les théories. Et maintenant, celles qu’on voit forment des plans de rotation comme des planètes…
Les auteurs explorent quelques scénarios qui pourraient être des pistes pour expliquer ces structures non prédites par les modèles cosmologiques de formation galactique. L’un d’eux serait que le gaz pourrait être accrété sur des sous-halos de matière noire pré-existants et orbitants déjà sur un plan autour de la galaxie géante, mais cela repousse la question sur l’origine d’un tel plan de matière noire…


On l’a compris, cette découverte intriguante pose plus de questions qu’elle n’en résoud, et remet en question une fois encore notre vision peut-être trop simpliste des galaxies…

 * 1 kiloparsec (kpc)= 3260 années-lumière



Références :
Astronomy: Andromeda's extended disk of dwarfs
R. Brent Tully
Nature 493, 31–32  (03 January 2013)

A vast, thin plane of corotating dwarf galaxies orbiting the Andromeda galaxy
R. Ibata et al.,
Nature 493, 62–65 (03 January 2013)

mercredi 2 janvier 2013

Le Ciel d'Hiver : le Taureau

En ce moment, le majestueux Jupiter se trouve dans le Taureau, exactement entre Aldébaran et les pléiades, objets emblématiques de cette constellation, l'occasion pour nous de nous rappeler quelles sont les beautés à observer dans le Taureau en cet hiver...

Le TAUREAU

Tout juste située à côté d'Orion se trouve la constellation du Taureau, qui recèle elle aussi quelques merveilles. Il vous suffit de regarder en direction du Sud, vous reconnaissez facilement Orion et son baudrier, regardez à sa droite, légèrement plus haut, vous distinguez une étoile très orangée, c'est l'étoile principale du Taureau, Aldébaran. Non loin de là, vous pouvez certainement voir un petit groupe de six ou sept petites étoiles très serrées, une sorte de Grande Ourse miniature, les Pléiades, c'est un joyaux sur lequel nous reviendrons...

Et nous allons voir que le Taureau a aussi d'autres cordes à son arc..


Traçons maintenant les différentes constellations qui entourent Orion pour bien repérer le Taureau.


 Vous le voyez ? Rapprochons nous maintenant de plus près pour en explorer les objets intéressants...


Nous commençons notre périple taurin par un coup d’œil sur l'étoile qui nous a permis de localiser si facilement la constellation : Aldébaran. Cette étoile possède une couleur très spécifique, d'un orange cuivré.


Je vous invite ensuite à remonter en direction de l'étoile brillante qui surplombe Orion et le Taureau et qui s'appelle Alnath. Vous vous arrêterez sur NGC1647 qui est un grand amas ouvert composé de nombreuses étoiles assez brillantes. Cet amas doit être privilégié à faible grossissement pour bien en profiter.Nous poursuivons notre montée vers le Nord pour retrouver un autre amas ouvert, NGC 1746, lui aussi assez étendu, mais moins dense que NGC 1647. Cet amas devra être observé avec un grossissement encore plus faible que précédemment, moins de 40X.

Vous poursuivrez votre voyage cette fois-ci en bifurquant légèrement vers Orion et Bellatrix. A environ 1/3 de la distance séparant NGC 1746 et Bellatrix se trouve une belle curiosité. La encore il s'agit d'amas ouverts. Mais il y en a deux. Très proches l'un de l'autre, et suffisamment différents.
Alors que NGC 1807 est un amas ouvert plutôt petit et peu peuplé, NGC 1817, lui, est un bel amas ouvert, bien plus riche et plus dense que NGC 1807, ces étoiles sont en revanche assez faibles.

Nous continuons ensemble notre exploration du Taureau en remontant tout en haut, pas loin de Alnath avec un objet historique. Historique parce qu'il est le premier qu'a catalogué Charles Messier en lui affectant le numéro M1, mais aussi par son histoire... En effet M1 est la nébuleuse du Crabe, dont l'origine est très bien connue, puisqu'il s'agit des restes gazeux d'une étoile qui a explosé en 1054, il y a presque 1000 ans maintenant. Cette supernova a été observée à l'époque par les astronomes chinois qui en ont écrit l'observation...
C'est aujourd'hui une nébuleuse brillante de forme un peu oblongue. On reconnaît facilement sa silhouette si caractéristique à grossissement fort.
M1
 Quittons maintenant le monde nébuleux et je vous emmène voir une étoile, disons plutôt des étoiles. Entre M1 et Alnath se trouve la dénommée 118 Tau qui a l'intérêt d'être une étoile double (magnitudes 5.8 et 6.7), séparées par 4.7'', une blanche et sa compagne légèrement bleutée.

Redescendons maintenant de l'autre côté du Taureau. Nous nous dirigeons vers les Pléiades, mais en s'arrêtant à mi-chemin environ. Il y a là deux étoiles doubles dignes d'intérêt, situées non loin, à moins de 2° l'une de l'autre : Phi Tau et Khi Tau. Phi Tau a ma préférence du fait de son beau contraste de couleurs : jaune et bleu, mais Khi est amusante à séparer, même si le jeu en est facile.

Avant de finir en beauté par le plus bel objet du Taureau, nous devrons passer quand même quelques minutes, voire un peu plus sur un objet difficile à voir. Il s'agit de NGC 1514, une nébuleuse planétaire assez étendue, pas tout à fait ronde, qui est située autour d'une étoile brillante. L'utilisation d'un filtre de type OIII est vivement recommandé afin de bien discerner les contour de cette nébuleuse planétaire.

Nous arrivons maintenant au clou du spectacle que peut nous offrir le Taureau, avec cet amas que nous avons déjà vu au départ de notre voyage. Nous le voyons bien à l’œil nu, et c'est probablement avec de simples jumelles que vous pourrez admirer le mieux M45, les Pléiades, ce magnifique amas ouvert très vaste. Si on arrive à distinguer environ une petite dizaine d'étoiles à l’œil nu, M45 recèle en fait pas moins d'une 3000 étoiles.

Et l'usage d'un télescope permettant un grossissement conséquent n'est pas utile, bien au contraire, du fait de l'étendue de l'amas (4 fois le diamètre apparent de la Lune) !


Pour profiter pleinement de la beauté des Pléiades, privilégiez le champ le plus grand possible! Les voir toutes ensemble est un pur ravissement.




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